Rev. Fr Michael Gromen, C.SS.R.
(Transcribed from a hand-writtten French book. The text, very difficult to read and transcribe in places, needs some corrections. The original manuscript also contained many abbreviations and also spaces left where the author wished to fill in the name of a place or a certain detail.)
Tous ceux qui ont connu le R. P. Grommen l’ont aimé et ne perdront jamais son souvenir. Sa mort a laissé parmi nous un vide que nous voudrions combler plus ou moins en rappelant une partie de ses actes et de ses paroles. Ce récit n’est nullement une histoire de sa vie et de ses vertus : si jamais on entreprenait une chose pareille, le cher défunt serait capable de sortir de son tombeau pour faire entendre une protestation indignée. Ce que l’on trouve ici, ce sont des anecdotes qui nous font connaître le bon papa tel qu’il était avec sonaimable simplicité, son humeur gaie et joviale, son coeur droit et sincère, sa soumission respectueuse evens sessupérieurs, sa charité tendre et dévouée envers ses confrères, sa dévotion naïve et son zèle ardent pour le salut des âmes. Sans doute on rencontrera dans ces récits quelques défauts inhérents a la faiblesse humaine; nous ne devons pas les imiter, pas plus que le R. P. Grommen n’eût imité les nôtres. Mais ces défauts même font respecter davantage les belles qualités dont il était doué et que nous avons tous aimées en lui. Si nous imitons celles-là, nous ne contribuerons pas peu à faire régner autour de nous la paix, le bonheur et la joie du St-Esprit, selon ces paroles du Psalmiste : “Ecce quam bonum et quam jucundum habitare fratres in unum.”
I
Naissance – Famille
Diepenbeek est un beau village du Limbourg, situé entre Hasselt et Maestricht; il comprend 3.000 habitants. Le chemin de fer divise la comune en deux parties : l’une du côté de la Hesabye est extrêmement fertile, l’autre du côté de la Campine ne contient que des bruyères et des bois de sapins. C’est dans la partie fetile, aux extrêmes limites de la commune, non loin de Cortessem que demeuraient les parents du bon Père Grommen. Ils exploitaient une ferme qu’ils tenaient à gage et gagnaient leur pain à la sueur de leur front. Les années étaient mauvaises, l’invasion des Français, les guerres de Napoléon I, l’entrée des alliés qui inondaient les campagnes de troupes prusiennes et de bandes de Cosaques, tout cela avait épuisé les payans du Limbourg au point qu’ils avaient peine à vivre. Avec tout cela la famille Grommen était encore éprouvée d’une manière mystérieuse,; les champs donnaient de mauvaises récoltes, le bétail souffrait, les petits cochons n’engrais-saient pas, les vaches donnaient un lait rare et si mauvais qu’il n’y avait pas moyen d’en extraire du beurre, enfin il paraissait évident que la ferme était frappée d’une mauvaise main. Au milieu de toutes ces misères le père de faille ne perdait pas courage, il était toujours de bonne humeur et fortifiait les siens en disant : “Confiance en Dieu, si les choses vont mal aujourd’hui, elle iront mieux demain.” Sur les conseils et les instances des voisins, le père de famille alla consulter un vieux prêtre qui demeurait dans les environs de Namur. Celui-ci après un long examen, déclara formellement qu’il y avait de la sorcellerie et vint lui-même à Diepenbeek, ordonna de faire bouillir une marmite d’eau dans laquelle il répandit une certaine poudre, puis il fit creuser des trous dans la grange, les écuries et autour de la maison, il versa l’eau bouillante dans ces trous et passa la nuit en prières. Durant cette nuit les habitants ne purent fermer l’oeil,ils étaient abasourdis par le miaulement d’une armée de chats qui faisaient leur sabbat autour de la maison au point que l’herbe en était entièrement foulée. Le lendemain le prêtre prit congé de ses hôtes les assurant que le mal aurait disparu à la condition qu’ils feraient une neuvaine, durant, ils ne pourraient rien donner, ni rien prêter à les étrangers sous aucun prétexte, puis il ajouta : “Et maintenant voulez-vous savaoir qui vous a joué ce mauvais tour? “ – A quoi le père répond : “Non ça, à aucun prix.” – Et pourtant, reprend le vieil ecclésiastique, vous le saurez : c’est la personne qui viendra vous demander des pommes.” Il dit et part pour ne plus revenir. La neuvaine s’engage avec ferveur, mais à chaque instant il fallait la recommencer, car on donnait et on prétait à tout le monde. Voilà une femme des environs, qui fréquentait assidûment la ferme, elle se présente sur le seuil de la porte et demande des pommes. Le père répond : “Nous n’en avons plus.” – “Mais si, dit la femme, il s’en trouve dans ce panier.” Le père regarde; en effet, il s’y trouvaient quelques vieilles poimmes; il veut les donner à la femme, mais la mère se jette entre deux en disant à son mari : “Vous savez bien qu’il nous est défendu de donner quoi que ce soit. La-dessus, la femme s’en alla et ne revint plus et depuis lors tout mara à souhait dans la ferme. Plus tard la mère racontait de temps en temps cette histoire à ses enfants; Michel avait de la peine à la croire, alors il s’adressait à son père et lui demandait : “Est-ce vrai ?” Un oui bien accentué lui enlevait tout doute; car, disait-il, mon père se serait fait hacher en menus morceaux plutôt que de proférer le plus leger mensonge.
1806 – Michel Grommen vint au monde le 22 février 1806, fête de la Chaire de St-Pierre à Antioche; il fut baptisé à l’église paroissiale de Diepenbeek. L’enfant promettair beaucoup; il était extrêmement fort pour son âge, souriait à tout le monde; seulement il poussait descris bruyants qui faisiaent beugler les vaches et aboyer le chien de la basse-cour. Michel était le troisième des enfants. Son frère Jean avait une dizaine d’années et Arnoul cinq ans de plus que lui. Autre ans après, il reçut encore un petit frère, appelé Jérôme, que la Providence destinait à perpétuer le nom de la famille. Vers cette époque les parents quittèrent la ferme où Michel avait vu le jour et allèrent s’établir dans une autre située non loin de la première, mais sur le territoire de Cortessem. C’est là que le jeune Michel croissait en âge et en piété, mais aussi en espiègleris : grimper sur les arbres, dénicher des oiseaux, placer des lacets pour des grives, se faire traîner à la queue du cheval, c’étaient ses jeux favoris. D’un autre côté, il s’agenouillait se dévotement devant le crucifix et l’image de la Ste-Vierge, et récitait si pieuxement ses prières que sa sainte mère lui avait apprises, que jamais sdon père n’eut le courage de le gronder; sa mère seule lui faisait de temps en temps quenlques remontrances.
II. Enfance
1810 – Michel était âgé de quatre ans, et jamais encore il n’avait mis le pied à l’église dont la maison paternelle était passablement éloignée. Toutes les fois qu’il entendait dans le lointain le son joyeux des cloches, son coeur bondissait, il sautait de contentement et s’écriait : “Mère, écoutez ! que c’est beau ! Quand me conduirez-vous là-bas à l’église ?” Et il reçut pour réponse : “Quand vousserez bien sage et que vous connaîtrez bien vos prières.” Les jours de fête, quand il voyait ses parents et ses deux aînés endimanchés se rendre au village pour assiter à l’office, il avait l’air tout triste et disait : “Et mon tous, quand viendra-t-il ? “
Enfin la mère ne put y tenir, elle résolut de le prendre avec elle à la première occasion. La première fête venue, le petit Michel fut lavé au savon, on lui mit une robe neuve et le voilà en route. Il veut s’arrêter partout pour admirer les jardins, les fleurs, les maisons du village. Enfin il entre à l’église. La vue des tableaux, des statues des saints, des autels, lui fait pousser des cris d’extase. “Mère, qu’est-ce ceci ? Qu’est cela ?” La pauvre mère dut lui mettre la main devant la bouche pour le réduire au silence. Bientôt toute son attention est attirée vers le choeur oµ il voit les acolytes en rochet aller et venir. “Mère, dit-il, voyez donc ces garçons courir en chemise.” Un allume les cierges et il dit : “Mère, ont met le feu à la maison.” Le peuple riait aux éclats et la mère toute morfondue prend son petit entre ses bras sur le point de s’enfuir. Enfin un coup de sonnette retentit, le curé en chasuble monte à l’autel. Le petit Michel s’échappe des bras de sa mère, se hisse sur un banc et fixant son regard sur le prêtre; il croyait voir un oiseau rare prêt à s’envoler. Là-dessus l’orgue lance ses accords, les chants se font entendre, le petit Michel tombe à genoux et ne bouge plus. Après le service, la mère reconduit son Michel à la maison; tout le long de la route le petit faisait aller son caquet sur les merveilles dont il venait d’être témoin et surtout sur cet oiseau aux mille couleurs, qu’il avait vu voltiger autour de l’autel. La conclusion pratique que ses parents tirèrent de cette histoire, fut que Michel ne retourna plus à l’église d’ici longtemps.
Le petit grandissait à vue d’oeil, mais en même temps ses forces diminuèrent, l’appétit disparut, il devint sérieusement malade et fut forçé de garder le lit, attaqué qu’il était par une espèce de suette. Au fort de la fièvre qui le brûlait, le pauvre Michel ne cessait de crier : “Du stockfisch ! donnez-moi du stockfisch !” Ses parents désolés n’eurent garde de lui offrir une nourriture aussi dangereuse; mais comme les lamentations du petit malade continuaient toujours, son père en parla au médecin, celui-ci fronça les sourcils et dit gravement : “Si vous voulez tuer votre enfant, donnez-lui du stockfisch. Vous voyez bien que s’est le délire qui le fait parler.” Entre-temps le mal augmentait sans cesse, bientôt le jeune malade était à deux doigts de la mort et cependant il ne cessait de répéter : “Du stockfisch ! donnez-moi du stock-fisch !” - Allons, se dit le père, puisquele pauvre garçon doit mourir en tout cas, je vais lui donner cette consolation de manger du stockfisch tout son soûl.” Effectivement le jeudi suivant l’on vit le brave fermier revenir du marché de Tongres avec un énorme stockfisch sous le bras. A cette vue le petit Michel tressaille de son lit, il étend les bras, haletant, vers l’objet de ses désirs. On n’a pas le temps de tremper le poisson pour l’amollir, il faut sans tarder en dé-couper un morceau et le cuire dans la poële. Enfin il la tient cette protion bénie, il la flaire, il la mange avec un appétit à faire venir l’eau à la bouche. Le lendemain, encore du stockfisch au matin, à midi et au soir. A mesure qu’il en mange, il revient à la vie, il reprend ses forces et sa bonne mumeur, et quand le poisson est consommé, Michel quitte le lit et court prendre ses ébats dans le verger et au milieu des champs. Cette seule leçon suffit pour le faire passer docteur en médecine; depuis lors toutes les fois qu’il se sentait plus ou moins dérangé, il se recueillait pour écouter la voix de son estomac et s’il parvenait à se procurer ce que réclamait la nature, il se trouvait guéri. Que de fois, en mission, ayant perdu l’appétit par suite des fatigues, on le voyait languissant et taciturne; alors les bons curés de presser : “Père Grommen, n’avez-vous pas du goût pour l’une ou l’autre chose ?” – Mais si, donnez-moi un morceau de lard, ou du jambon cru, ou un oignon ou une cuillerée de vinaigre.” A peine satisfait, le Père Grommen se remettait à manger et travaillait avec vigueur. Quelquefois l’un ou l’autre de ses confrères dés-approuvait ces caprices, mais ceux qui le connaissaient savaient que le bon Père n’en agissait ainsi que pour pouvoir achever son travail. Durant toute sa vie il a peu usé des drogues du pharmacien, il préférait les drogues de la cuisine qui, malgré ses nombreux travaux l’ont conduit jusqu’à sa 76e année. A ce propos il aimait à raconter l’histoire de son frère Arnould. Celui-ci durant sa jeunesse souffrait de toutes les maladies possibles. Il avait consulté grand nombre de médecins, il avait épuisé tous les remèdes de la pharmacie avec ce seul résultat qu’il allait tomber de mal en pis. Finalement il s’adresse à un charlatan qui vendait des poudres à la foire. Celui-ci le regarde et lui dit : “Mon ami, n’avez-vous pas fait usage excessif de médecins et de médecines?” – “En effet.” – “Hé bien ! écoutez-moi; envoyez toute cette boutique au diable, mangez et buvez ce qui va à votre estomac; appliquez-vous à un travail modéré et vous ferez de vieux os.” Arnould suivit ce conseil, il s’en trouva si bien qu’aujourd’hui à la mort du Père Grommen, ce même Arnould compte 82 ans et espère ne pas partir de si tôt.
III. Première jeunesse
Michel avait grandi et était devenu fort et agile; il fallait songer à son éducation. Ses parents avaient encore changé de demeure, ils habitaient une ferme sous la commune de Wiermael sur la Chaussée de Tongres vers Hasselt non loin de Gors op Leeuw où ils se rendaient à l’église. Dans ces temps les écoles étaient rares à la campagne, la plupart des enfants demeuraient illettrés. A une certaine distance de Wiermael, sous la commune de Herne St-Hubert on découvre au fond d’un bois, sur le bord d’unruisseau un grand et bel ermitage habité par quatre pieux solitaires. Ils vivaient ensemble portant le costume et suivant la règle de St-François. Ils partagaient leur temps entre la prière et le travail; ils cultivaient une petite pièce de terre et soignaient les malades des paroisses environnantes. De plus pour suppléer au manque d’établissements d’in-struction, ils avaient ouvert chez uex une école et même un pensionnat pour les jeunes gens de la campagne. Ils apprenaient à lire, à écrire, à calculer, et même ils en-seignaient un petit bout de français, ce qui, avec le caté-chisme, formait un bagage littéraire suffisant pour de jeunes campagnards. Le petit Michel fut confié à leurs soins, il vint demeurer comme pensionnaire dans cet ermitage pittoresque. Qu’il était intéressant à voir avec ses souliers à noeuds de cuir, ses bas collants qui faisaient ressortir ses mollets arrondis, ses culottes à boucles et sa blouse toute proprette. De longs cheveux blonds tirant sur le roux flot-taient sur ses épaules, et des yeux vifs et ardents lançaient des éclairs sous ses sourcils. Tous ceux qui l’ont connu vers ce temps, le comparent au petit Maximin dont la statue se voit aux pieds de Notre-Dame de la Salette. Dès que le jeune Michel fut installé dans sa nouvelle demeure, il acquit l’estime de ses maîtres et l’amitié de ses condis-ciples. Ceux-ci l’aimaient à cause de sa bonne humeur, de son caractère serviable, de ses réparties vives et spiri-tuelles, mais surtout pour ses erspiègleries et ses origina-lités. Les bons ermites ne l’aimaient pas moins, mais de cet amour solide que n’épargne pas la verge. Les grands moy-ens de correction alors en vigueur consistaient surtout dans le pain sec et le bâton. Michel en fit ample connais-sance. Le dortoir commun du pensionnat n’était autre que le grenier de l’ermitage où de simples paillassons servaient de lit aux élèves; une place spacieuse mais unique servait à la fois de classe, de salle d’étude et de réfectoire durant l’hiver; en été, les élèves prenaient leur repas en plein air sur le gazon, au bord du ruisseau. Michel avait toujours quelque farce pour intéresser l’exercice de communauté; au dortoir, au lieu de dormir, il racontait des histoires de revenants, il rêvait à haute voix ou chantait un petit refrain de Malborough; en classe, il lançait des hannetons ou lâchait de petits mannequins qui se balançaient dans le vide, comme Absalon à son chêne; durant les repas, il poussait ses voisins et les envoyait prendre un bain frais au fond du ruisseau. Ces joyeux exercices étaient inter-rompus par le bâton qui venait mesurer la largeur de son dos; alors il craiait, faisait de belles promesses qu’il fallait lui rappeler plus d’une fois par les même arguments frap-pants. Souvent même on dut recourir au pain sec et à l’eau claire, pour le plier à la discipline. Ce système pater-nel eut pour lui un double avantage : il servit à déve-lopper ses forces physiques et à le rendre docile sous le joug de l’obéissance. Aussi il en fut très reconnaissant envers ses anciens maîtres et le reste de sa vie il ne cessa jamais de vanter ces moyens de correction. Que de fois dans ses sermons aux parents, il leur recommandait l’usage du bâton, surtout pour éloigner les jeunes filles des cabarets et des mauvaises frééquentations. Un jour, pendant un renouvellement de mission, un bon papa se présente à lui. “He bien ! papa, lui dit-il, comment vont vos filles ? Vont-elles encore au cabaret avec les jeunes gens du voisinage?” – “Hélas ! Mon Père, il n’y a pas moyen de les en éloigner !” – “Vous êtes-vous servi du bâton comme nous l’avions recommandé l’année dernière ?” – “Comment voulez-vous que j’aille frapper de grandes per- sonnes ? “ – “Vous n’avez pas accompli votre devoir, allez vous exécuter d’abord, puis vous reviendrez.” Le papa rentre chez lui de fort mauvaise humeur, il saisit sa canne, se met à rosser ses filles de toute la force de son bras. Celles-ci accourent en pleurant, se jettent aux pieds du misionnaire : “O mon Révérend Père, qu’avez-vous fait ? Papa nous a frappées à nous rompre les côtes; mais c’en est fait, nous le promettons: plus de cabarets, plus de mauvaises fréquentations !” – A la bonne heure, allez dire à papa qu’il revienne, je le recevrai comme mon meilleur ami.” Le même moyen lui réussit plus d’une fois pour corriger les femmes adonnées à la boisson. Il engageait fortement les maris à les battre sans miséricorde jusqu’à ce qu’ils fussent parvenues à leur inspirer le dégoût du genièvre et l’application au travail du ménage.
Cependant il y avait un endroit où Michel oubliait toutes ses espiègleries et devenait réellemtn un modèle, un sujet d’édification : c’était la chapelle. A quelques pas de l’ermitage s’élève une petite église de forme rustique; l’intérieur bien propre et dévotieux représente la maison de Nazareth où “le Verbe se fit chaire et habita parmi nous”. Dès qu’on met le pied dans ce sanctuaire, le coeur est attendri, on tombe à genoux et l’âme ravie semble contempler le Mystère de l’Incarnation; on croit assister à l’entrevue de l’Archange avec la Vierge immaculée. Tous les jours au matin et au soir la petite cloche de l’ermitage fait entendre ses sons argentins, alors on voit accourir le peuple des campagnes environnantes, bientôt l’église se remplit d’hommes, de femmes, d’enfants, qui, tous ensemble, répètent avec ferveur les paroles de l’ange : “Je vous salue, Marie, pleine de grâce, le Seigneur est avec vous.”
Qui nous dira les heurex moments que le jeune Michel passa dans ce béni sanctuaire. C’est là que son coeur innocent contracta avec la Mère céleste une sainte union, qui ne devait jamais plus se rompre; c’est là qu’il s’engagea à ces pmieuses pratiques auxquelles il resta fidèle jusqu’à la fin de ses jours; c’est là qu’il entrevit dans le lointain la sainte mission que le Ciel lui confierait plus tard, de faire connaître, honorer et aimer marie par le peuple chrétien; c’est là aussi qu’il se prépara avec ferveur au grand jour de sa première Communion. Pour accomplir de grand acte de sa vie il rentra pour quelques jours dans sa famille. Le voyez-vous avec ses souliers à boucles d’argent, ses beaux bas blancs, ses culottes toutes neuves, sa petite veste à queue d’hirondelle, sa cravate de diverses couleurs, son col de chemise qui enchassait tout son cou, puis son grand chapeau en forme d’entonnoir; ajoutez à tout cela un livre de prières gros comme un breviaire et un chapelet plus grand que lui.
On peut conjecturer alors combien sa belle âme dut être ravie dans le Seigneur, par les paroles de feu qui lui sortaient de la bouche toutes les fois qu’il prêchait en mission, à une communion générale des enfants. Soixante-trois ans après le jour de sa première Communion, il en rappelait encore avec ravissemnet le pieux souvenir. C’était à la mission de Cortessem, un brave patriarche de l’endroit célébrait le cinquantième an-niversaire de son mariage; il était placé au choeur de l’église avec sa femme, enfants, petits enfants et arrière-neveux. Le Père Grommen prèchait pour la circonstance, entre autres choses il dit à l’assemblée : “Savez-vous bien, mes chers amis, que le jubilaire et moi, nouis avons fait ensemble notre première communion ! De plus, en ce beau jour, nous étions accouplés de sorte que nous marchions côte à côte vers la Table Sainte, nous restions unis pour recevoir le bon dien et pour prendre ensemble les repas du jour sous le toit de nos parents respectifs.
Heureux l’homme, qui, en jetant dans ses vieux jours un regard sur le lointain de sa vie n’y découvre que des images riantes et des sujets de joie et de contentement.
IV. Jeune homme
La famille du Père Grommen changea encore de de-meure, elle alla s’établir à Jesseren, joli petit village non loin de Looz-la-Ville. Là, le jeune Michel vint offrir à ses parents et ses frères l’assistance de son bras et partager avec eux les travaux des champs. Il maniait la bêche comme un expert, il était tout fier de tracer à la charrue des sillons droits comme une flèche; il faisait claquer bravement son fouet en marchant à côté de la charette, et puis dans ses moments de loisir il prenait le fusil de son père et s’exerçait au tir des moineaux; mais son occupation favorite était de mener les brebis. Durant plusieurs années, il passa ses journées au milieu de son troupeau; il causait avec ces innocentes créatures comme un père avec des enfants, il semblait les consulter sur les meilleurs pâturages, sur les endroits à l’abri du vent. enmême temps, il étudiait la belle nature, tâchant d’en pénétrer les secrets. Chaque fleur, chaque brin d’herbe le ravissait, l’élevait vers Dieu. Que de fois, tenant en main une simple feuille d’arbre et la comparant aux autres, il se disait : “Où est l’artiste capable de produire quelque chose de pareil ?” Quand il avait découvert quelques nids d’oiseaux, il s’amusait à changer les petits oeufs, les plaçant d’un nid dans un autre. Puis il se mettait en embuscade pour voir quelle figure allaient faire les petits vieux en rentrant à la demeure. De même pour empêcher le coassement des grenouilles, il prenait les oeufs de Pâques, en ôtait les écailles, quj’il jetait durant la nuit de Pâques dans les mares et les fossés où se tenait cette engeance, avec la pleine conviction qu’on serait débarassé cette année-là de leurs désagréables concerts. De même encore, à la fête de St Jean-Baptiste, ikl détachait une branche decerisier, la laissait dessécher sur la cheminée de la cuisine, et là, chaque année à la Noël, on voyait cette branche sèche porter les plus belles fleurs. C’est aussi au milieu de ses brebis qu’il apprenait à pronostiquer le beau temps, talent précieux qui lui vint souvent à propos. Un jour il fut envoyé par le Recteur de St-Trond pour prêcher la mission à Wilderen; il se met en route avec son compagnon en lui disant : “comme il fait beau, nous allons faire un petit détour et nous promener dans les champs.” L’autre lui indique vers l’horizon de gros nuages qui semblaient annoncer un orage. “Ne craignez pas, répond le Père Grommen, j’ai été berger, je prévois le mauvais temps, je ne m’y trompe jamais.” L’autre se laisse persuader; mais voilà que le ciel s’obscurcit, une pluie torrentielle inonde la campagne, nos deux missionnaires prennent leurs jambes à leur cou et arrivent à la cure trempés comme des poissons. Après une semaine de labeur, Michel se délassait agréablement le Dimanche et les jours de fête. Ses parents lui donnaient alors une petite somme d’argent pour ses menus plaisirs : elle ne dépassait jamais la somme de vingt centimes, comme il l’a déclaré plus d’une fois dans ses sermons au peuple. avec cette somme modique, il savait s’amuser et amuser les autres : il allait rarement au cabaret; mais après avoir assisté à tous les offices de la paroisse, il organisait dans la maison paternelle des jeux etr de petites fêtes où l’on vit accourir tous les jeunes gens de l’entour, même des villages environnants. Un rentier des plus notables de Cortessem répétait souvent dans ses vieux jours : “Les plus agréables moments de ma vie sont ceux que j’ai passés dans la famille u Pèere Grommen.” C’étaient le tir à l’arc, les quilles et autres jeux semblables, mais aussi quelquefois des farces à pouffer de rire. Telle fut la fameuse fonderie de cloches. Il y avait alors à Reppel près Jesseren, un jeune homme assez fortuné qui habitait une petite propriété avec sa vieille tante. Il s’habillait avec une certaine recherche : pantalon de Nankin, habit de drap brun, petit chapeau sur l’oreille, avec cela une belle canne à pomme argentée. Il marchait raide comme un tambour-major, n’osant regarder de côté de peur de déranger le col de sa chemise. Ce dandin asisstait assez souvent aux réunions des jeunes gens de Jesseren; mais sans prendre part à lmeurs jeux : il aurait pu salir ses mains, tacheter son pantalon, et quoi encore ? Tout ce qu’il faisait c’était de rire au nez de ceux qui se montraient maladroits et perdaient la partie. Cela déplaisait fort à nos jeunes gens qui chargèrent leur chef, Michel Grommen, de lui faire une leçon. Il combina des plans : le dimanche suivant tous étaient à leur poste et le faquin de Reppel se trouvait au milieu d’eux. On proposa d’établir une fonderie de cloches. Chacun, tour à tour, monte sur une table, un solide gaillard vient se placer devant luin, passe sa tête entre ses jambes, l’empoigne, le pèse, fait avec lui un tour de la maison et puis le rmet en place en disant : “Cette cloche est trop légère ou trop grosse, donc rejetée. Tous avaient passé l’épreuve à l’ex-ception du beau jeune homme qui résistait à leurs sollicitations. On l’entoure, on insiste, on le presse; à la fin il s’exécute : il monte sur la table, l’autre l’empoigne avec force, le tient serré entre ses bras. Voilà mon homme suspendu la tête en bas sur le dos de son porteur. Aussitôt tous d’accourir avec des pots et des pintes. On verse l’eau en abondance dans son pantalon de Nankin, elle découle par torrents le long de son dos; entretemps les mains s’élè-vent et s’ébattent sur ce pantalon humide, avec des cris à n’en pas finir : “Quelle belle cloche ! Comme elle résonne ! Que timbre magnifique !“ Le pauvre jeune hom-me se dresse, se tord, se tourne, se retourne en tous sens; rien n’y fait : l’eau continue à couler, les coups de cloche se font entendre sans interrupution jusqu’à que le travail cesse par la lassitude des ouvriers. Le pauvre diable se reitre dans un coin et regardant d’un air stupide ses compagnons qui riaient aux éclats, il leur dit sèchement : “J’ai voulu vous mordre dans les fesses.” – Oh ! lui dit-on, il ne maquait plus que cela, nous avons battu la cloche à plates mains, mais alors elle aurait retenti à coups de bâ-ton. L’autre qui avait son reste s’enfuit et va cacher sa honte chez sa vieille tante, il ne revint plusk mais la tante en se rendant à l’église les dimanches suivants se voyait entourée de railleurs qui criaient : “Trinette, comment va la cloche, donne-t-elle encore de beaux sons ?” Et la vieille se fâchait tout rouge. Bien des années après, le Père Grommen, étant séminariste, se promenait dans ces pa-rages en soutane et tricorne, il voit venir à lui le beau jeune homme de Reppel pour le saluer et lui serrer la main, l’autre se rappelant l’histoire de la cloche, est sur le point d’éclater, il abrège la conversation et continue sa route riant aux éclats.
V. Une Tante
Vers cette époque le Père Grommen eut la douleur de perdre se bons parents. Il les avait aimés beaucoup durant leur vie, il les aima encore plus après leur mort; toujours il parla d’eux avec un profond respect, il loua la bonté peut être un peu excessive de son père, et les soins assidus, les travaux et les peines de sa sainte mère; durant sa ongue carrière il ne laissa passer aucun jour, même au plus fort de ses missions, sans qu’il offrit au Ciel un pieux souvenir, souvent même de longues prières pour ces chers défunts. A la mort de leurs parents, les quatre frères Grommn étaient en état de pourvoir à leurs propres besoins. Ils étaient unis de coeur et d’âme, vivaient ensemble dans une union tout à fait fraternelle. Ils avaient un Tante assez fortunée, elle demeurait à Cortessem, dans une belle ferme entourée d’u immense verger et de plusieurs hectares de terre. Elle engagea donc ses neveux à venir habiter avec elle, exploiter la ferme trèsfertile dont elle était propriétaire, pour leur propre compte, avec l’espoir d’en devenir plus tard les heureux possesseurs. C’est là que les trois frères du Père Grommen vont passer enpaix le reste de leur jours; c’est là que Jérôme, le cadet, s’engagea dans les leins du mariage, qu’il verra ses enfants et petits-enfants réunis autour de lui; c’est là que cinquante années plus tard, le vieux Père Grommen viendra présider des agapes fraternelles et répandre ses bénédictions sur une triple génération de vrais chrétiens. Cette ferme de ma tante est devenue célèbre par un tilleul antique, à proportions gigantesques, qui se dresse majestueusement à quelques pas de la maison. Le creux de l'’rbre peut contenir une famille tout entière, l’envergure de ses branches couvrirait de son ombre plusieurs centaines de personnes. Les habitants en passant devant le vénérable vieillard se découvrent respectueusement pour honorer la petite Madone attachée à ses flancs. L’illustration belge a donné la description de cet arbre avec une gravure qui donne une idée exacte de sa prodigieuse grosseur. Ma tante était une personne très pieuse et d’une foi à transporter des montagnes. Un jour les petits cochons étaient pris d’une maladie subite, ils étaient comme frappés de vertige et couraient en tournoyant et se poussant comme des fous furieux. On appelle la brave femme : “Ma tante, venez voir, les petits porcs cont le diable au corps.” La tante regarde: “Ce n’est rien, dit-elle, nous irons en pélérinage à Ste Rainelde.” A peine a-t-elle parlé que les petits cochons reprennent leur calme et retournent en paix à leur étable. Une autre fois le cheval ne voulut plus manger ni foin, ni avoine, mais se délectait à manger du sable. On en parle à la tante : “Bah ! dit-elle, nous enverrons quelqu’un à Haeckendover.” Aussitôt la bête fut guérie.
Cette tante avait une prédilection toute particulière pour son bon Michel, et celui-ci le lui rendit avec ususre, car toujours il l’aima comme une seconde mère. Elle fit une maladie grave et dangereuse; Michel entreprit pour elle le pélérinage des trois soeurs; les trois soeurs sont les saintes Bertilia, Genovena, Eutropia dont les reliques reposent dans les églises de Brusthem, Zepperen et Rykelen. Quoiqu’elles aient vécu à des époques différentes on les appelle soeurs parce que leurs reliques sont venues dans le pays vers le même temps. Le pélérinage des trois soeurs est devenu célèbre par suite des guérisons nombreuses obtenues par leur intercession. A Brusthem, à quelques pas de la belle chapelle se trouve une fontaine, dont la légende populaire raconte des merveilles. Les étrangers, avant d’entreprendre leur long pélérinage vers les trois saintes, se rendent d’abord à cette fontaine. Ils jettent dans le bassin un morceau d’étoffe ayant servi à l’usage du malade qo’on vient recommander, si l’étoffe va au fond, c’est bon signe : allez avec confiance, vos prières seront exaucées; si l’étoffe surnage, n’insistez pas, il faut vous adresser ailleurs. Michel Grommen, plein de compassion pour sa tante malade, se mit en route pour Brusthem, armé de son bâton et d’une grosse pièce de toile dont la malade s’était servie. Le voilà planté devant la fontaine, il lance un morceau de sa toile qui va au fond comme une pierre. A cette vue il pousse un cri d’admiration. “Mais, se dit-il, est-ce que tous les morceaux n’iraient pas au fond.” Voyons, je vais jeter celui-ci à ma propre intention.” Il fait, l’étoffe surnage, il la pousse avec son bâton, mais elle revient à flot; alors il la reprend, la secoue, la lance de nouveau à l’intention de sa tante et aussitôt elle disparaît au fond du puits. Il renouvelle cette expérience tant qu’il lui reste quelque morceau de sa toile et toujours avec le même résultat. Il n’eut plus de doute, il se mit bravement en marche, fit le tour des trois villages et invoqua les saintes avec tant de ferveur qu’il obtint la guérison de sa tante bien aimée. Après ce témoignage d’affection, l’estime qu’elle portait à son cher Michel ne fit que s’accroître, elle soigna ses intérêts comme ceux d’un enfant unique, elle l’encouragea dans ses études, supporta les frais du grand séminaire et lorsqu’il entra dans le saint Ministère, elle alla demeurer avec lui dans la chapellenie de Meuwen et à la cure de Herderen; elle fut son unique servante, sa ménagèrepleine de sollicitude. Et lorsque le Père Grom-men quitta le monde pour entrer au noviciat de St-Trond, son plus grand sacrifice fut de se séparer de sa tante chérie; ce sacrifice lui coûta bien des larmes; surtout les premiers jours qu’il passa au couvent de St-Trond. Toutes les fois qu’on lui demandait la cause de ses pleurs, il répondit : “Je pense à ma tante”, et il ajouta : “Je ne voudrais pas mériter le reproche de St Paul aux païens, d’être sans affection, d’avoir un coeur dur et insensible.” Ce coup ne fut pas moins rude pour la bonne femme; après le départ de Michel, elle retourna à Cortessem, où elle passa le reste de sa vie avec ses trois neveux, dans la ferme dont elle leur avait cédé l’usufruit. Sentant l’approche de sa mort, elle institua le Père Grommen légataire universel de toutes les propriétés. Celui-ci n’oublia pas la chère défunte; il lui céda, dans ses prières, la même part qu’il avait faite à ses pieux parents et dix années avant sa mort, il fit son testament par lequel il remit à son frère Jérôme tous les biens qu’il avait herités de sa tante, à l’exception de deux hectares de terre qu’il léguait à ses frères aînés, de peur qu’après la mort de leur père, les enfants de Jérôme ne se montrassent durs et cruels envers les deux oncles survivants.
VI. L’étudiant
1825. Michel Grommen approchait de sa vingtième année lorsqu’il se mit en tête d’apprendre le latin dans l’espoir d’entrer un jour dans le sacerdoce. Ils étaient trois frères et une tante dont les bras suffisaient aux travaux de la ferme. Il avait acquis une certaine dose de connaissance chez les pieux ermites de Hern-St-Hubert, depuis lors il avait augmenté son savoir par la lecture et la conversation avec des gens instruits. Il fit part de son dessein au bon curé de Cortessem, le Révérend Monsieur Lambert Hoebankcxde Gingelom qui aimait beaucoup la famille Grommen et en particulier le jeune Michel à cause de son caractère franc et ouvert. Celui-ci approuva hautement son projet et s’offrit à lui donner des leçons tous les jours de la semaine. Michel accepta avec reconnaissance et dès lors on le vit dévorer son, l’Epitome, et sur-tout les fables de Phèdre dont il faisait ses délices; il s’appliqua si bien qu’il se fit admettre au grand séminaire de Liège. Le bon coeurdu jeune étudiant na pouvait manquer de chercher un moyen de témoigner sa reconnaissance à son précepteur dévoué; lui offrir de l’argent, il ne fallait pas y penser, le brave curé l’eut pris pour un affront; mais l’élève aimait la chasse et le profes-seur aimait le gibier; ainsi le moyen de payer cette dette du coeur fut bien vite trouvé. Les jours de congé et les heures de récréation dvinrent des parties de chasse. Notre latiniste tout en ruminant ses leçons, se mettait à l’affût, armé de son fusil pour surprendre sa proie : il avait l’instinct sûr pour découvrir le gîte du lièvre; il était si adroit au tir qu’il manquait rarement son coup. Quel bonheur pour lui quand, après une chasse heureuse il se rendait triomphalement à la cure, tenant caché sous sa blouse les dépouilles de l’ennemi; alors il se glissait furtivement dans la cuisine, remettait doucement à la vieille Catherine le gibier qu’il avait pris, puis, sans faire semblant de rien, il allait gravement prendre ses leçons. Mais aussi quelle joie our le curé, lorsqu’à midi, il flairait le morceau exquis, il voyait la bonne Catherine placer devant lui le lièvre bien assaisonné en disant : “Monsieur le Curé, voilà le produit de la chasse de votre élève. “Hélas, pourquoi ces moeurs patriarcales ont-elles disparu de nos jours ?”
La distance de la maison qu’occupaient les frères Grommen à la cure du village est de vingt minutes. Un jou l’étudiant se rendait en classe, portant ses livres sous le bras et le fusil en bandoulière. Il voit un lièvre couché à quelques pas: il dépose ses libres, met en joue, fait feu, le coup part, l’animal blessé roule dans son sang. Michel jette son fusil et court s’emparer de son butin, il étend la main pour saisir son lièvre, mais celui-ci s’échappe, fait quelques bonds, puis tombe épuisé. Michel s’avance, se courbe pour prendre sa proie qui lui échappe encore. Le chasseur frustré s’anime, se met à courir; mais chaque fois qu’il va mettre sa main sur l’animal blessé, celui-ci fait de nouveaux bonds et s’éloigne de plus en plus. C’est ainsi que le lièvre promène son chasseur le long des champs durant une grosse demi-heure. On arrive à un fossé large et profond. “Diable, se dit Michel, pourvu que mon individu n’aille pas se jeter à l’eau.” Il avait deviné juste : le lièvre descend la côte et passe le ruisseau à la nage. Le chasseur de plus en plus animé ne veut pas lâcher prise, il retrousse son pantalon et passe le fossé ayant l’eau jusqu’aux genoux. Arrivé à l’autre bord, il voit son adversaire rebrousser chemin, reprendre sa route à travers le ruisseau pour revenir à son point de départ. Le pauvre Michel se gratte les cheveux, et se voit forcé de prendre encore un bain frais pour la seconde fois. Maintenant les voilà de nouveau à la poursuite l’un de l’autre, la course recommence et se prolonge durant une nouvelle demi-heure. Entre temps, le mouillé, harassé de fatique, ne cessait de maudire ce contretemps et de se dire : “Imbécile que je suis, si au moins je ne m’étais dessaisi de mon fusil, j’avais encore un coup à tirer, j’aurais bien vite abattu l’ennemi.” Rien n’y faisait, il fallait marcher, courir, se mettre en nage, au risque de voir encore la proie s’échapper. Enfin on arive près d’une ferme, Michel tout essoufflé crie, tempète qu’on lâche le chien de la basse-cour. Aidé de ce puissant auxiliaire il resta maître du champ de bataille, il se rendit triomphant à la cure, chargé de son trophée : l’heure de la classe était passéee, mais du moins il avait remporté la victoire. Ce gopût de la chasse lui resta toute sa vie; il est vrai qu’étant religieux il ne toucha plus une arme à feu : mais il aimait, durant ses promenades de voir courir le lièvre, de découvrir son gîte, d’indiquer le moyen de l’attraper. Pendant la mission d’Ever près de Malines, il se promenait seul le long d’un bois. Tenez se dit-il si par hasard il y a un lièvre ici près il faut qu’il se trouve en tel endroit; et effectivement il ramasse un gros lièvre, qui blesé à la chasse était venu expirer en ce lieu. Il l’apporte à la cure et régale ses compagnons et le curé de la paroisse. Une autre fois ses confrères lui jouèrent un tour, qu’il n’a jamais raconté. On était en mission le Père Grommen avait parlé de ses exploits cynégétiques, il avait vanté sa science à découvrir le gibier. Un des pères qui l’accompagnait, avait vu à la cuisine une vieille peau de lièvre, il la décroche de la ùmuraille, l’epaille, l’arrange de son mieux et la place bien proprement au milieu des choux du jardin. Peu après on voit le P. Grommen se promener le long de la haie, il jette un regard sur les choux, il voit ces poils hérissés, aussitôt il revient sur ces pas, s’empare d’une fourche, puis s’avançant sur la pointe des pieds, il s’approche doucement du lièvre supposé : arrivé tout près il se lance, il tombe de tout son long écrasant les choux qu’il rencontre sur son passage, il croyait tenir la proie mais les éclats de rire qui partaient d’une fenêtre voisine, lui apprirent que ce n’était pas un lièvre, mais un autre individu qu’on venait d’attraper. Cela ne lui arriva pour-tant qu’une seule fois dans sa vie. Michel Grommen était au beau milieu de ses études quand il apprit que son pré-cepteur allait quitter la paroisse de Cortessem pour devenir doyen de Dilsen. A cette nouvelle le pauvre Michel ne put cacher sa douleur mais le Révérend Monsieur Hoebanckx le consola en lui disant : Bilsen n’est pas loin d’ici; vous avez de bonnes jambes, ainsi vous viendrez me trouver à ma nouvelle cure et je vous donneraides leçons comme auparavant. C’est ainsi que notre étudiant parvint à achever ses humanités, et même à s’initier tant soit peu aus secrets de la philosophie, sciencepourlaquelle il ne s’est jamais senti grand attrait. Sa reconnaissance pour son vénérable précepteur ne s’éteignit jamais: il le considéra toujours comme son père, son guide, son directeur spirituel. Il le consulta sur sa vocation, et ce n’est qu’après avoir reçu son approbation qu’il quitta le saint ministère pour se consacrer à Dieu dans la vie religieuse. Chaque année, il renouvelait ses témoignages d’amour et de reconnaissance. Après la mort du saint prêtre, le P. Grommen ne cessa point de prier pour lui; chaque fois qu’il célébrait la mess de réquiem,on l’entendait réciter avec feveur l’oraison Pro Defuncto Sacerdote Lamberto. Ce Lambert n’était autre que son ancien professeur et curé : de Rév. Monsieur Hoebankc.Celui-ci laissait après lui un frère et une soeur qui demeuraient ensemble à Gingelom. Tant qu’ils vécurent, ils reçurent chaque annéele témoignage de reconnaissance que le P. Grommen rendait auparavant à leur vénérable frère. Vers le nouvel an, notre bon Père obtenait de ses supérieurs la permission de se rendre pour un jour dans cette pieuse famille; là, il parlait de son ancien bienfaiteur et son coeur s’exhalait en louanges bien mréitées. Le R. ^p. Grommen avait le souvenir du coeur et parmi les vertus qui ornaient sa belle âme, la reconnaissance n’était pas la moins éclatante.
VII. Soirées de Cortessem
Le P.Grommen tenait beaucoup au proverbe flamand : l’arc ne peut pas toujours être tendu.Ce qu’il voulait aux autres, il se l’appliquait aussi; cela fait qu’au milieu de ses études, il s’accordait aussi quelques délassements. Dèjà à Jesseren, il avait organisé des jeux et des fêtes pour les soirées du dimanche; il introduisit la même coutume à Cortessem; là aussi, les jeunes gens de l’endroit et des campagnes avoisinantes vinrent passer de bien agréables moments. L’on conçoit combien le clergé de la paroisse dut apprécier sesassemblées fraternelles où tout danger de mal était écarté, où ne se glissait pas l’ombre d’un péché. Plus d’une fois, Mr. le Curé fit une courte apparition dans ces réunions, ce qui n’augmentait pas peu la joie, le contentement de ce cercle d’amis. Quelques épisodes intéressants de ces soirées sont parvenus jusqu’à nous. Telle est d’abord l’histoire du café. Qui la croirait ? Cette boisson si populaire était encore inconnue vers ce temps de plusieurs villages du Limbourg. On en avait entendu raconter des merveilles, mais on ne savait comment il fallait la préparer.Il arriva donc qu’un fourgon chargé de marchandises roulant sur la chaussée de Tongres, laissa échapper plusieurs poignées de fèves de café. On les apporta au domicile des frères Gromman. Le dimanche suivant, le grand conseil fut réuni pour prendre une décision sur cette matière intéressante. Après avoir constaté que c’était vraiment du café, on en vint au moyen de le préparer. Ici, les avis se partagèrent et pour contenter tout le monde, on résolut d’essayer les divers systèmes proposés. D’abord, on fit cuire quelques fèves à l’eau bouillante : on les trouva dures comme des pierres. ensuite, on torréfia une partie sur la poële, après quoi on écrasa les fèves au moyen d’une grosse pierre, enfinon jeta (les pierres lisez) le tout dans l’eau chaude, et on parvit à faire un thé noir, sâle, dégoûtant. Alors un membre de l’assemblée, de la société porposa de faire passer ce thé à l’alambic en le versant sur un essuie-mains étendu sur un vase.De cette manière ils obtinrent une boisson potable, mais qui ne méritait aucunement la réputation qu’on lui avait faite. Plus tard, ils apprirent qu’il fallait mettre du sucre et du lait. Cependant, les jeunes campagnards continuèrent à préférer au café une bonne pinte de bière. Une autre fois, le bruit se répand dans l’assemblée qu’un énorme éléphant devait passer ce soir par le village. On avait montré l’animal à la foire de Hasselt; maintenant on allait le mener à Tongres pour l’exposer aux curieux durant les jours de la Kermesse. Comme on le pense bien, toute la bande se rendit à la chaussée pour voir passer le colosse. Déjà plusieurs heures s’étaient écoulées : la nuit était venue, on s’était dit maintes fois : Soeur Anne,ne vois-tu rien venir ? Mais on n’avait vu que quelques rares étoiles qui s’étaient cachées bietôt derrière les nuages.On commençait à croire à une mystification. Déjà on parlait de s’en retourner au logis, lorsqu’un bruit sourd se fait entendre dans le lointain : des pas pesants battaient le pavé et un beuglement sonore interrompait de temps en temps le silence de la nuit.
Enfin, la bête arrive au milieu de leurs rangs. Il l’entendent, mais les ténèbres empèchent de la voir. Ils s’approchent en tâtonnant. Miche Grommen prend l’animal par la queue, les autres font la chaîne en le donnant la main, et ainsi toute la bande réunie, s’efforce d’arrêter le monstre. L’éléphant furieux se retourne pour leur administrer quelques coups de trompe; mais Michel se tient accroché à la queue, il tourne à son tour et toute cette chaîne d’hommes tourne avec lui.. Le cornac qui allait à cheval à côté de la bête, avait beau gronder, menaçer, Michel ne lâchait point. Seulement il priait son interlocuteur de s’arrêter un moment pour qu’on put examiner l’animal. Enfin, l’homme çéda. Alors les amis s’approchèrent, ils purent mesurer le monstre, sa hauteur, sa grosseur, puis le laissèrent partir en paix. Le P. Grommen parlait toujours avec enthousiasme de ce fameux colosse. Voyez, disait-il, en étendant mes bras, je ne parvenaits pas à la moitié de soncorps. Et puis, il s’étendait avec complaisance sur les anneaux osseux qu’il avait à sa queue, et lui permettaient de s’y tenir cramponné avec tous ses compagnons. Un autre jour, les amis étaient rassemblés, on causait politique, on parlait des difficultés que le gouvernement Hollandais suscitait contre le clergé et les évêques, quant tout à coup l’un d’entre eux lance la nouvelle que le roi Guillaume était attendu à Maëstricht pour passer les troupes en revue et inspecter les fortifications de la ville. Il devait faire le voyage par leur contrée etg passer non loin de Cortessem. Malheureusement c’était un jour de semaine, et comme la plupart d’entre eux devait être au travail, ils n’auraient pas l’occasion de voir le monarque. Cependant leur chef, l’étudiant pouvait se créer des loisirs. Il fut délégué au nom de toute la compagnie pour aller guetter le roi au passage et le dimanche suivant il rendrait compte de tout de qu’il aurait bu. Michel fut à son poste: de grand matin il alla se placer en vedette sur la chaussée de Maëstricht, curieux de voir un roi pour la première fois de sa vie. Il attendit longtemps, il arpentait la route au long et au large, causa quelque peu avec les rares passants, alla dans les chaps examiner les récoltes, sans trops’éloigner pour ne pas perdre le fruit d’une si longue attente. Midi venait de sonner, quand il entend le bruit d’une voiture; vite il se plante au bord de la route, il est tout yeux pour voir : le carosse brule le pavé, paye comme un éclair et disparait dans un tourbillon de poussière. Michel tomba de son haut, il n’avait jamais vu un roi; il s’était imaginé de voir arriver un beau char de triomphe tout doré, attelé de six chevaux fringants, carapaçonnés et empanachés avec magnificence; il s’attendait à voir le roi assis au haut du char, couvert d’un manteau de pourpre, la couronne sur la tête, le sceptre à la main, entouré d’un brillant cortège, précédé d’une musique harmonieuse; et voilà qu’il voit passer devant lui une voiture commune, traînée par des chevaux de poste; dans la voiture il ne fait qu’entrevoir un homme gros et vieux, à figure pâle, à barbe grisonnante,eveloppé d’un gros paletot de frise, enfoncé dans un gros chapeau. Et c’est pour voir une semblable verveille qu’il a du se lever de nuit et payer plus d’une demi journée sans rien faire.
Michel était fort mécontent et du roi et de lui-même.Un demi siècle après il se fâchait encore en racontant cette aventure. Aussi depuis ce temps il ne s’est jamais plus dérangé pour voir rois ou empereurs. Un jour, au retour d’une mission, il devait passer par Bruxelles avec un confrère; il se prposait d’aller diner à la maison de Saint-Joseph. En passant par le Boulevard nous apercevons un attroupement, le roi va passer pour se rendre au champ de manoeuvres. Déjà nous entendons les cris de : Vive le Roi! Vive les Princes ! les voitures de la Cour arrivent, le cortège approche. A cette vuele Père Grommen presse le pas, fend la foule en disant : Sauvons nous, j’en ai déjà vu un, cela me suffit pour le reste de ma vie.
VIII Grand Séminaire
Miche Grommen désirait ardemment de se consacrer au service du Seigneur dans le sacerdoce; cependant il lui en coûte beaucoup de quitter sa famille our aller s’enferner au grand séminaire de Liège.Il était habitué à la vie de campagne, là il avait le plein air, les allures libres, partout où il se présentait, il était le chef de la bande, on lui cédait la parole, on l’écoutait volontiers, et le voilà tout à coup enfermé dans une étroite cellule au bord de la Meuse, dans un pays inconnu où il n’entendait que le français, langue qui lui était bien peu familière et avait encore moins ses sympathies; le voilà effacé, oublié, réduit au dernier rang. Le nouveau séminariste en prit bravement son partie, s’appliqua à l’étude et à la prière sans se soucier du reste. Peu à peu,on apprit à le connaître et dès lors il eut de nouveau son cercle d’amis qui tous lui demeurèrent fidèles. Plus tard, ses anciens amis occuperont des places importantes dans le Saint Ministère, alors ils viendront insister auprès de ses supérieurs de notre ocngrégation, afin qu’on leur accorde pour quelques jours leur ancien condisciple, le P. Grommen qui viendra prêcher la mission dans leur paroisse et causer avec eux de ces jours heureux qu’ils ont passé ensemble au séminaire. Mgr Van Bommel, l’illustre évèque de Liège,venait de donner un nouvel élan à l’instruction de la jeunesse; il désirait ardemment de former des séminaristes à la prédication; à cet effet, il voulait non seulement les exercer par eux-mêmes, mais aussi mettre sous leurs yeux des modèles accomplis. Dans ce temps vivait à Liège, un vieux chanoine, Mr. Belefroid, qui avait la réputation d’un grand orateur, et effectivement il avait eu autrefois de la vogue : il avait prêché avec beaucoup de succès. Seulement le Saint homme avait vieilli, il avait perdu ses dents et par suite sa pronociation et son débit laissaient beaucoup à désirer, en un mot c’était une ruine vénérable d’un autre âge. Monseigneur invita son chanoine à faire quelques sermons dans la chapelle du grand séminaire. Celui-ci en fut extrêmement flatté et accepta avec empres-semen. Ce fut une fête pour les séminiaristes, ils s’attendaient à des merveilles. Le jour venu, Monsieur Grommen se glisse furtivement dans la chapelle pour y choisir une bonne place car, se disait-il, comme je n’entends pas trop bien le français il faut que je sois assez près de l’orateur, afin qu’il ne m’échappe ni un mot ni un geste.
Il va se planter debout toutà côté d’une petite chaire portative placée pour la circonstance. Il voit derrière lui un rangée de chaises, puis les bancs des élèves. Il ne prête pas grande attention à ces détails tout absorbé dans l’attente des grandes choses qui se préparent. La porte s’ouvre à deux battants, Mgr. l’évèque fait son entrée, suivi de tout le chapître des chanoines et du corps pastorale; ils se placent sur les chaises rangées autour de la chaire, les élèves vont occuper leurs bancs. Monsieur Grommen se voyant enfermé dans ce cercle de vénérables personnages, s’aperçut qu’il ne se trouvait pas à sa place, mais il était trop tard pour reculer, il demeura donc là, comme un bedeau. Le prédicatuer arrive donc en rochet et en étole, il monte gravement les degrés de la chaire, jette un regard sur son auditoire puis tire un enorme mouchoir blanc et le tenant par les deux bouts il le promène lentement sur sa bouche et ses lèvres et le dépose prétentieusement sur le bord de la chaire. Alors il commence son sermon : la première phrase était une lonue période sur un diapason fort élévé, les paroles roulaient avec rapidité, monotonie et finissant par un énorme point d’orgue. Le Père Grommen pour en donner une idée criait de toutes ses forces et aussi huat que possible : ratata, ratata, ratata, thoüme. A cette finale, le vieux chanoine ouvrait une bouche affreuse et édentée semblable àla mâcchoire de la balaine qui avale le prophète Jonas. Puit tout content de ce début l’orateur reprenait son mouchoir et se frottait les lèvres avec majesté. Après cela, il commençait une nouvelle période sur la même cadence, puis une troisième, une quatrième, c’étaient des ratata, ratata, ratata, thoum ! à n’en plus finir, la seule phrase que le Père Grommen avait retenu était celle-ci : on demande des miracles, on obtient des miracles, on voit des miracles, on a des miracles, miracles, miracles à Saint Martin. Cette singulière musique commençait à agacer les nerfs de Mr Grommen, un chatouillement intérieur l’avertit que bientôt il allait éclater de rire. Comment, se dit-il, se mettre à rire, ici sous les yeux de mon évèque, des chanoines, des professeurs ? La position devenait critique. Il ferme les yeux, serre les dents, se raidit dans tous ses membres, il médite la mort, le jugement, l’enfer, tout est inutile : toujours ces ratatata retentissent à ses oreills, à chaque pose il voit le mouchoir effroyable s’ouvrir comme la porte d’une grange, à chaque pose il voit le mouchoir blanc passer et repasser sur les lèvres du vieux chanoine. Le pauvre séminarist n’en peut plus, il transpire à grosses gouttes, une sueur abondante coule le long de son dos jusque dans ses souliers, cette horrible torture continue pendant une heure entière, il sent ses forces l’abondonner quand enfin il entend ces mots bienheureux : La vie éternelle que je vous souhaite. Ainsi soit-il.
Le sermon est fini, la chapelle est évacuée, mais le pauvre Michel est encore là, tout seul, debout près de la chaire, ne sachant où il se trouve : il ouvre les yeux, tous les objets tournent devant lui, il veut partir, ses jabes refusent de le porter, il doit se soutenir au dos d’une chause et après une logue attente, il peut enfin chercher quelque repos à sa cellule. Quinze jours après le chanoine revint pour donner une seconde leçon d’éloquence. Cette fois, Monsieur Grommen ne se laissa plus attraper, il alle se blottir au dernier banc et là, cachant sa figure derrière ses mains et regardant sournoisement à travers les fentes de ses doigts enlacés, il obeservait tout et riait à son aise des accents sublimes de l'orateur. Impossible pour lui de cacher l’impression que lui avait laissée ce modèle de prédication; il en parla peu après à son professeur Monsieur Lenders; celui-ci pour l’humilier tant soit peu, lui dit : Qu’en connaissez-vous ? Vous n’êtes qu’un paysan, vous n’avez jamais rien vu, rien entendu. Cela est vrai, répond le séminariste, mais ce qui n’est pas moins vrai, c’est que si nous allions prêcher de cette façon dans les églises de la campagne, le peuple nous rirait au nez et sortirait de l’église. Le professeur ne dit plus rien, mais toujours est-il que le chanoine Belfroidne vint plus donner des leçons d’éloquence et que plus tard à la proclamation des prix, le Rév. Monsieur M. Grommen obtint le premier prix de la prédication flamande. Aux vacances, c’était une fête pour tout le village quand le nouveau séminariste s’y montra pour la première fois en habit ecclésiastique,. Les anciens amis venaient lui serrer la main, tous enchantés de le retrouver simple, bon, affable comme autrefois. Le dimanche durant l’office quand il assistzait à l’autel ou qu’il disait sxon bréviaire dans les stalles du choeur tous les regards étaient fixés sur lui; au sortir de l’Eglise, on s’attroupait sur la place pour le considérer de plus près, puis on disait : avez-vous vu Monsieur Michel, quel beau curé cela fera ! La prmière fois qu’il rentra dans sa famille au commencement des vacances il trouva ses frères fort préoccupés d’un événement qu’ils ne pouvaient expliquer naturellement : ils croyaient le cheval ensorcelé; les poils de la queue étaient noués en tresses longues et mêmes comme des rubans et entremélés de fétus de paille, la pauvre bête transpirait en abondance et trenblait de tous ses membres. On avait beau rétablir le désordre, établir une surveillance sévère, tous les matins on retrouvait le cheval dans ce misérable état. Allons Michel, lui dit-on, vous connaissez ces choses mystérieuses, vous les apprenez dans vos gros livres; venez voir et dites nous ce qu’il faut faire. Non, répond le séminariste, je n’irai pas voir, mais je vous indiquerai le remède, vous l’avez, ici, sous la main, prenez de l’eau bénite, servez-vous en avec foi, et si réellement il y a quelque diablerie mélée en cette affaire, elle aura bien vite disparu. Le P. Grommen a toujours conservé cette confiance en l’eau bénite; il avait lu et médité les prières et les exercisures que l’église emploie pour nous procurer cette eau salutaire. Il s’en servait avec dévotion et plus d’une fois durant des missions, il vint le soir, fort tard frapper à la porte de ses confrères pour demander quelques gouttes de cette eau sainte, parce qu’il n’en avait pas à sa chambre.Il en recommandait surtout l’usage aux fidèles surtout pour en écarter les orages et les maléfices du démon.
IX. Le Vicaire
Les années du grand seminaire se passèrent rapidement; M. Grommen avait suivi les cours avec succès; il reçut la prêtrise des mains de Mgr. Van Bommel le 12 Août 1832, dans la 27e année de son age. Le lendemain, il célébra sa première messe avec une grande ferveur mais sans éclat, et quelques jours après il fut envoyé comme vicaire à la paroisse de Meuwen. Il dut chercher longtemps sur la carte du Limbourg pour découvrir cet endroit. Meuwen est un village de 1600 habitants, situé dans le canton de Brée au fond de la Campine liègeoise à une distance de plusieurs lieux des communes voisines. Il n’y avait alors d’autre communication avec le village que les sentiers étroits qui serpentaient à travers d’immenses bruyères, et puis la grand’route qui n’était autre qu’un immense banc de sable où l’on s’enfonçait jusqu’a la cheville. La maison destinée au vicaire était une bicoque couverte d’un toit de chaume et dont les murs d’argile pouvaient s’enfoncer avec un bâton. C’est là que le nouveau chapelain alla s’établir avec sa tante, plus heureux qu’un roi; il avait son petit ménage où régnait une paix profonde, il avait son curé avec lequel il s’était liéd’amitié dès le premier jour, il avait autour de lui un peuple simple, bon, profondément religieux et dont il gagna bien vite la sympathie; il avait sa petite église, où il trouvait le bon Dieu, principal objet de son amour.Il se mit donc bravement à l’oeuvre; instruisait les fidèles, catéchisait les enfants, visitait les malades et partageait le reste de son temps entre l’étude et la prière. Cependant, ce pays si pauvre, si abandonné avait aussi ses agréments. Et d’abord le pays abondait en gibier, Monsieur le vicaire aimait beaucoup les grives. Pendant la saisonlesenfants du village plaçaient des lacets le long des haies et des bois et en attrappaient un grand nobmre. Seulement ils les portaient toutes à la cure et Michel les voyait passer de loin sans pouvoir y mordre. Un jour il accoste un jeune garçon portant des grives et lui dit : Où allez-vous, mon petit ? Chez Monsieur le curé. Que vous paie-t-il pour ces oiseaux ? Quatre centimes. Fort bien, mais si vous en trouvez encore, vous pouvez les apporter chez moi, je vous donnerai cinq centimes. Dès lors, il y eut un revirmeent complet, les grives affluèrent vers lui en telle abondance que chaque année durant six semaines il pouvait congédier son boucher. Le curé ne sachant à quoi attribuer ce changement subit, en parla à son vicaire; n’est-ce pas singulier, lui dit-il, autrefois je mangeais des grives à satiété et depuis quelques temps je n’en vois plus. Le vicaire riait sous cape, mais il se garda bien de dire son secret, cependant dès lors il partagea en bon confrère et plus d’une fois il envoya une demi douzaine de grives à la cure. Les environs de Meuwen étaient encore peuplés de lièvres et de perdrix. Chaque année les chasseurs de la ville venaient y faire une ample moisson ; mais les paysans de l’endroit leur faisait une rude concurrence. Pour la faire cesser Messieurs les Citadins menaçaient les vilageois de leur envouer les gendarmes pour mettre fin à ce braconnage. Les pauvres gens s’en plaignirent à leur vicaire, mais celui-ci leur indiqué bien vite le moyen de se tirer d’embarras. Comment dit-il vous devriez nourrir le gibier pour le plaisir de ces beaux messieurs ? Les terres vous appartiennent, les bruyères sont la propriété de la commune. Placez partoutdes poteaux avec l’inscription de chasse privée et vous verez la figure qu’ils feront à leur tour. En effet, dès que la chasse fut ouverte, les messieurs se montrèrent comme de coutume, mais ils ouvrierent de grands yeux en lisant partout l’inscription fatale. Ils allèrent consulter le bourgmestre. Ils eurent beau prier, su^pllier, ils durent partir gros jean comme ils étaient venus, et les paysans purent braconner à leur aise. Le vicaire alors se souvint des exploits de sa jeunesse: son fusil était là suspendu au mur, il s’en empare, reprend son ancien métier de chasseur au grand contentement de sa tante qui trouvait que c’était un énorme profit pour le ménage. Un beau jour notre vicaire se promenait dans son jardin, il voit derrière la haie une bande de perdreaux qui folâtraient dans les champ, l’occasionétaitbelle, il court prendre son fusil, déjà il ouvre la petite porte qui mène à la campagne, quand il voit près de lui une terrible apparition, deux bonnets à poil se promenaient à travers les champs. a cette vue le pauvre vicaire pâlit, il tremble de tous ses membres. Jamais encore les gendarmes n’avaient mis les pieds dans la commune, on chassait sans port d’armes en toute sécurité; et voilà que lui prêtre, vicaire de la paroisse il avait failli tomber entre les mains de la police, on aurait dressé procès verbal contre lui, il aurait du comparaître devant le juge, qui l’aurait condamné à l’amende, et aurait confiqué son arme. Et puis que de bruits, qu’en aurait dit le peuple, qu’en aurait dit le clergé, et surtout, son évèque ? Son parti fut pris à l’instant, il démonte son fusil et dès que les gendarmes ont disparu, il court en jeter une partie dans les blés, une autre dans le ruisseau, une troisième dans la bruyère de sorte qu’il n’y eut plus moyen de les retrouver, dès lors il dit adieuà la chasse pour le reste de sa vie. Vers ce temps un horrible fléau vint s’abattre sur la commune de Meuwen, le choléra y apparut et y sévit dans toute sa fureur, presque chaque maison comptait des malades et des mourants, la terreur était à son comble. C’est alors qu’on vit et qu’on put apprécier le zèle et le dévouement du vicaire; il était sur pied nuit et jour; il se multipliait pour visiter les malades, administrer les moribonds, consoler les familes en deuil, encourager et fortifier tout le monde. Il avait obtenu de son curé de faire des prières publiques, tous les soirs il convoquait les fidèles à l’église, il leur fit une allocuation paternelle pour leur inspirer la confiance, il les engageait à apaiser la justice divine par la fréquentation des sacrements et des prières ferventes, puis il récitait avec le peuple le chapelet suivi de 5 pers, les brs enc roix. C’était un spectacle touchant d evoir ces mille bras étendus vers le ciel et d’entendre ces soupirs ardents qui criaient miséricorde. Le vicaire lui-même en fut profondément ému, mais son émotion se manifesta d’une manière tout à fait singulière. Tandis qu’il était là, au pied de l’autel en rochet et étole, les bras étendus à prier pour le peuple, il lui prend un envie irrésistible de rire aux éclats. Il fait des efforts surhumains pour se contenir, enfin la prière terminée il court à la sacristie pour donner un libre cours à cette hilarité vraiment inopportune. Chaque soir cette maladie nerveuse le reprenait avec la même intensité; toujours la même envie de rire avec des secousses dans la voix et l’agitation dans tous ses membrfes. Chose inexplicable, il dimanche après le salut il priait les bras en croix avec le peuple pour l’extirpation des blasphèmes, et alors il demeurait calme, il priait en paix, tandis que durant la semaine en priant pur la délivrance de ce terrible fléau, ce rire impotun lui revenait sans; c’était un vrai tourment qui ne cessa qu’après le choléra eu entièrement disparu de la commune, le vilain diable est vune le molester encore bien souvent durant son noviciat et sa vie religieuse, surtout quand il était hebdomadair et qu’il faisait les prières en commun. Que de fois, pendant qu’il récitait les prières du soir, on l’entendait éclater de rire, alors il se hâtait, sautait des phrases pour se vaincre et pour en finir au plus vite. Parfois il dut se déclarer vaincu. alors il éclatait bruyamment, jetant son livre et s’enfuyait de l’oratoire en riant à haute voix. La même chose lui arrivait pendant la discipline, il commençait les prières avec calme et ferveur; bientôt sa voix devenait irrégulière, il se presait en bredouillant, puis n’en pouvant plus il interrompait les oraisons qu’il disait enlatin et se mettait à crier en français vers ces confrères; continuez, continuez. Il avait beau crier, son hilarité quoique hors de saison s’était communiqué aux autres, personne n’était en état de le secourir, les coups de discipline resonnaient au milieu d’un silence entrecoupé par quelques éclats de rire mal contenus jusqu’à ce qu’enfin un brave plus courageux que les autres eut encore la force de lancer un Amen bien accentué. La discipline était finie.
X. Curé
Le vicaire avait exercé 7 années son zèle apostolique dans la paroisse de Meuwen. Mgr Van Bommel le récompensa en le nommant à la cure de Herderen. Cette commune compte 600 habitants, elle est située non loin de la chaussée de tongres sur la route de Maëstricht, à une égale distance de ces deux villes. Les chemins qui conduisaient au village étaient des ravins profonds et boueux, où pataugaient les paysans en se rendant au marché et où les charettes s’enfonçaient jusqu’à l’essieu dans les ornières. La première fois que le nouveau curé arriva dans se paroisse il était éclaboussé jusqu’au cou et c’était avec une peine infinie qu’il parvint à y transporter son petit mobilier. Cependant il fut reçu à bras ouverts et au bout de quelques semaines il avait gagné le coeur de tout son peuple. Dans ce temps les revenus d’un curé de village étaient fort maigre et il fallait une sage économie pour nouer les deux bouts de l’année. Souvent dans les missions le P. Grommen évoquait ce souvenir pour réfuter les calomnies qu’on répandait dans les masses par rapport aux richesses du clergé. Il faisait en chair le compte de son ménage et prouvait de la sorte qu’il n’y avait de quoi jeter de si hauts cris. Cependant comme il était l’ami de tous ses paroissiens, ceux-ci ne le laissaient manquer de rien; ils lui envoyaient des légumes, du beurre, des oeufs, l’engrais de son jardin, les préices de la chasse et surtout une bonne part du porc, ce qui était toujours bien venu. Le pasteur de son côté témoignait sa reconnaissance par son zèle pur le bien spirituel de ses ouailles et par les services de tous genres qu’il leur rendait avec empressement dans toutes les occasions. Un des premiers effets de son zèle fut le bon ordre qu’il sut établir dans son église; une mauvaise coutume s’y était glissée depuis un temps immémorial. Avant les offices les paysans s’attroupaient à la porte jusqu’à ce que le prêtre fut monté à l’autel, alors ils se précipitaient avec empressement sous la tour et le jubé. Là, ils se tenaient sans ordre, sans dévotion, causant, riant, salissant les dales par leurs crachats. Le bon curé avait essayé bien des moyens pour extirper ces abus. Il n’avait pas gagné grand’chose. enfin, il recourut à un remède suprême qui devait mieux réussir; un dimanche au prône, il s’adresse au peuple à peu près en ces termes : Mes chers paroissiens, il m’est arrivé plusieurs fois de témoigner mon mécontentement contre ceux qui se tiennent au fond de l’église : je les ai priés, suppliés, de se placer dans les bancs où ils seront plus à même d’assister aux offices avec la piété qui convient à des chrétiens.Aujourd’hui j’ait reconnu mque j’ai eu tort et je vous présent mes excuses. Il y a des personnes qui ont un mal caché et dangereux parce qu’il se communique facilement aux autres, il y a de spersonnes atteintes de la galle et comme vous savez, cette maladie est épidémique; en s’approchant trop de ceux qui en souffrent, on l’attrape soi-même. C’est donc par charité fraternelle que ces pauvres malheureux se tiennent au fond de l’église. J’admire et j’approuve leur vertu et pour les secourir autant qu’il est en mon pouvoir. J’ai fait placer des bancs sous la tour pour qu’ils ne soient plus obligés de se tenir debout tout le petemps du service divin. Je vous exhorte tous à laisser ces bancs à leur usage car je les ai placés là pour les galleux et pas pour les autres. Le coup avait porté juste. Le dimanche suivant les bancs des galleux étaient vides, le fond de l’église évacué, tout le monde à sa place, et depuis ce temps le bon ordre ne cessa de régner dans la maison de Dieu.
Une autre preuve de son zèle, ce fut les efforts qu’il s’imposa pour instruire un sourd-muet qui travaillait dans le jardin de la cure. IL lui avait appris à faire le signe de la croix, à s’agenouiller pieusement devant le crucifix, les images de la Sainte Vierge et des Saints et quelques autres pratiques extérieures. Il eut bien voulu lui inculquer quelques notions des vérités de la foi, mais comment s’y prendre ? Un jour, il trouve une chrysalide; il la montre au sourd-muet lui explique par gestes comment une chenille est venue s’ensevelir dans ce tombeau, mais elle n’y restera pas toujours; bientôt elle brisera son enveloppe, en sortira ressuscitée, transformée en beau papillon qui s’envolera dans les airs. L’autre comprit fort bien, car il avait été témoin de ces choses; alors le curé le conduit au cimetière, lui indique les tombeaux des morts, lui explique comment ceux-ci sortiront à leur tour de ces sombres demeures, ressusciteront trasnformés et s’envoleront dans les airs. A ce coup, le sourd-muet regarde son curé en souriant, passe le doigt sous le nez et fait entendre un zut moqueur, en signe de son incrédulité. Le curé avait perdu son latin, il n’eut plus le courage de recommencer parce que cette épreuve manquée lui donnait la conviction qu’il était impossible de donner aux sourds-muets la moindre notion des choses spirituelles tant qu’ils n’avaient pas appris à lire et à écrire. +D’autrres prétendaient que la preuve n’était pas concluante, que la première leçon avait été trop sublime, qu’il y avait des vérités plus simples, plus nécessaires. A tout cela, le P. grommen répondait en passant le doigt sous son nez et en faisant entendre le zut moqueur, signe de son incrédulité. Son zèle apostolique se montra encore par l’empressement qu’il mettait à répondre à l’appel de ses confrères our venir précher, confesser, assister dans leurs paroisses. tout près de la commune de Herderen vivait un vieux et respectablecuré qui desservait depuis de longues années la paroisse de Riempst. Chaque année, à la fête de Saint Martin, patron de la paroisse, il invitait les curés du voisinage pour assister au service divin qu’il célébrait avec grande solennité. Le Rd Mr Grommen, curé d’Herderen, faisait les fonctions de dicre; il avait chaté de sa meilleure voix, lorsqu’il vit le curé qui officiait deposer sur l’autel la chausble et le manipule, puis monter en chair pour prononcer le panégyrique du Saint Patron. Entretemps diacre et sous-diacre s’assirent au milieu duchoeur en face du peuple. Le sermon commença en ces termes : Chers Paroissiens de Riempst et vous tous fidèles accourus d’alentour; c’est aujourd’hui la fête du grand Saint Martin. Je vais donc vous raconter son histoire. Saint Martin ou Sinte Metten, commen on dit, était un soldat français, capitaine de la garde civique. Un qu’il sortait de la ville d’Amiens, il rencontre près de la porte un pauvre diable qui n’avait pas de chemise pour couvrir son dos. Jeunes filles de Sichem-Sussen-et-Bolré, si vous ne venez ici que pour rire, vous feriez mieux de rester chez vous. Je connais vos pratiques, vous faites accroire à vos parents que vous allez invoquer la protection du grand Saint Martin pour vos vaches et vos petits cochons, mais entretemps vous profitez de l’occasion pour courir les cabaters et amuser avec les garçons. Vous voyez que je vous connais. – Je dis donc que Saint Martin ou Sinte Metten, comme on dit, rencontrait un pauvre diable sans sousliers, sans culottes et sans chemise. Que fit alors ce saint homme ? Il ne fit pas comme vous paysans de Riempst, qui mordez un centime en quatre quand il s’agit de secourir un pauvre, mais il prit son grand sabre ou pallas, comme on dit, et il coupa de son manteau une pièce grande asser pour faire un pantalon, un frac et un gilet, voilà comme il assistait les pauvres. Ainsi je vous prie de ne pluscracher dans l’église; j’ai dû payer deux femmes pour laver les dalles; ce matin tout était propre et après l’ofice tout sera sale comme auparavant. Sachez bien que l’oargent ne croît pas sur mon dos et que j’ai autre chose à faireque de payer des femmes. Voyons maintenant la récompense que reçut Saint Martin ou Sinte Metten, comme on dit. – Qu’est-ce que j’entends? Est-ce un chien qui aboie ou un paysan qui ronfle; à la porte les chiens et les soulards ! ...
Le sermon continua sur ce ton pendant trois quarts d’heure. Jugez de la position ud malheureux diacre, lui que riait pour la cessation du choléra; comment devait-il se trouver au m!ilieu des originalités qu’il entendait en ce moment. D’un côté il doit rire ou mourir, ùmais de l’autre, il est là au milieu du choeur en dalmatique en face du peuple qui le regarde; le moindre sourire de sa part servirait de signal pour faire éclater tout l’auditoire. Et puis, le vieux curé jette de temps en temps un regard rapide dans le choeur pour voir l’effet de son sermon sur ses deux assistants; s’il les voit rire, il va les interpellet du haut de la chair, tout comme les jeunes filles de Sichen-Sussen-et-Bolré. Tenez, disait le Père Grommen, quand il songeait encore à ces trois terribles quarts d’heure, je suis heureux d’être au couvent, car si j’étais resté dans le monde je n’aurais pu me dispenser d’aller encore à la Saint-Martin assisterce bon vieillard, et cependant pour tout l’or du monde, je n’aurais plus voulu endurer ces angoissses.
Efin son zèle sacerdotal se manifesta surtout par le soin qu’il prit pour procurer à son peuple le bienfait de la mission. Depuis quelques années seulement l’oeuvre des missions avait repris; les Rédemptoristes appelés par Mgr Van Bommel dans le diocèse de Liège se livraient avec ardeur à ce travail dans la province du Limbourg. Le Curé de Herderen avait appris à connaître ces pères dans la grande et célèbre mission de Tongres; depuis il leur avait prété son concours en les assistant au confessional. Il avait expérimenté par lui-même le dévouement des religieux et le fruit des missions. Il appela donc ces Rédemptoristes pour donner ces mêmes exercices dans sa paroisse. Pendant cette mission le curé se montrait plein de sollicitude, il était le premier à l’église, assistait à tous les eermons, observait tout, soignait pour tout. A la cure, il était aux petits soins, plein de prévenances, pour qu’il ne manquât rien aux ouvriers apostoliques, car, disait-il, et c’était son proverbe favori, l’homme n’est pas une bête, mais il en a quelque chose; celui qui travaille doit se nourrir. Les pères se virent traités comme des barons; on leur servait à table des poulets et des dindons; des lièvres et des lapins, des perdrix et des alouettes. Comme dans ce temps ils mangeaient encore seuls, le supérieur de la mission fit appeler le curé et lui dit : Monsieur le curé, permettez une petite observation; vous nous traitez beaucoup trop bien, notre règlement nous défend ces mots précieux. Là- dessus le brave curé tenant sa barette des deux mains répondit : Mon R. P. je vous prie de m’excuser, je ne connais pas votre règlement, mais de connais ma bourse; mes finances ne me permettent ps de faire de grands frais chez le boucher, c’est pourquoi je vous sers ce que mes paroissiens m’apportent, ce gibier, je l’ai pour rien, d’autre viande je devrais la payer. Ayez donc la bonté de vous conformer à l’Evangile et de manger “Quaecumque apponuntur vobis”. Les pères se laisssèrent persuader et ils ne s’en trouvèrent pas plus mal.
XI. Le Couvent
La divine Providence qui destinait le P. Grommen à la vie religieuse parmi les enfants de St Alphonse lui avait départi toutes les qualités qui font un parfait Rédemptoriste; la santé et la force pour soutenir les fatigues des missions; l’esprit et la science pour exercer le Saint Ministère en chaire ou au confessional; la docilité pour se plier à la discipline religieuse; la charité et la cordialité pour vivre en paix avec ses confrères, mais surtout dexu vertus qui constituent l'esprit caractérisque de notre congrégation : l’lumilité et la simplicité de coeur.Quand on lit dans la règle des novices ce que cet esprit d’humilité et de simplicité réclame des sujets, on croit voir le portrait fidèle de notre regretté Père Grommen. “L’esprit de notre institut exige donc que ses membres, non seulement fassent preuve de cette prompte obéissance, à laquelle ils sont tenus en vertu de leur voeu, mais encore qu’ils s’abandonne avec une simpilicité filiale entreles mains de leurs supérieurs pour se laisser gouverner et diriger par eux, etc.”
Cet esprit exige encore que nous soyons étroitement unis entre nous par le lien d’une charité fraternelle dégagée de toute feinte; que nous ayons le coeur ouvert les uns pour les autres; que toujours la candeur et l’ingénuité règne parmi nous portant le joug de Jésus crucifié avec joie et gaieté, compagnes inséparables des coeurs droits et simples, afin que nous nous rendions réciproquement ce joug plus léger et plus doux. Cet esprit exige encore que nous ne visions pas en fait de science à nous lever bien haut, mais à nous accomoder à ce qu’il y a de plus (simple lisez) humble. Comme en vertu de notre obligation nous sommes les débiteurs des pauvres et des délaissés, nos constitutions nous obligent à rechercher le style simple apostolique, qui seul remue les coeurs et fait fructifier la parole de Dieu. De plus, l’esprit de notre congrégation exige que nous entretenions en nous une affection particulière pour les pauvres et les gens de basse condition ... – que notre manière de parler et d’agir porte en tout le cachet de la gravité, mais en même temps de la simplicité et de la cordialité. Enfin, la marque spéciale de notre congrégation se trouve encore dans un culte tout spécial que nous portons au Très Saint Sacrement et à la Sainte Vierge.
Que tous ceux qui ont connu le Père Grommen pendant les 40 ans qu’il a vécu parmi nous répondent si ce n’est pas lui dépeint.
Oui. C’est lui avec son obéissance si simple qu’il appelait son Rcteur simplement Père (Vader !). C’est de là qu’on a fini par donner à lui-même, au point qu’à la longue on ne le connaissait presque plus que sous le nom de “Vader”. C’est lui avec sa charité qui lui faisait trouver son bonheur à rendre service à ses frères et à les égayer, les encourager par son humeur joviale, c’est lui avedc son affection si marquée pour les pauvres qu’il allait souvent jusqu’à excuser leurs fautes du haut de la chair ! C’est lui avec son style simple et populaire qui faisaient tant d’impression sur les masses et excitaient l’admiration des savants eux-mêmes. C’est lui avec sa dévotion tndre et joviale envers Jésus-Christ qu’il visitait fréquemment dans le Tt Sacrement et qu’il honorait si volontiers par les stations du chemin de la croix. C’est lui avec sa tendre piété envers sa bonne Mère Marie dont il aimait à décorer les images dans les missions et pur laquelle il déroulait sans cesse les grains de son chapelet.
Dieu qui dispose tout avec force et douceur dirigeait le bon père vers l’état religieux par une voie toute particulière et peut être unique, à savoir : la crainte du purgatoire. M. Grommen était content et heureux dans sa petite cure de Herderen, il avait la ferme espérance d’opérer son statut dans l’état ecclésiastique, mais il était entièrement sensible aux souffrances, la moindre douleur lui faissait jeter des cris aigus. Il avait beau se reprocher cette faiblesse, se conformer à la volonté divine, cette grande sensibilité lui resta jusqu’à la fin de sa vie. Alors il se disait parfois, je ne sais pas endurer les souffrances dans cette vie, comment supporterai-je celles de l’autre. J’ai confiance d’échapper à l’enfer, mais j’ai charge d’âmes, je rendrai compte de chacun de mes paroissiens. Quel terrible purgatoire pourrait m’attendre après ma mort ? Cette crainte s’était encore accrue par les confessions qu’il avait entenduées en mission; il avait appris par expérience combien de malheureux cachent leurs péchés par fausse honte; il pensait avec raison que la même chose pouvait arriver dans sa propre paroisse, et puis allant plus loin, il s’imaginait que ses travaux seraient frappés de stérilité, que ses peines seraient perdues, et que ces fatigues n’aboutiraient qu’aux flammes du Purgatoire. Il prit la résolution de quitter le monde et de s’enfermer dans un couvent pour y faire son purgatoire durant cette vie. De là sa ferme conviction qu’il n’aurait plus à souffrir dans l’autre vie; toutes les fois qu’on lui parlait du purgatoire, il répondait : “Je m’y trouve déjà depuis tant années et vous voudriez encore m’y envoyer après ma mort. Le Bon Dieu sera plus charitable.” Un jour, le T. R. Père Provincial l’interpella sur cette affaire en pleine communauté; le bon Père répondait avec assurance: “Je sais très bien que je mérite le purgatoire et plus que cela, mais j’ai une confiance illimitée dans les mérites du Jésus-chritst, et puis je m’efforce tous les jours de gagner autant d’indulgences que possible.” Cette confiance lui est restée jusqu’à la fin.
Une fois sa résolution prise, il se met à l’exécuter; il s’en ouvrit d’abord à son conseiller intime, l’ami de sa jeunesse, son ancien professeur, le doyen de bilsen, le Révérend Monsieur Hoebanck. Celui-ci connaissait son élève, il savait les talents cachés en lui et qui ne devaient pas rester enfouis dans un simple village, il découvrit bientôt le travail mystérieux de la Providence, qui voulait non seulement préserver son âme du Purgatoire, mais en sauver des millieurs d’autres des flammes éternelles. Aussi il répondi avec assurance : “Allez mon fils, Dieu vous appelle, allez et soyez sur que vous ferez un bien immense dans votre nouvel état de vie. Sans différer un instant, il va se présenter au noviciat, il est admis, l’évèque donne son consentement, il ne reste plus qu’à faire ses adieux. D’abord il va prendre congé de sa famille : tout s’y passe avec la dernière simplicité. On trouve qu’il a parfaitement raison de suivre sa vocation, on se donne la mai et tout est dit. De là, il retourne dans sa paroisse; le dimance au pröne ? il annonce en peu de mots son départ prochain; les paroissiens n’étaient pas précisément dans la joie, mais il fallait bien se soumettre. Il eut plus de peine à calmer sa pauvre tante : celle-ci avait fait son ménage pendant durant ses dix années de prêtrise; elle avait espéré passer avec lui le reste de ses jours, et voilà qu’elle devait s’en séparer pour jamais. Le bon curé lui parla si bien qu’il finit par l’apaiser et il l’envoya pleine de résignation chez ses frères à Cortessem. Restaient deux amis auxquels il était attaché depuis de longues années et dont il ne se séparait pas sans quelque peine, c’étaient la pipe et le jeu de cartes ! Les adieux aux cartes se firent avec une certaine solennité; la veille de son départ quelques personnes des plus notables de la commune vinrent passer la soirée avec lui; bientôt les cartes parurent sur le tgapis, le jeu s’engagea d’abord d’une manière languissante; on était sous l’influence d’une noire mélancolie; peu à peu on s’anime, on s’échauffe, les voix montent, les coups retentissent sur la table et le jeu se prolonge jusquà onze heures de la nuit. Alors le curé s’arrête, ramasse les cartes, les déchire, et jette les restes au vent. Puis chacun va prendre son repos. Le lendemain, après qu’il eut célébré sa dernière messe dans sa paroisse, il dit adieu à son église, retourne à la cure, il prend son café et se met à bourrer lentement sa longue pipe, il aspire aec délice l’arôme de son tabac, il considère en silence les bouffées qui voltigent dans la chambre. L’opération terminée, il remet la pipe à son ouvrier ? comme un denier souvenir. Tous les liens étant rompus, il se met en route pour tongres, de là à Saint-Trond, au couvent de, opù il est reçu aec joie par ses nouveaux confrères.
XII. Le noviciat
Le P. Grommen entra au noviciat vers la fin du mois de juin 1842; il reçut l’habit de la congrégation le 17 juillet, il avait alors 36 ans et demi. Tout n’était pas rose dans ce nouveau genre de vie, le changement était grand et notre nouveau novice y fut très sensible. Jusque là ilavait joui de sa pleine liberté pour parcourir les chaps et les bois, maintenant il se trouve enfermé dans une étroite cellule, à des heures réglées, se promener dans un jardin entouré de hautes murailles; autrefois il causait à son aise avec tus les paysants, maintenant il apprendra à se taire et ne causera aux heures de récréation qu’avec ses conovices et leur supérieur, autrefois il se régalait à table de lièvre, de perdrix et de ces omelettres au lard que sa vieille tante savait si bien assaisonner à son goût, maintenant il se contentera d’une cuisine de couvent qui ne réussira pas toujours selon ses désirs; autrefois il parlait son language flamand, si naïf, si pittoresque, maintenant il devra pincer ses lèvres, plier sa langue pour parler la belle langue française pour laquelle il n’eut jamais un attrait particulier, autrefois il faisait la leçon aux enfants du catéchisme, il donnait des avertissements paternels à ses subordonnés, maintenant le voilà devenu enfant lui-même obligé de recevoir à genou les remontrances de ses supérieurs. – Que fit-il dans ses conjonctures ? Il renouvela de grand coeur son sacrifice qu’il avait fait à dieu en entrant au couvent en disant : je ne suis pas venu ici pour faire ma propre volonté. Vice le Seigneur ! Je suis heureux de Lui témogner mon amour en endurant avec patience ces légères épreuves.
Trois choses lui coutèrent davantage; d’abord le lit. La premièe fois qu’il étendit ses membres sur sa paillasse fortement bourrée de longues pailles, il alla rouler sur le plancher au milieu de sa chambre; il lui vint alors une idée lumineuse; il ôta doucement les couvertures et les draps, monta sur son lit, s’y promena en piétinant la paille jusqu’à ce qu’il eut creusé un petit vallon en forme de nid, il s’y coucha et dormit à son aise. Il conserva gracieusement cette méthode et s’en sevit toutes les fois qu’on lui fit cadeau d’un enouvelle paillasse, il communiqua charitablement cette découverte à ses confrères pour ne pas les exposer à passer des nuits blanches sur la paille fraiche. Deux autres peines dont il put moins se garantir, furent les chaleurs de l’été et les froids de l’hiver; dans ce temps l’oratoire du couvent se trouvait dans les combles, à côté du grenier exposé au soleil brûlant; on y étouffait en été, on y grelottait en hiver. Il était curieux d’y voir le Père Grommen surtout pendant les canicules; il poussait de profonds soupirs, aspirait bruyamment, lançait des bouffées d’air, entrouvrait le collet de sa soutane, retroussait les manches de son habit et à la fin n’en pouvait plus, il tombait pesamment sur son banc en poussant un cri de détresse. Après sa profession, quand il jouissait d’un peu plus de liberté, il avait trouvé un petit coin pour s’abriter contre les chaleurs; à midi après vèpres, il allait se blottir dans le confessional des sourds, à côté de la chapelle de l’Ecce Homo, et prenait sa méridienne y disait son chapelet jusqu’à ce qu’il entendit le signal des exercices communs. De même en hiver on le voyait monter à l’oratoire enveloppé de sa simarre et d’une grosse écharpe qui cachait toute sa figure. L’abstinence qui se pratique dans nos couvents la moitié del’année lui co^puté fort peu, pourvu qu’il eut à ses repas quelques petites pommes ou d’autres fruits avec de grosses tranches de pain; il s’en contentait en attendant des jours meilleurs et à cette occasion il citait volontiers le texte de Saint Paul : “Scio abundare et pecuriam pati” ou bien encore cet adage : “Si non est satio memento paupertatis.” Pour le jeune il l’observe même en mission et jusque dans ses vieux jours; seulement, il disait parfois : j’abrège mon sermon parce que je n’ai pas encore mangé. Pendant son noviciat le Père Grommen se fit aimer de ses supérieurs et de ses confrères par son humeur toujours gaie, joujours égale, il animait les récréations par des histoires amusantes, par des réparties promptes, fines, spirituelles. Plusieurs de ses conovies ont reconnu qu’il leur a été d’un grand secours pour leur faire passer l’épreuve du noviciat dans leur vocation. Plus tard encore durant les 3” années qu’il passa dans la communauté de Saint-Trond, il ressentit toujours une prédiilection pour les novices; il fit de son mieux pour les égayer, les encourager, c’est dans ce but qu’il les a régalés si souvent de sa chanson favorite “Anna Marieke”. Il fut un temps où le café ne se donnait qu’à de rares (exceptions lisez) intervalles, à l’occasion d’une fête ou de la visite d’un confrère étranger; on le servait en récréation aux professeurs e aux novices réunis et pendant ce temps il pouvait converser librement ensemble. Le P.Grommen en profitait de ces circonstances pour dire aux jeunes novices quelques uns de ces bons mots dont il avait le secret et par lesquels il donnait au coeur, chassait toute humeur noire. Un gros professeur faisait son noviciat à Saint-Trond; au café le P. Grommen venait se placer près de lui, en disant: Hé bien, professeur! Est-ce que l’embonpoint ne tend pas encore à disparazître, toute cette graisse professoraledoit disparaître et être remplacée par une graisse monacale qui demeurera stable et permanente. Sa prophétie se réalisa à la lettre. Une autre fois le P. Grommen avait donné la mission dans une grande commune des Flandres, il y avait fait la connaissance d’un jeune vicaire, gai compagnon qui amusait toute la société. C’était la saison des alouettes, on en avait fait une ample (provision lisez) consommation, et le jeune vicaire s’en était montré particulièrement friand. Quelques semaines après le vicaire était au noviciat deSaint-Trond; c’était un vendredi, le P. Grommen servait à table et le novcie dinait à genoux; vers la fin du repas le Père Grommen arrive avec un petit plat de fromage mou, le lisse doucement devant l’ancien vicaire et lui souffle à l’oreille “Mandes des alouettes”. L’autre enrit de si bon coeur que durant six semaines le diable ne put lui susciter la moindre tentation.
Le noviciat du P. Grommen ne fut pas long : au bout de six mois on le trouva mûr pour la profession, il fit ses voeux le 17 janvier 1843. Depuis ce jour il n’a plus cessé de remercier le Seingeur pour le bienfait desavocation que de fois dans les entretiens initimes qu’il avait avec l’un ou l’autre de ses confrères qui l’accompagnait en mission, il épanchait son coeur en disant : Que nous sommes heureux; nous jouissons des fruits de nos travaux et nous avons encore la plus grande assurance de notre salut, tandis que les prêtres séculiers travaillent, se fatiguent, se chagrinent en voyant leurs efforts demeurer stérile et avec tout cela ils sont encore exposés à de nombreux dangers pour leur âme. Il estimait beaucoup les religieux des autres ordres, jamais on n’entendait sortir de sa bouche ni plaintes, ni critiques contre eux, mais son coeur et son amour étaient sans réserve pour la Congrégation du Saint Rédempteur, qu’il considérait comme sa mère. Je respecte aussi beaucoup les Jésuites, disait-il, mais je n’aurais pas vécu à mon aise au milieu de cette société desavants et je n’aurais pas su m’habituer à leus belles manières. J’aime particulièrement les Récollets; avec le tenps j’auraispu m’habituer à porter leur habit, à marcher pieds nus, àavoir la tête rasée ce qui d’ailleurs n’eut pas été nécessaire puisqu’il n’y a plus de cheveuxsur ma tête que sur mon genou; mais aller à la quête pour mendier monpain, et surtout être prêt à toute heure pour remplacer les curés et recevoir au confessional sans la moindre préparation tous les garnements du village, cela ne m’irait pas du tout. Gloria Patri, je suis Rédemptoriste et j’espère le demeurer jusqu’à la mort. Que sa douleur était profonde chaque fois qu’il apprenait le malheur d’un confrère quivenait de perdre sa vocation; alors il s’écriait : Mon Dieu ! Comment est-il possible après avoir passé tant d’années dans la congrégation, après avoir tant de fois renouvelé les voeux avec le serment de persévérance ? C’est pur moi un mystère. Puis il ajoutait la persévérance dans la congrégation n’est pas difficile, on peut avoir ses défauts, commettre des fautes, Dieu est assez bon our les pardonner, pourvu qu’on soit de bonne volonté. J’ai la conviction que ceux qui s’efforcent chaque année de bien faire leur retraite ne perdent pas leur vocation, Dieu a récompensé cet amour par sa vocation enlui accordant d’y passer 40 ans de paix et de bonheur couronnés par une mort également paisible et heureuse.
XIII. Les débuts
Le 13 février 1843, à peine un mois après sa profession, le Père Grommen fut envoyé en mission à Asch, petit village de 600 habitants, situé dans la Campine Liégeoise à 2 lieues de Meuwen où il avait résidé 7 ans comme vicaire. Ses premiers débuts furent dés plus humbles; tous les jours, il récitait le chapelet avec le peuple, il donnait les instructions aux enfants, il confessait les fidèles et puis il prèchait encore l’un ou l’autre petit sermon à la messe du matin. C’était son premier exercice la première fois qu’il allait au feu (?), il (grand espace libre) admirablement bien car dans cette mission on distribua 72é communions, c’était presque le double du nombre des communiants. Il ressentit durant ces dix jours de grandes consolations, il se trouvait de nouveau dans sa chère Campine, il avait l’air et l’espace, il voyait devant lui ces immenses bruyères et ces bois de sapin qu’il avait parcourus tant de fois. et puis il était si près de Meuwen, si près de la chaumière quil’avait abrité pendant 7 ans, si près de son ancien curé qu’il aimait comme son père, si près de ces bons habitants qu’il considérait comme ses frères ou ses enfants. N’eut-il pas quelque envie de faire une petite excursion pour visiter ces objets si ches àson coeur ? C’est bien possible, mais toujours est-il qu’il ne céda point à la tentation. Il avait fait un sacrifice auquel il voulut être fidèle, il connait sa règle, il voulut l’observer à la lettre, aussi durant toute savie religieuse il a faitrarement une visite à moins qu’il n’y fut tenu par devoir ou par nécessité. Mais s’il n’alla pas à Meuwen on peut dire que Meuwen en veut à lui; c’était tous les jours une longue procession d’hommes, de femmes et d’enfants qui venaient voir et entendre leur ancien vicaire, plusieurs même se rendirent à confesse et c’est ce qui explique le grand nombre des communions. Comme on était juste au temps où l’on tue le porc, mainte ménagère s’achemina vers la cure tenant au bras une corbeille emplie de côtelettes, d’oreilles et de pieds de cochon qu’elles venaient offrir gracieusement à M. le Père. Il semble que le Seigneur avait voulu ménager cette consolation à son serviteur pour le préparer à une longue et pénible épreuve par laquelle il devait s’affermir dans les deuxvertus si nécessaires au missionaire, l’humilité et la confiance. Les premières années de sa vie religieuse le Père Grommen avait des difficultés immenses pour la chaire. Il avait beaucoup de (mal lisez) peine pour composer ses sermons et encore plus à les apprendre. Il lui était impossible de se servir des sermons des autres, les meilleurs sermonaires lui étaient peu utiles, ce qu’il n’avait pas composé lui-même ne voulait pas se loger dans sa tête et puis il avait son idéal. Il lui fallait quelque chose de simple, de net, de saisissable et tout le monde avouera que ce n’est pas précisément ce qu’on trouve le plus dans les livres. Il parcourait la plume en mains pour prendre des notes les sermons de Bridaine, Bourdaloue, Massillon et après avoir achever la lecture son papier demeurait encore tout blanc; c’était à y perdre la tête.Quand après de grands efforts et un travail assidu de plusieurs jours, il avait écrit son instruction, il fallait l’apprendre, nouveau labeur aussi pénible que le premier. Que de fois au temps de la rémission ou de la promenade il priait l’un de ses confrères de vouloi bien l’écouter, alors il récitait comme un enfant la leçon qu’il avait apprise; c’est ainsi qu’à force de travail et de peine il parvenait à fourrer le tout dans sa mémoire, mais aussi une fois logé là c’était pour n’en plus sortir, il n’oubliait plus ce qu’il avait appris avec tant de difficultés, c’est ainsi qu’il se rappelait parfaitement les sermons appris au début et qu’il n’aait plus revu depuis tant d’années. Ce n’est pas tout, quand l’heure du sermon approchait il sentait des battements de coeur violents, il était saisi d’une crainte incroyable souvent en entendant la cloche de notre église annoncer l’instruction il était forcé de se mettre au lit, et là encore les secousses étaient si fortes qu’il se croyait sur le point d’être lancé par terre. Cependant il ne cédait jamais, il prenait son courage des deux mains et se confiant en Dieu il montait en chaire et s’en tirait admirablement bien, jamais de sa vie il ne demeura court. Peu à peu ces difficultés diminuèrent, il trouva des auteurs qui allaient mieux à sa tournure d’esprit et surtout il eut la bonne fortume de faire connaissance avec Hunnold, le sermonnaire selon son coeur. Là il se retrouva lui-même avec ses comparaisons familiaires, ses divisions claires et nettes, ses raisonnements intelligibles à tous parce qu’ils découlent du bon sens, ses applications pratiques, son style populaire. Que de fois il remercia le bon Dieu de cette précieuse découverte. Dès ce molment, la composition et la rédaction devinrent plus faciles; il ne copia jamais son auteur, mais il en suivait l’ordre, l’arrangement, il cherchait des comparaisons du même genre, qu’il variait à l’infini, il faisait les applications morales selon les besoins des auditeurs. Par là même, le travail de la mémoire devenait moins pénible, l’exercice et l’habitude de la chaire lui donnaient plus d’assurance, de sorte qu’à la fin il trouvait une facilité pour la chaire si grande qu’un sermon ne lui coutait pas plus de peine qu’une conversation avec ses confrères. On disait de lui, il y a trois choses que le P. Grommen fait à volonté tant qu’il veut et lorsqu’il veut : rire, dormir et prècher. Que de fois lorsque ses supérieurs étaient dans l’embarras parceque le prédicateur désigné était empéché ou malade on s’adressait au P. Grommen qui montait enchaire dans préparation aucune et s’en tirait à merveille. Le 3 juin 1871 eut lieu à Saint-Trond un grand pélérinage pour obtenir du ciel la délivrance du bien aimé Pie IX, qui voyait ses états et sa ville pontificale au pouvoir de ses ennemis. Toutes les paroisses du canton étaient accourues pour prendre part à cette manifestation catholique. Mgr de Montpellier, évèque de Liège, assisté d’un grand nombre de chanoines et de dignitaires écclésiastiques présidait les cérémonies. Il chanta la grand’messe au milieu d’un concours tel que les fidèles ne remplissaient pas seulement l’église mais occupaient encore l’alentour et une partie de la Grand’Place. Après la messe la procession se mit enmarche poar la ville pavoisée aux couleurs pontificales; on vit alors défiler en ordre, d’abord les paroisses rurales avec leur clergé, ces braves gens priaient le chapelet ou chantaient un cantique composé pour la circonstance par Mr le professeur Brillon, puis venaient les habitants de Saint-Trond suivis des écoles, du clergé et du séminaire; après eux les PP. Récollets portant au milieu de leurs rangs des reliques des S.S. Martyrs de Gorcum, les Rédemptoristes avec la châsse de Sainte Christine l’admirable, le clergé de la vilole avec les reliques de Saint Trudon, enfin l’évèque avec son assistance.
C’était un spectacle à arracher des larmes. La procession étant terminée, l’évèque monta sur une estrade élevée au milieu de la Grand’Place et là entouré de millieurs de fidèles il fit enfrançais una allocation chaleureuse qui remua tous les coeurs. Quand il eut fini le Père Grommen s’avança sur le bord de l’estrade et traduit presque littéralement en flamand les paroles de l’évèque; à la fin il éleva la voix de toute la force de ses poumons et engagea le peuple à crier avec lui : “Vive Pie IX ! Vive le Pape !
Ce jour-là le traducteur officiel eut l’honneur de diner à la table du doyen avec l’évèque et plusieurs chanoines; il eut préféré de manger avec nous au réfectoire du couvent.
XIV. Missionnaire
Le Père Grommen a pu se former à la bonne école; il avait sous les yeux dans le P. Bernard un modèle parfait de l’oratuer chrétien. Déjà avant son entrée dans la congrégation il avait entendu et admiré le célèbre mission-naire; maintenant devenu son confrère et son ami, il l’accompagnait dans ses missions, il l’étudiait de près, observait ses gestes, ses regards et jusqu’à ses moindres paroles. Il profitait admirablement de ses leçons et sans vouloir imiter servilement son modèle, il en prenait tout ce qui convenait à son genre particulier et original, c’est ainsi qu’il a emprunté au Père Bernard quelques unes de ses grandes et fortes pensées dans ces sermons, ces éclats de voix qui remuent l’auditoire et ces péroraisons pathétiques qui portent le coup de grâce aux âmes déjà ébranlées. Si le Père Bernard a été sans contredit le plus grand missionnaire de son temps, l’on peut dire sans crainte que le Père Grommen a été un des principaux prédicateurs des contrées flamandes. Cependant la différence entre ces deux hommes fut très sensible. Le P. Bernard avait en chaire un maintien noble et majestueux, son geste était large et imposant. Le P. Grommen se tenait en chaire à son aise et sans façon, comme s’il allait causer familièrement autour d’une table, ses gestes étaient brefs, vifs mais du plus grand naturel. Le Père Bernard parlait une langue correcte, son style était soigné, tous sessermons pouvaient être livrés à l’impression. Le P. Grommen parlait un language, une langue simple, peu soigné, il changeait ses mots et ses expressions selon le pays qu’il évangélisait, il connaissait à peu près tous les patois des pays flamands et au besoin il ne craignait pas de s’en servir. Le Père bernard avait des pensées grandes, parfois sublimes, il savait les développer largement et avec une telle force qu’il subjuguait ses auditeurs. Le P. Grommen s’arrétait à des comparaisons familières, des applications naturelles, des faits palpables et saisissants et portait la lumière dans les esprits les moins éclairés, puis après avoir gagné l’assistance par sa bonhomie, sa cordialité, il savait la saisir à temps, la secouer, la remuer jusqu’au fond des entrailles. Le P; Bernard avait une voix sonore, un des plus beaux barytons; dès le commencement du sermon elle résonait, comme les sons de l’orgue dans toute l’église, à mesure qu’il s’animait, elle devenait vibrante, agaçait les nerfs, puis au moment voulu, elle jetait un si formidable éclat qu’on voyait plusieurs personnes tomber en syncope. Le Père Grommen avait la voix d’un ténor léger, mais claire et perçante, elle remplissait les plus vastes cathédrales et il se faisait entendre des plus vastes auditoires; il avait un talent admirable pour la varier, pour changer de ton et soutenir ainsi l’attention du peuple; il savait imiter parfaitement le langage des femmes, des enfants, des ivrognes et autres qu’il faisait quelques fois parler dans ses sermons, au besoin il savaitaussi rendre sa voix vibrante, éclatante, au point de faire couler les larmes. Chose vraiment étonnante, c’est que malgré son grande âge et ses nombreux travaux il a conservé cette voix claire et pure jusqu’à la fin de sa vie. Le Père (Grommen lisez) Bernard était un homme de grand savoir, il avait obtenu au Collège Romain tous les premiers prix avec le grade d docteur en théologie. Cette science profonde perçait non seulement dans ses sermons, mais même dans sa conversation ordinaire; le Père Grommen avait sans doute un esprit solide, mais comme il avait fait des études tardives et irrégulières la somme de ses connaissances était nécessairement limitée, mais il y suppléait largement par son bon sens naturel, par son jugement pratique et par les soins et les fatigues qu’il s’imposait pour composer ses sermons. Le Père Bernard avait des ressemblances frappantes avec le fameux Père Bridaine. Le Père Grommen tenait plus du Père Lejeune; ce qui est certain, c’est que tous deux ont mis leurs talents à profit, qu’ils ont vaillamment combattu pour le Seigneur et qu’ils ont sacrifié leur vie entière à gagner les âmes à Jésus-Christ. Il est à peine croyable combien le genre familier et original du Père Grommen plaisait au peuple; aujourd’hui encore après 20, 30, 40 ans qu’ils l’ont entendu, ils parlent de ses sermons, en citant les traits saillants. C’est qu’en effet il disait des choses qu’on ne saurait oublier. Telles sont d’abord cescomparaisons pour lesquelles iln’aura jamais son égal, il les prenait ordinairement des choses les plus familières à la localité; à la campagne, il les empruntait aux champs, aux vergers, au bétail, aux travaux du laboureur; dans les villes manufacturières il allait les chercher dans les fabriques, il parlait de machines, de vapeur, d’engrenage, comme un expert au métier; se trouvait-il dans un port maritime, c’étaient les navires, les marchandises, la mer, les tempêtes qui servaient à ses comparaisons; parlait-il devant des militaires, il décrivait devant eux le métier des armes, les manoeuvres, la discipline à laquelle ils sont assujettis. On comprend tout ce que cette manière de parler avait d’attrayant, combien il fallait aimer ce bon père qui se mêlait ainsi au travail journalier de son peuple et devenait son confrère, son compagnon. Voici quelques unes de ses comparaisons, qui revenaient le plus souvent dans ses missions. En parlant du salut, il montrait au peuple que ce doit être leur propre ouvrage et le plus important de tous, car comme dit Saint Augustin : Dieu qui nous a créé sans nous, ne nous sauvera pas sans nous. A ce propos, il disait : Mes amis, il y a beaucoup de choses que d’autres peuvent faire pour vous et à votre place par exemple : vous voulez bâtir une maison, vous appelez le maçon; vous désirez un habit neuf, vous vous adressez au tailleur; il vous faut une paire de bottines, voilà le cordonnier qui va vous prendre la mesure; vous avez une lettre pour la poste, vous y envoyez la servante. Mais il n’en est pas ainsi pour tout. Quand vous avez faim, vous suffit-il de dire au maçon : allez mangeer un plat de carbonnades ? Quandvous avez soif, est-ce assez de dire au tailleur : venez boire une pinte? Quand vous êtes fatigué d’un long voyage, est-ce assez de dire au cordonnier : allez au lit ? Quand vous souffrez du froid, aurez-vous gagner quelque chose en envoyant la servante se chauffer à la cuisine ? Non, non, il faut manger vous-même si vous avez faim, il faut boire vous-même si vous voulez étancher votre soif; il faut vous chauffez vous-même si vous ne voulez pas grelotter de froid. Ainsi en est-il de votre salut ! ... Il est vrai que dans cette affaire importante d’autres peuvent vous être d’un grand secours, comme les prédicateurs, les confesseurs, les pieux fidèles par leurs prières et surtout le bon Dieu par l’assistance de sa grâce; mais tout cela demande votre coopération. C’est ainsi que la cuisinière prépare vos repas, mais c’est à vous de les manger, le brasseur prépare votre boisson, mais c’est à vous de la boire; votre femme arrange votre lit; c’est à vous de vous y coucher; la servante allume le feu, c’est à vous de vous en approcher. De même, nous prêchons, c’est à vous de venir nous entendre; nous confessons, c’est à vous d’accuser vos péchés; nous prions, c’està vous d’unir vos prières aux nôtres. Dieu vous édclaire sur la malice de vos péchés, c’està vous d’en concevoir un sincère repentit, avec le ferme propos de ne plus les commenttre. – en parlant de la confession, il insistait sur l’ordre qu’on devait mettre dans l’accusation de ses péchés, en distinguant l’espèce et le nombre. “Ecoutez mes amis, quand le moment est venu de payer le loyer de votre ferme et de vos terres, que faites-vous ? Allez-vous jeter pêle-mêle vos espèces sans faire de différence en l’or, l’argent, le cuivre et sans compter d’abord pécule ? Bien au contraire,vous comptez d’abord vos pièces d’or et les réunissez ensemble, puis vous empilez les pièces de 5 francs, de 2 francs, de 1 franc, ensuite vous enveloppez chaque espèce dans une enveloppe de papier sur laquelle vous marquez exactement la somme qu’elle contient, c’est ainsi que vous allez payer votre propriétaire. Agissez de même pour le compte que vous venez rendre à Dieu, en confessant vos péchés. Examinez d’abord votre conscience, prenez à part chaque sorte de péchés, en les comptant aussi exactement. Que possible, par exemple, vous avez blasphémé combien de fois ? 20 fois plus ou moins. C’est cela, mettons ceci dans un petit sachet pour ne pas l’oublier. Ensuite, vous avez fait des excès dans la boisson. Combien de fois ? une douzaine, 2ième sachet; de même pour le reste; de cette manière vous rendrez de vos péchés un compte exact et Dieu, le grand propriétaire, vous donnera la quittance de la dette que vous aviez contracté envers sa justice. En parlant des ivrognes, il comparait ces malheureux aux pourceaux. Le pourdceau n’est pas seulement sâle et immonde, mais de plus c’est une bêtge absolument inutile; il ne travaille pas comme le boeuf et le cheval, il ne donne pas du lait comme la vache, il ne pond point d’oeuf comme la poule, il ne veille pas à la sûreté de la maison, il n’aboie pas contre les voleurs comme le chien fidèle, il ne prend pas les ats et les souris comme les chats. Que fait-il ? Il s’engraisse, il se couche dans les immondices. Ivrogne, n’est-ce pas là votre image? ... mais il y a plus, quand le porc est tué, il devient utile au dernier point. Tout en lui est bon de la tête aus pieds et même la queue, mais l’ivrogne n’est bon à rien durant sa vie, et il vaut encore moins après sa mort. Son corps tombe en pourriture, son âme brûle en enfer et que laisse-t-il après lui ? Une famille malheureuse, une femme criblée de dettes, des enfants mal élévés, une réputation flétrie de scandales irréparables, son nom est en horreur, sa mémoire maudite, il est devenu un objet d’exécration pour toute la paroisse. Ivrognes, voilà le sort qui vous attend,n si vous ne mettez bientôt le terme à cette vie criminelle.
Parlait-il du péché de la chair, il disait avec l’apôtre : les impudiques n’entreront point dans le royaume des cieux. Puis il ajoutait, mes frères, n’avez-vous pas remarqué ce décrottoir en fer placé à côté des portes aux maison des particuliers. A quoi cela sert-il ? A décrotter sa chaussure pour ne pas salir la maison. Voyez vous donc, les grands de la terre ne veulent pas que vous entriez chez eux les pieds sâles, et vous croyez que le bon Dieu du ciel vous laisse entrer dans son beau paradis l’âme souillée et remplie d’immondices ?
Ce qui donnait encore plus de prix à ces comparaisons, c’est la manière dont il les débitait : ce regard parçant, cette bouche railleuse, ce ton persuasif, cette voix sympathique et familière suivie bientôt d’un langage sévère et imposant, tout cela faisait une telle impression sur le peuple qu’il riait et pleurait en même temps. Le P. Grommen tenait beaucoup à ce ton d causerie, il avait horreur de cette déclamation bruyante et monotone qui, disait-il, ne sert qu’à fatiguer et endormir l’auditoire. Que de fois nous l’avons entendu répéter : apprenez à causer, c’est plus difficile qu’on ne pense; parlez avec le peuple comme (si) vous parleriez en conversation, alors les passages véhéments et pathétiques bien amenés feront plus d’effet et laisseront une impression durable dans le coeur des fidèles; tandis que par ces déclamations sonores et prétentieuses on se rend semblable à un arracheur de dents qui vante ses drogues à la foire, ou aux gardes-champêtres qui après la messe du dimanche, proclament les ventes publiques au cimetière.
Il faut pourtant reconaître que le genre du M. Grommen ne plaisait pas à tout le monde, surtout parmi les protestants rigides de la Hollande. Nos Pères préchaient une mission à Maëstricht. La foule accourait en masse à la grande église de St-Servais, avide d’entendre le Père e Bernard. Un soir que celui-ci s’était fait remplacé par le Père Grommen, quelques ministres calvinistes s’étaient rendus à l’église pour entendre le célèbre prédicateur. Quelle fut leur déception; au lieu d’un sermon sublime du Père Bernard, ils eurent une instruction familière du Père Grommen et encore sur une matière qui ne leur plasiait pas du tout : le 6ième commandement. Le lendemain, ils publièrent dans leur journal un article viruent contre les missionnaires; entre autres anémités, on y lisait le passage suivant à l’adresse du P. Grommen : Nous nous sommes rendus hier soir à Saint-Servais pour entendre ce fameux Père Beranrd dont le nom fait tant de bruit dans ces contrées; nous avons dû jouer du coude pour fendre la presse et c’est avec beaucoup de peine que nous avons pu trouver un petit bout de banc pour nous asseoir durant les deux longues heures qu’a duré la cérémonie. Quel désappointement ! Au lieu de l’orateur renommé qui nouss attirait en ce lieu, nous voyons apparaître un gros moine à face rubiconde, joufflu, vrai figure de Luther. Pendant une heure entière il nous a écorché les oreilles avec son flamand Limbourgeois et pour comble de malheur, il traitait une matière si peu délicate que nous n’oserions la mettre ici sou sles yeux de nos lecteurs; En somme,la soirée n’a pas été amusante et nous nous sommes pormis de n’y plus retourner. A-t-il ri le bon Père Grommen, quand on lui donna connaissance de cet article, a-t-il ri envoyant cdomme il avait attrapé les ministres protestants, a-t-il ri surtout de la qualification si honorable à leur point de vue qu’ils lui donnaient en l’appelant Luther. Il riait aux éclats chaque fois que quelqu’un par plaisanterie l’appelait Luther et jusque dans ses vieux jours il se mettait à rire de tout son coeur quand il parlait de cet événement.
Le grand sermon
Le Père Grommen était admirable avant tout dans ses instructions, sa spécialité était d’instruire le peuple, de porter la lumière dans les intelligences même les plus bornées, cependant il ne réussissait pas moins bien dans les grands sermons du soir. Pendant plus de vingt ans qu’il était dans toute sa vigueur, c’est lui qui faisait les principaux sermons sur les vérités éternelles.Là encore, il était toujours lui-même avec son originalité. Les images, ses comparaisons, ses paraboles.Quelques uns de ses sermons n’étaient qu’une longue allégorie d’un boutà l’autre. Tel est son fameux sermon sur la mort qu’il appelait le sac de voyage. En voici la substance. Nous n’avons pas ici une demeure permanente, notre véritable patrie c’est le ciel, le royaume de notre Père céleste, notre vie n’est donc qu’un long et pénible voyage vers ce séjour de gloire. Quand unvoyageur sort d’un pays pour entrer dans un autre, il rencontre sur la frontière les employés de la douane pour examiner ses bagages; on l’invite à ouvrir ses malles, ses coffres, son sac de voyage, si l’on y découvre des marchandises prohibées,on lui défend le passage; s’il veut passer avec ses objets soumis aux droits d’entrée, il doit délier la bourse, payer la taxe; s’il veut introduire des choses suspectes, des armes, de la poudre, des pamphlets contre le roi ou le gouvernement, on l’arrête, on le jette en prison. Vous aussi, mes frères, à la fin de votre voyage vous aurez à passer les frontières de l’éternité, là vous trouverez les douaniers de l’autre monde,les employés du grand Roi qui viendront examiner vos bagages.Ces bagages, ce son vos oeuvres bonnes ou mauvaises, vos vertus ou vos péchés; malheur à vous si vous arrivez à ces terribles frontières, chargés de marchandises prohibés ou suspectes, non seulement le passage vous sera interdit, mais vous serez arrêtés, chargés de chaînes, jetés enprison, plongés dans un abîme de tourments éternels. Jeune fille, les années de votre vie sont écoulées, vous êtes arrivée à la rontière de l’éternité, montrez-nous votre sac de voyage; qu’est-ce que j’y découvre ?Un scapulaire, un chapelet, un livre de méditation; bonne marchadnise, mon enfant, prenez courage : qu’est-ce que je vois encore ? La prière du matin et du soir et du soir (sic), la confession et la communion de tous les mois, la Sainte Messe et même durant la semaine, bonnen marchandise, prenez courage. Qu’est-ce que j’y vois encore ? La soumission à vos parents, l’amour du travail, la fuite des dangers, la modestie chrétienne, bonne marchandise. Entrez fidèle servante du Seigneur, entrez dans le royaume du Père Céleste. Et vous, Mademoiselle,qui vous tenez à l’écart, comme si vous vouliez passer, inaperçue, approchez, montrez-nous votre sac de voyage, qu’est-ce que j’y trouve ? Des miroirs, des pots de pommade, des eaux de senteur; marchandise suspecte, Mademoiselle ! Qu’est-ce que j’y trouve encore? Des propos déshonnêtes, des romans lubriques, des péchés honteux et puis pour comble de malheur, des confessions, des communions sacrilèges – (Lire) Qu’est-ce que j’y trouve encore ? Des bals, des comédies, des promenades solitaires avec tel jeune homme qui vous était défendu, marchandise suspecte – Qu’y trouve-t-on encore ? Des propos déshonnêtes, des romans lubriques, des péchés honteux et puis pour comble de malheur des confessions et des communions sacrilèges; mauvaise marchandise, Mademoiselle, vous ne passerez pas ! Mais je vous en conjure, mon bon Monsieur, ayez pitié de moi, donnez-moi seulement quelques jours pour changer mes bagages; je me convertirai, je ferai pénitence, je deviendrai une sainte. Trop tard, Mademoiselle, trop tard ! Voilà les gendarmes de lucifer qui tombent sur vous, vous précipitent dans le royaume de Satan où vous pleurerez votre aveuglement par des larmes éternelles. Et vous, père de famille, vous êtes au bout de votre pélérinage, vous allez passer les frontières de léternité, montrez-nous votre sac de voyage, qu’y trouve-t-on ? Le parfum du bon exemple, la fidélité conjugale, l’éducation vraiment chrétienne de vos enfants; bonnen marchandise, mon brave, prenez courage, quoi encore ? La probité dans vos affaires, la charité envers les malheureux, l’accomplissement de vos devoirs religieux, bonnen marchandise, réjouissez-vous, serviteur fidèle, entrez dans la patrie de votre Père Céleste. Et vous, Monsieur, blottidans ce coin, comme si vous aviez peur de vous montrer; approchez, ouvrez votre sac de voyage. Mon Dieu, quel désordre, quelle odeur fétide ! Que vois-je ?
Des bouteilles de genièvre, des jeux de cartes, des nuits entières passées au cabaret, marchandise suspecte ! Quoi encore ? De mauvais journaux, des raillieries de la Sainte Religion, des calomnies contre les prêtres. Et puis ? Des blasphèmes, des péchés honteux, profanation du dimanche, omission du devoir pascal, mauvaise marchandise, vous ne passerez pas. Hélas, mon bon Seigneur, ayez pitié de moi un peu de temps, j’irai pleurer mes péchés au couvent de la Trappe, je coucherai sur la dure, je jeunerai au pain et à l’eau, je deviendrai un saint. Trop tard, Monsieur, trop tard, les avertissements ne vous ont pas manqué, le temps ne vous a pas fait défaut, mais vous avez abusé de tout. Venez, gendarme de Lucifer, empoignez cet homme, conduisez le auprès de votre chef infernal, qu’il a servi pendant sa vie et dont il partagera le sort durant l’éternité. –
C’est ainsi qu’on voyait arriver à cette terrible frontière le jeune homme, la femme mariée, le riche et le pauvre, le maître et l’ouvrier, et toutes les classes de la société. Chacun tour à tour devait montrer son sac de voyage et chacun se voyait traité selon la marchandise qu’il voulait introduire. A la fin du sermon, dans une péroraison pathétique il engageait le peuple à profiter de la mission pour examiner préalablement le sac de voyage par un bon examen de conscience, à enrejeter tous les objets suspects et prohibés par une bonnen confession, à ne conserver que la marchandise pure et honnête par un bon propos pour l’avenir. Alors ils pourront continuer en paix le voyage de la vie, la frontière de l’éternité leur sera ouverte au large, et ils seront reçus à bras ouverts dans la Patrie Céleste.
Il procédait à peu près de la même manière dans son sermon sur l’enfer. C’est la prison du bon Dieu. A Quoi sert une prison ? A y enfermer les malfaiteurs, surtout les incorrigibles. Alors il porlait en détail des différents pécheurs qui sont en route vers cette horrible prison. Puis il invitait ses auditeurs à venir avec lui examiner cet abîme desouffrances; il indiquait en passant tout ce qu’on rencontre sur cette route large et fréquentée. Enfin, arrivé près de la porte, il s’écriait avec force : arrêtez, arrêtez, n’avancez pas plus loin; car les choses qu’on découvre là, sont épouvantables ! J’approcherai tout seul, je raconterai tout ce que je vois, tout ce que j’éprouve. Il jetait alors un regard effrayé sur l’abîme et reculant d’horreur, il disait au peuple ce qu’il venait de voir et d’entendre; après cela, il plongeait de nouveau son regard sur cette fournaise ardente, il racontait les tourments plus terriblesencore; il continuait de la sorte jusqu’à ce qu’il eut décrit les différents supplices de l’enfe. On comprend combien ces images vives et saisissantes devaient proter la terreur dans le coeur des fidèles.
Dans son jugement final, il s’arrêtait avec complaisance à montrer à l’univers assemblé ces libres penseurs qui se moquent de Dieu, de la religion, qui calomnient les prêtres et s’efforcent d’arrachter les âmes à Jésus-Christ. Il s’écriait avec un air de triomphe : Venez, mes amis, approchons-nous de ces trompeurs perfides, secouons les par leur barbe et leur moustache et disons leur hardiment en face : vous voilà, faux prophètes, séducteurs du peuple. Vous avez calomnié la religion et ses ministres et aujourd’hui nous voyons que toutes ces faussetés n’étaient autre chose que les abominations dont vous étiez coupables vous-mêmes. Vous avez blasphémé contre Dieu et son Eglise, aujourd’hui ces blasphèmes se changeront en malédiction terribles qui vont tomber sur vos têtes; vous avez arraché à Jésus-christ les âmes des petits et des pauvres, aujourd’hui ces âmes vont devenir vos plus cruels bourraux. Dans tous ses sermons même les plus sérieux, il savait introduire quelque passage dont l’originalité faisait sourire, mais bientôt il reprenait sa gravaité et par ce changement subit il faisait d’autant plus d’impression sur les fidèles. C’est ainsi que dans un temps orageux on voit quelques fois un rayon de soleil percer les nuages et sourire à la terre; mais bientôt les nuages se ferment et les éclats du tonnerre portent partout l’épouvante.
Le chef-d’oeuvre du P. Grommen dont on a le plus parlé et dont on se rappellera longtemps encore, c’est son sermon sur l’occasion prochaine : il le variait selon les circonstances, tantôt c’était la tuile ! tantôt la bouteille ! La Tuile ! Après avoir expliqué au peuple que pour vivre chrétiennement et éviter le péché mortel, il faut avant tout renoncer à l’occasion, il montrait les occasions en détail et donnait les motifs pour les fuire. Il y avait une fois un certain Seigneur qui se faisait servir par un domestique fidèle. Un jour il était à table pour prendre son repas, mais voilà qu’il commence à pleuvoir dans son salon, comme en plein air, il pleuvait sur sa tête, sur son dos et ses mains, il pleuvait dans sa soupe, sa bière et son vin; il pleuvait dans les plats, dans son assiette, il pleuvait partout. Fort mécontent, il appelle son domestique. Jacques, d’où vient cette eau qui m’inonde de toute part ? Excusez, Seigneur, je sais ce que c’est, il a plu et l’eau se sera introduite dans la chambre ci-dessus, mais rassurez-vous, le mal sera réparé à l’instant. Là-dessus Jacques prend un torchon et un seau, il monte à l’étage, lave et essuire le plancher et aussitôt l’au ne coule plus. Quelques minutes après le Seigneur est encore assis à table, il se voit inondé plus fort que de coutume. Jacques est appelé de nouveau et semoncé d’importance. Pardon, Seigneur, je vous promets, cela n’arrivera plus. Il monte à l’étage, essuie le plancher comme la première fois, espérant que cela n’arriverait plus. Cependant la même histoire recommence, une troisième, une quatrième, un ecinquième gois, à chaque remontrace, Jacques faisait les plus belles promesses, mais cela n’empêche pas la pluie de tomber sur la table du Seigneur. Celui-ci à bout de patience, fait venir son valet de chambre, regarde le plafond, puis il monte au grenier, regarde le toit, et secouant le pauvre garçon par le bras, il lui crie : Jacques, vois-tu cette ouverture ? C’est une tuile qui manque, c’est une tuile qui manque. Tant que cette tuile ne sera pas remplacée, la pluie tombera dans le grenier, de là dans la chambre de l’étage, de là dans mon salon. Remplacez cette tuile, bouchez ce trou, l’eau ne vous incommodera plus. Avez-vous compris cela, mes frères ? L’avez-vous bien compris ? Hélas ! c’est peut-être votre propre hbistoire. Vous venez à confesse la conscience chargée de péchés bien graves, vous en êtes affligés, vous promettez de ne plus les commetre. Tout cela n’est qu’un coup de torchon, vous essuyez le plancher, mais vous n’allez pas à la cause de mal; aussi vous revenez à confesse avec les mêmes péchés sur la conscience. Cela dure des années entières, toujours vous faites les plus belles promesses de vous convertir mais vous ne les exécutez pas. A quoi cela tient-il ? C’est une tuile qui manque, une tuile qui manque ! Quelle est cette tuile ? L’occaqsion prochaine que vous ne voulez pas écouter. La tuile qui manque, ce sont ces divertissements illicites où vous allez assouvir vos plus mauvaises passions, la tuile qui manque, ce sont ces fréquentations coupables, cause unique de votre vie criminelle. Remplacez la tuile qui manque. Fuyez ces divertissements déshonnêtes, remplacez la tuile qui manque. Faites le sacrifice de cette fréquentation coupable et alors la pluie du péché ne viendra plus inonder votre pauvre âme.
Après la tuile venait la bouteille. Un homme était malade, il avait la gangrène au bras; n’en pouvant plus de douleur, il se rend en ville consulter le médecin. Celui-ci examine la plaie et haussant les épaules, il dit : “C’est grave, extrêmement grave. Que n’êtes vous venu plus tôt. Mais enfin tout espoir n’est pas perdu. Seulement il faut voir soin de bien exécuter mes ordonnances; d’abord vous vous abstiendrez totalement de lard et de genièvre, ensuite je vous donnerai une médecine pour purifier le sang; vous en prendrez une cuillerée toutes les deux heures, puis vousreviendrez me parler dans deux jours.” Fort bien, Monsieur le Docteur, vous serez obéei à la lettre seulement une toute petite goutte de genièvre, un petit bout de lard, cela ne peut faire de mal ? Mon che, il faut vous en abstenir à tout prix, ce sont des excitants qui dans l’état où vous êtes peuvent devenir mortels. Ainsi si vous tenez à la vie, point de lard, point de genièvre. Là-dessus, notre hommepart et retourne au logis; cehmin faisant il rencotnre un cabaret, il entre et prend une goutte, quelques pas plus loin une seconde, puis une troisième, une quatrième. Si bien qu’au bout d’une demi-heure, il commence à voir des étoiles en plein jour, il chancelle sur ces jambes, il marche titubant, on le voit louvoyez au long et au large comme un navire en détresse, et c’est à grand peine qu’il trouve sa demeure. Rentré chez lui, il demande à manger. Que désirez-vous ? Du lard, il me faut du lard. Vive le genièvre et vive le lard. Voilà ma médecine et je n’en veux point d’autre. Il lance la bouteille de médecine à terre, où elle vole en éclats. Le lendemain, même régime, il continue dce train durant toute la semaine, enfin il doit garder le lit, il est à la mort. On appalle le docteur. Celui-ci le regarde et lui dit : “Malheureux, qu’avez-vous fait ? Avez-vous pris ma médecine ? Non, Vous êtes-vous abstenu de lard et de genièvre ? Non, c’en est fait. Il n’y a plus d’espoir,, vous êtes mort et vous avez été votre propre bourreau. Vou succuombez à un véritable suicide.” Avez-vous compris, mes frères ? Avez-vous compris, pécheurs ? Reconnaissez donc ici votre propre histoire; Votre pauvre âme est malade, par les nombreuxpéchés dont vous la chargez sans cesse, votre pauvre âme est couverte de plaies hideuses, plaie de blasphème, plaie d’ivrognerie,plaie de la profanation du dimanche, plaie des paroles indécentes, plaie du vice impur. Déjà la gangrène s’y est mise par la longue habitude du mal, par les rechutes continuelles de ces horribles péchés. Vous allez consulter le confesseur, le médecin de votre âme, celui-ci vous examine et vous dit : “Mon ami, votre cas est grave, extrêmement grave, vousêtes en danger de mort et de mort éternelle. Cependant tout espoir n’est pas perdu, je puis encore vous guérir, seulement il fuat avoir soin de bien exécuter mes ordonnances. D’abord je vous prescris une médecine pour tous les jours, c’est la prière : priez 3 Ave Maria, matin et soir, priez un Ave Maria dans la tentation, ensuite vous reviendrez me parler dans un mois et gardez-vous bien de remettrevotre confession au delà de ce terme. Mais voici le point capital d’où dépendra la vie ou la mort, il faut écarter la cause du mal, il faut éviter l’occasion prochaine. Ainsi renoncez à ses compagnons qui vous excitent au mal par leurs discours et leurs exeples; fuyez ces mauvais cabarets qui ont été la cause de vos excès et de vos blasphèmes; abandonnez ces mauvaises occasions qui vous ont fait tomber dans des péchés si abominables. Fuyez l’occasion et vous serez sauvé; que si vous ne fuyez pas vous êtes perdu à jamais. Vous écoutez la voix du confesseur, vous entendez ses ordonnaces, vous promettez de vous y conformer dans la suite, mais vous n’êtes pas fidèle dans vos promesses .A peine sorti du confessional, vousretournez à ces mauvais compagnons, à ces cabarets, à ces fréquentations et qu’arrive-t-il? Vous retombez dans vos péchés, vous retombez encore, vous rtombez touhjours, jusqu’à ce qu’enfin la mesure déborde et qu’à force de péchés vous vous précipitez vous-mêmes dans les flammes. Tout cela était débité avec tant de verve et de naturel, avec un développement si clair et si naïf, que tout l’auditoire en était dans l’admiration. On ne parlait que du sermon, on répétait à l'envie ces comparaisons frappantes, on allait raconter au loin les traits sailants. Un curé des environs demande à son jardinier : “Hé bien, Pierre, vous avez été hier soir à la mission ? Qu’est-ce que les Pères ont préché ? O, Mr le Curé, c’est incroyable, ce sont des choses que nous n’avons jamais entendues. Tenez, ce Père Grommen a parlé durant une longue heure, l’église était bourrée de monde et vous auriez entenducourir une souris, tant ce qu’il disait n’était pas précisément Evangile, mais c’était si beau, si beau qu’il faut aller l’entendre vous-même. En effet, les prêtres venaient l’entendre en foule, durant ses sermons on voyait le choeur garni d’ecclésiastiques. Dans les grandes missions nous étions assistés de dix, quinze confesseurs étrangers. Ces bon prêtres après les fatigues d’une longe journée passée au confessional, se délassaient le soir en assistant au grand sermon, bien souvent on profitait de ce moment pour prendre le souper. Mais ils sacrifiaient plutôt leur repas que de perdre le sermon. Que de fois nous les avons entendu demander au missionnaire : De quoi sera-ce ce soir ? Est-ce le sac de voyage, la tuile, la bouteille ? Et ceux-là même qui avaient déjà assisté plusieurs fois à ces sermons voulaient l’entendre encore. Quelques uns s’avisaient d’imiter son genre, prenaient des notes, copiaient ses sermons, malheur en prit, car s’ils avaient des sermons-instructions, ils n’avaient ni sa voix, ni son regard, ni son geste, ils n’avaient ni sa bonhommie, ni son naturel, de sorte qu’ils échouèrent et ne firent que des brioches.
XVI. Les Missions
C’est à Asch, petit village du Limbourg, que le P. Grommen commença sa carrière apostolique le 13 février 1842, et il la termine le 25 mars 1882 par sa dernière mission à Spalbeek, également dans le Limbourg. Durant ces 40 années, les missions furent son élément et sa vie. Il donna en tout 619 exercices spirituels, divisés comme suit : 334 missions, 94 renouvellements, 45 jubilés, 42 retraites, 31 octaves, 9 neuvaines, 17 triduums, 27 autres travaux tels que carêmes, adoration perpétuelle, mois de Marie. Les moindres de ces missions duraient 10 jours, les autres 15 jours, 3 semaines; ce qui lui faisait dire en riant : ma vie se passe à parcourir le pays avec ma marmotte, comme un marchand de vin ou un commis voyageur. Il prècha dans les plus grandes villes de la Belgique, il monta dans les chaires les plus importantes, les cathédrales et les plus vaste églises retentirent de sa voix. Le principal théâtre de son zèle apostolique fut la ville de Gand. On sait le soin particulier qu’avait Mgr. Delbeek de procurer le bienfait de la mission à toutes les paroisses de son diocèse, il employait à ce travail les différents ordres religieux, il encourageait les missionnaires en assistant aux sermons, et quelques fois même il partageait les fatigues de la charie. Cependant il ne connaissait pas les Rédemptoristes, il ne les avait jamais vus à l’oeuvre, et les premiers rapports qu’il reçut sur leur compte n’étaient pas trop favorables; on les accusait d’introduire des nouveautés, de suivre une morale relâchée, et surtout de prècher dans un style bas, trivial, sans réserve. D’un autre côté, il apprenait les grands fruits que les missions de nos Pères produisaient dans d’autres diocèses. Il voulut examiner cette affaire de plus près. Il permit à quelques curés de villages d’appeler les Rédemptoristes dans leurs paroisses, mais à la condition de lui donner une relation détaillée sur leurs travaux, il envoya même un chanoine assiter à une de ces missions pour observer exactement la manière d’agir des missionnaires et tenir note de toutes leurs paroles, de tous leurs actes. Le chanoine vint s’installer à la cure comme l’ami intime du curé; il semblait ignorer l’arrivée des Pères, mais puisq’il était là, il désirait les voir, les entendre pour satifaire sa curioisté.
Dès le 1er jour, toutes ses sympathies leur étaient acquises : leurs manières simples et cordiales et surtout la bonhommie du Père Grommen avaient gagné son coeur. Les instructions aux enfants, les grands sermons, les cérémonies religieuxses excitaient son enthousiasme, le recueillement de la foule le touchait jusq’aux larmes, selulement il lui restait encore un doute : il devait enconre entendre le sermon sur le 6me commandement, c’était l’épreuve décisive. Le soir après le sermon le chanoine s’adresse aux missionnaires : Mes Rév.Pères, je dois vous demander pardon, parce que j’ai joué le rôle d’espion parmi vous; l’Evèque m’a envoyé ici pour voir ce qui se passe. J’ai vu et j’ai entendu et mon coeur déborde à tel point que dès demain j’irai faire mon rapport à sa Grandeur et je vous donne l’assurance que le diocèse de Gand est désormais ouvert à votre zèle et à vos travaux. Il en fut ainsi, l’évèque s’empresse d’appeler les Pères dans sa ville épiscopale. Le grand jubilé de l’année 1850 lui en fournit l’occasion. Il fit donner une mission générale dans toutes les paroisses de Gand et assigna à nos Pères la Grande Eglise de Gand deSaint-Nicolas placée au centre de la ville. Le Père Leroy prèchait en Français, le P. Grommen faisait le grand sermon du soir. Dès le commencement on se heurta à une difficulté. Les Pères tenaient à réciter le chapelet avec le peuple, l’Evèque n’en voulait pas? c’était une nouveauté et puis il fallait de l’uniformité dans toutes les églises. Les Pères tinrent bon alléguant les prescriptions de leur règle, l’évèque céda et plus tard il remercia les Pères de leur fermeté ! votre chapelet disait-il a emporté la pièce et désormais je le ferai réciter dans toutes les églises. Cette première mission des Rédemptoristes à Gand fut un évènement pour toute la ville : les sermons du Père Leroy faisaient fureur; on y accourait de toutes parts, la foule était énorme; les professeurs de l’université y assitaient avec leurs élèves, on y voyait l’évèque avec son chapître, le choeur était rempli de prêtres et de séminaristes, tout ce que la ville comptait de plus notable s’y rendait avec empressement. On demandait à un vieux chanoine ce qu’il en pensait; le brave homme se mit à pleurer et répondit : “si Notre Seigneur Jésus-christ venait prêcher au milieu de nous, il parlerait comme ce Père. Je ne lui trouve qu’un seul défaut : ses sermons sont trop courts, on voudrait l’entendre des journées entières.” Les sermons du Père Grommen ne faisaient pas moins d’effets; là on voyait la classe bourgeoiseet ouvrière, une heure avant le sermon il n’y avait plus moyen de trouver place. Durant une heure entière tout l’auditoire étéit suspendu aux lèvres de l’orateur et profondément ému en entendant prècher les grandes vérités dans un langage tout à fait populaire mais réhaussé par l’éclat des images et des comparaisons le splus saisissantes. Ses succès dépassèrent toute espérance; aussi depuis ce moment l’évèque ne cessa de demander des Rédemptoristes pour la ville et son diocèse. Deux années après, le P. Grommen retourna à Gand pour évangéliser la paroisse populeuse de Saint-Pierre.Là, il se trouvait au milieu des fabriques; les pauvres ouvriers étaient aux anges en entendant le père parler de machines, de métiers, de tissages, de filatures, comme s’il avait passé sa vie au milieu de leurs travaux. Cette prédication eut un résultat si heureux que le doyen rappela encore 5 fois le P. Grommen pour donner la mission dans son église.
L’année 1854 restera célèbre par la proclamation du dogme de l’Immaculée Conception. Ce fut une année de peines et fatigues pour les missionnaires par suite du jubilé que le grand Pape Pie IX accorda à cette occasion. Mgr. Delbecq appela la Père Grommen à Gand et le fit prècher d’abord à l’église Saint-Jacques au mois d’octobre, puis à Saint-Pierre au mois de novembre, à Saint-Nicolas en décembre, enfin le même mois à la cathédrale de Saint-Bavon devant un auditoire immense et remarquable. Pendant cette dernière mission le Père devait loger au palais de l’évèque. Le Seigneur bénit tous ces travaux par les fruits les plus abondants. C’est alors que le Père Grommen prècha à Saint-Bavon un remarquable sermon dont on parle encore. Il parlait de la maison de Nazareth, de la paix, du bonheur qui régnait dans la Sainte Famille parce que tout le monde y restait à sa place et accomplissait ses devoirs. Il montrait Saint Joseph comme l’exemple des Pères de famille, la Sainte Vierge Marie comme le modèle des Mères, l’Enfant Jésus comme l’idéal des enfants soumis et vertueux. Puis se tournant vers le peuple, il interpella d’abord la femme mariée, disant : “Dites-nous, brave femme, mère de famille, est-ce ainsi que votre mari se conduit à la maison ? Imite-t-il l’exemple de Saint Joseph ?” Là-dessus, il fait parler cette femme du peuple. “O mon Père, mon mari un Saint Joseph ? Il s’en faut de beaucoup, au lieu de travailler et d’avoir soin de sa famille, il dépense son argent au cabaret où il se livre aux excès les plus déplorables. Au lieu d’aimer son épouse, il l’injure, la calomnie, la bat du matin au soir. Au lieu de bien élever ses enfants, il les scandalise, leur apprend le mal par ses paroles et ses exemples. Au lieu de prier, d’accomplir ses devoirs religieux, il ne fait que blasphémer, il ne met plus le pied à l’église, et depuis de longues années il n’a pas accompli le devoir pascal !” Oh ! Oh ! mari ! s’il en est ainsi vous ne ressemblez pas à Saint Joseph et vous ne devez pas vous étonner que la paix et le bonheur ne règnent pas dans votre famille, vous-même, par vos péchés vous attirez les châtiments et les malheurs sur toute votre maison. “Mais à votre tour, comment se conduit votre épouse ? Suit-elle en tout l’exemple de la Sainte Vierge ? “ - “O mon Père, se je ne suis pas un Saint Joseph, ma femme est encore bien moins une Vierge Marie ! Au lieu de bien tenir son logis et de soigner son méange, elle court les rues, va passer son temps à jaser avec les voisins et à médire de tout le monde, au lieu de gagner son mari par la douceur et l’affection, elle l’exicte à la colère par des reproches injustes et des injures sanglants, au lieu d’élever ses enfants dans la crainte de Dieu, elle les maudit, les maltraite sans motif, les laisse courir à l’abondon; au lieu de prier, de fréquenter les sacrements, elle tient des propos orduriers, chante des aires impies et obscènes. – Oh ! Oh ! femme, s’il en est ainsi, non vous ne ressemblez pas à la Sainte Vierge et je ne m’étonne pas que votre maison soit un image de l’enfer, vous-même par vos péchés vous faites descendre les fléaux du ciel sur votre famille. Après les parents venaient le tour des enfants; du jeune homme, de la jeune fille. Le missionnaire découvrait les désordres de la jeunesse d’une manière si frappante que toutl’auditoire en fut dans l’admiration; l’évèque lui-même s’écritait après le sermon : “Le P. Grommen, le plus grand et le plus populaire de nos prédicateurs flamands.”
Deux ans après, il précha dans la belle église de Saint-Michel où il se fit admirer par les familles les plus notables. L’année suivante 1857, la ville deGand célébra le jubilé de Saint Liévin, le grand apôtre des Flamands, il y eut une mission générale dans toutes les églises; nos Pères furent envoyés dans les paroisses de Saint-Michel, Saint-Jacques et Saint-Sauveur. Le Père Grommen demande et obtint pour sa part l’église de Saint-Sauveur, parce qu’il n’y avait encore jamais préché et surtout parce que la paroisse est composée en grande partie de pauvres. Il y fit des merveilles et se vit payer de ses sueurs par des conversions nombreuses et éclatantes. en 1859, il prêcha dans le faubourg du Mont-Saint-amand; la foule était parfois si grande que l’église ne pouvait la contenir, on se vit forcé de prêcher en plein air duhaut de la colline que domine l’église à des milliers de fidèles serrés en masses compactes tout le long de la pente. Gand eut encore une mission générale en1862, à l’occasion du jubilé de Saint Amand, le grand apôtre des Falndres.Le Père Grommen précha à Saint-Pierre, tandis que le célèbre Père Bernard préchait àSaint-Bavon. Cette vaste cathédrale était tellement encombrée par la foule, que l’évèque crut dvoir inviter le missionnaire à ne plus précher en chaire, mais à monter surl’ambon qui sépare le choer du reste de l’église, afin qu’il put de là faire entendre sa voix dans tous les coins de l’église.
Les années suivantes, le Père Grommen précha encore dans l’église des Augustins, puis au faubourg de Saint-Jean-Baptiste où se trouve l’immense fabrique de la Lys qui occupe à elleseule plus de 2000 ouvriers. Cette mission fut des plus fatiguantes. Les Pères donnaient tous les jours deux sermons du soir et passaient au confessional une partie de la nuit; aussi Dieu bénit leurs travaux par de nombreuses conversions.
En 1868, Mgr. Bracq qui avait hérité de l’affection que son illustre prédécesseur portait à notre congrégation, invité nos Pères à donner une mission générale dans toute la ville, à l’occasion du jubilé de Saint Macaire. Le P. Grommen fut envoyé à la nouvelle paroisse qui avait reçu ce saint pour patron. Il y retrouva toute la vigueur de sa jeunesse pour gagner les âmes à Jésus-christ. L’année après il précha encore une mission à Saint-Pierre et finalement il donna un exercice dans cette église en 1877. Ainsi il clotura son apostolat dans la ville de Gand où il ne donna pas moins de 18 missions. – Après Gand vient la ville d’Anvers, il y précha en 1852 à l’église Saint-Jacques avec un tel succès qu’il y dut retourner encore plusieurs fois dans la suite. Il donna des exercices spirituels dans la suite dans les paroisses de Saint-Antoine, Saint-André, de Saint-Georges, de Saint-Charles, de St-Augustin; mais son plus beau triomphe eutlieu dans l’église Notre-Dame. C’était au mois d’Août 1853, on célébrait de 350 ans de N.D. au Poteau.
C’est une vierge miraculeuse à laquelle Anvers doit son origine, son développement rapide, sa prospérité et l’importance qu’elle a acquise sous le triple rapport de la religion, des beaux-arts et du commerce. Aussi toute la population s’était mise enmouvement pour témoigner son amour, sa reconnaissance envers son illustre patrone. La ville entière était en fête, les rues étaient ornées de verdures, de guirlandes, de drapeaux, des oriflammes, partout s’élevaient des arc de triomphe. L’église était ornée avec la dernière magnificence, l’autel et le choer éblouissaient les regards par un nombre incalculable de chandeliers d’argent, de lustres dorés où scintillaient des milliers de lumières; partout dans les nefs se dressaient des lauriers et des étendars d’une richesse incomparable. La Vierge miraculeuse élevée majestueusement au milieu du temple, sous un dais de pourpre, étincelait d’or et de pierreries, l’église entière était une image frappante du Paradis céleste. Les solennités religieuses étaient suivies par une foule immense et chaque soir le Père Grommen voyait plus de 10000 personnes groupées autour de lui. Sa voix retentissaient claire et sonore et ses accents allaient frappés les oreilles les plus éloignés. Ce fut surtout dans le sermon de clôture qu’il déploya toutes les ressources de son talent et de son zèle. Le peuple était accouru en masse pour assister aux derniers Vêpres et de la translation de la Vierge du trône qu’elle occupait à la chapelle qui lui est dédiée. Le Père Grommen assistait à la cérémonie, l’heure du sermon (était venue lisez) n’était pas encore venue, mais à la vue de cette foule énorme il monte en chaire. Entretemps les fidèles avides d’entendre encore la dernière prédication accourent de toutes parts, et bientôt les nefs de l’église, le transept, le choeur avec le pourtour furent tellement encombrés qu’il restait à peine un étroit passage aux prêtres pour monter à l’autel. On estime a plus de 15000 le nombre des fidèles qui remplissaient l’église. A la vue de cet auditoire, le prdicateur s’anime et durant une heure et demie, il parle du ciel avec des accents qui ravissaient tous les coeurs. Les points de comparaison ne lui manquaient pas. Il avait sous les yeux ce temple unique par son étendue, cette église ornée avec tant de goût etde richesse, il en fait une description détaillée avec cet art dont il possédait le secret, puis s'élevant au-dessus de la terre il y compare les beautés ineffables du roi éternel. Il fait accourir les étrangers de tous les pays de l’Europe pour admirer l’église et les trésors qu’elle renferme, il fait parler à chacun la langue de son endroit, lui-même se met à parler français, allemand, italien selon la nationalité des voyageurs qu’il introduit en scène, mais tout cela avec tant d’à propos et de naturel que tous en furent dans l’admiration.? Voyez, disait-il, ces français qui accourent de Paris, de lYon, de Bordeaux pour admirer cette église, à peine entrés il sont frappés de stupeur et s’écrient : Que c’est beau ! Que c’est magnifique ! Oui, sans doute c’est beau, c’est mangifique, mais ce qui est plus beau, plus magnifique encore, c’est le pardis ! Voyez ces allemands qui arrivent des bords du Rhiçn, du fond de l’Autriche et de la Bavière, à peine ont-ils mis le pied dans cette enceinte qu’il leur échappe un cri d’étonnement : Was ist das prächtig ! Was ist das schon ! – Oui, sans doute, c’est beau, c’est magnifique, mais ce qui est encore plus beau, plus magnifique, c’est le paradis ! Voyez cet Anglais, ces riches Milords, venus de Londres, ils ont passés la mer pour voir ce temple avec toutes les merveilles, dans leur admiration ils peuvent à peine proférer une parole. Beautiful ! Beautiful ! Oui sans doute, c’est beau, c’est gfrand, c’est riche, mais ce qui est plus beau encore c’est le paradis.
Après ce jubilé on ne parlait plus que du Père Grommen, on le demandait partout, on voulait l’entendre toujours et quand les Pères Rédemptoristes vinrent s’établir à Anvers, bien des voix s’élevèrent pour demander que le bon père fit partie de la nouvelle fondation. Aussi les supérieurs de cette maison l’invitèrent à précher dans leur église en attendant qu’ils purent le fixer parmi eux dans la grande mission préchée en cette ville en 1861. Le Père Grommen fut chargé de donner les exercices avec un confrère dans l’église de notre couvent.A cete occasion on avait placé de grandes affiches où se trouvait en gros caractères : Tous les sermons seront préchés par les pères Grommen et Gallis.
Seulement la particule et s’y trouait en lettres si petites qu’à peine on pouvait les distinguer, ce qui fait que les anversois par erreur ou par plasanterie, lisaient : Les sermons seront préchés par le crommen Gallis, soit le tordu ! Le bon Père Grommen en riait de bien bon coeur et chaque fois que c’était le tour de son confrère de monter en chaire, il lui disait : “Allez Crommen Gallis, faites vous entendre car tous les sermons seront préchés par le Père Krommen Gallis."
Malines reçut la 1ere mission des Pères Rédemptoristes en 1849, elle fut prêchée par les R. P. Grommen, Jutten et Antoine dans la grande église de N. Dame de la Dyle. Pendant 12 jours le peuple affluait de toutes les paroisses de la ville, à chaque sermon l’église regorgeait de monde, l’amende honrable et la consécration à la Sainte Vierge firent couler bien des larmes, et des conversions nombreuses couronnèrent le travail des missionnaires. Depuis lors le père Grommen retouorna plusieurs fois à Malines, dans la même église, dans la métropole de Saint-Rombaut et à N. D. d’Answyck. en 185&, il précha pour la première fois à Bruges dans l’église de N.D. Son genre particulier plût tellement au peuple qu’on le rappela encore jusqu’à 5 fois dans cette même paroisse.
Ce fut encore en 1851 qu’il précha la mission dans la ville de Saint-Nicolas; là on vit se renouveler toutes les merveilles rapportés dans les vies des saints missionnaires. Toute la ville était ébranlée, les rues mornes et silencieuses, les confessionaux assiégés le jour et la nuit et à la fin des exercices cette localité qui ne manque pas moins de 29000 âmes, avait entièrement changé de face. Il présida les exercices spirituels à Louvain en 1860 dans l’église de Saint-Michel et à Bruxelles en 1862 dans l’église de Saint-Servais lors de la mission générale pour toutes les paroisses de la ville. En 1863, on célébra à Liège un jubilé avec missions dans toutes les églises. A cette occasion on invita le Père Grommen à faire des prédications spéciales pour les flamands éparpillés dans les divers quartiers de la ville. Le succès dépassa toute attente : ces pauvres flamands accouraient de fort loin pour entendre la parole de Dieu dans leur langue maternelle. L’évèque ému de compassion, pour ces pauvres âmes abandonnées, exilées de leur pays par la faim et la misère, invité les Pères Rédemptoristes à établir pour elles une oeuvre particulièe : on en fit l’essai; le Père Grommen revint pour l’entretenir et la fortifier par sa parole persuasive. Depuis lors l’oeuvre des flamans existe et fait un bien incalculable : ces pauvres étrangers ne sont plus abandonnés : ils ont leur église, leurs Pères, ils ont un patronage et de plus un bureau permanent pour régulariser les mariages, assister les indigents et subvenir à tous les besoins du corps et de l’âme.
Ce qu’il avait fait pour les flamands de Liège, il le fit pour ceux de Lille en France, il alla consoler et fortifier ces pauvres ouvriers de fabrique qui loin de leur patrie et de leur famille sont exposés à tant de dangers de perdre la foi et les moeurs.
Le Père Grommen précha en 1862, la grande mission de Lokeren. Mgr Delbecque s’était rendu à Rome pour assister à la canonisation des martyrs du Japon. A son départ, le Souverain pontif l’autorisa à donner la bénédiction papale dans les principales villes de son diocèse. A son arrivée à Lokeren, on lui fit une réception vraiment royale, tous les habitants allèrent à sa rencontre en grande procession, la ville entière était pavoisée de chronogrammes et d’inscriptions en l’honneur (de l’évèque lisez) du Pape et de l’évèque; partout retentissent les cris mille fois répétés de Vive Pie IX, Pape et Roi ! C’était émouvant , le déminanche (sic) après la messe pontificale sa grandeur monta sur une estrade au milieu de la Grand’Place et de là, il bénit, au nom de Pie IX, une foule immense prosternée à ses pmieds. La mission avait servi à préparer le peuple à profiter de cet insigne bienfait; elle eut un succès toutà fait extraordinaire; la paroisse compte 12000 communiants, l’on distribua au-delà de 23000 communions. Le dernier jour durant la matinée 2 professeurs du collège donnèrent la Sainte Communion pendant 4 heures dans discontinuer; à la fin leurs bras étaient comme paralysés; ils avaient distribué d’un trait 8000 Saintes espèces. Aussi l’évèque ne cessa, dans une allocution publique et dans ses entretiens particuliers, de témoigner aux missionnaires sa joie et sa reconnaissance.
En 1866 le Père Grommen assista à la grande mission de Roulers. C’est alors que Dieu se servit de lui pour jeter les premiers fondements de cette nouvelle fondation si importante et appelée à faire tant de bien dans la ville et dans toute la flandre.
Le P. Grommen donna 3 fois la mission à Renaix, 2 fois à Audenarde, à Ninove, à Tongres et à Saint-Trond. Il parut à peu près dans toutes les grandes et petites villes du Limbourg, des deux Flandres, de la province d’Anvers. Enfin, il précha des missions dans 40 villes différentes, dont 30 en Belgique, 7 en Hollande, 3 en France. De sorte qu’il avait raison de dire à la fin de sa vie : “ J’ai beaucoup travaillé pour le Seigneur. J’espère de lui le repos éternel.
XVII. Missions de campagne
Si le R.P. Grommen a été le missionnaire des villes, on doit dire cependant qu’il était avant tout l’apôtre des chaumières, il aimait les villages, là il était chez lui, il respirait à son aise, il causait familièrement avec les campagnards, et tout en s’entretenant avec eux des affaires domestiques, des bestiaux, des travaux des champs, il savait s’insinuer dans leurs coeurs et les gagner à Jésus-Christ. Les années 1846, 1847, 1848 avaient été désastreuses pour les Flandres, une crise linière avait éclaté, l’introduction des machines dans les fabriques avaient mis fin au travail des tisserands, et des fileuses, travail si salutaire parcequ’il se faisait à la maison, au sein de la famille, par là des milliers de villageois perdaient leur ouvrage et se voyaient réduits à la mendicité.Les mauvaises récoltes de ces années fatales produisirent une horrible famine; le pain manquait, les pommes de terre, appelées à juste titre le pain des pauvres faisaient presque totalement défaut, on voyait des familles entières réduits à se nourrir d’orties et à brouter l’herbe des champs. Des troupes nombreuses de ces malheureux, pâles, hâres, exténués de misère venaient se jeter dans les grandes villes, espérant y trouver quelques ressources contre la faim qui les dévorait, plusieurs d’entre eux tombaient d’inanition et expiraient en pleine rue. A toutes ces calamités vint se joindre le typhus épidémique qui promenait ses ravages dans les villes et les campagnes; les morts et les mourants ne pouvaient presque plus se compter. Les prêtres étaient sur pied nuit et jour pour assister les malades; ils succombaient à leur tâche et couronnaient l’héroïsme de leur dévouement par un glorieux martyr : ceux qu’on envoyait pour les remplacer tombaient à leur tour et bientôt l’évèque se vit obligé de faire un appel aux religieux de son diocèse. Ceux-ci se levèrent à sa voix et firent généreusement le sacrifice de leur vie pour voler au secours de leurs pauvres frères. La pauvre Flandre fut horriblement décimée par les fléaux et l’émigration vers des contrées meilleures.
C’est dans ces tristes circonstances que le P. Grommen donna ses premières missions dans les campagnes flamandes. On conçoit avec quelle compassion, quelle tendresse il s’appliqua à consoler ces malheureux, à relever leur courage abattu, à ranimer leur espérance, et surtout à réparer les ravages que la misère avait laissés dans leurs âmes. Il les assistaient non seulement en chaire et au confessional mais plus particulièrement dans les visites aux pauvres malades. C’est là, disait-il, que j’ai vu des choses horibles et que je ne croirais jamai, si je n’en avais été témoin oculaire. Là dans ces cabanes pire que des étables gisait à terre, sur quelques brins de paille ou une poignée de feuilles sèches une pauvre mère à l’agonie, à peine couverte de quelques haillons : les enfants à demi nus se serraient contre elle pour la réchauffer et se réchauffer eux-mêmes. A mon entrée les enfants me demandent du pain et la mère mourante me priait de lui doner un verre d’eau pour étancher sa soif brûlante. Le bon Père avait encore les larmes aux yeux toutes les fois qu’il rappelait ces scènes navrantes. Aussi il disait à ce propos : De tous les fléaux dont dieu se sert pour châtier les hommes, le plus à craindre c’est la famine. David avait mille fois raison d’y préférer la peste; dans les épidémies les peuples se convertissent et se sauvent mais quand ils sont poussés par les tortures de la faim ils se portent à toutes les extémités; ils vendraient leur âme pmour un morceau de pain. Jamais on ne saura lers peines qu’il se donna pour assister les malheureux et subvenir à leurs besoins spirituels et corporels. Aux pauvres, il disait : “Venez, mes enfants, venez à nous, avec une pleine confiance; vous êtes les meilleurs amis du bon Dieu et par conséquent les nôtres; ne craignez rien, venez faire une bonne confession générale; par là vous attirerez sur vous les bénédictions du Seigneur, et vous verrez encore des jours de joie et d’abondance.” Aux riches, aux bourgeois, à tous ceux qui possédaient quelque chose, il préchait la miséricorde et recommandait l’aumône dans des termes brûlants : Malheur à vous si vous fermez votre coeur aux gémissements des pauvres ! Malheur à vous si vous osez dépenser votre bien en futiles plaisirs, tandis que votre prochain se meurt de misère. Dieu fera miséricore à ceux qui auront été miséricordieux pour leurs frères, mais à ceux qui auront abandonné les pauvres dans leur détresse un jugement rigoureux et sans miséricorde leur est réservé. Quelque fois même il alla jusqu’à excuser les larcins et les déprédations que le petit peuple se permettait un pue souvent. Que voulez-vous, disait-il, fau-il donc que ces braves gens meurent de faim, quand ils voient les champs couverts de moissons et les arbres chargés de fruits ? Si les propriétaires n’aiment pas que les pauvres leur enlèvent quelques poignées de pomme de terre, qu’ils les leur donnent charitablement, tout le monde sera satisfait : les pauvres auront à manger et les riches gagneront le Paradis. Si les premières missions éztaient laborieuses et pénibles, elles ne manquaient pas de consolation. L’entrée des Pères dans la paroisse se faisait d’ordinaire avec une grande solennité : à leur approche les cloches sonnaient à toute volée, souvent des tirailleurs cachés dans les broussailles déchargeaient avec fureur des fusils de chasse ou des vieux pistolets. Quelque fois une troupe de campagnards à cheval venaient au devant des missionnaires et formaient autour d’eux une garde d’honneur. A l’entréedu village ils trouvaient le curé en chape, le sacristain en rochet, les enfants de l’école, la croix et les drapeaux. Après un compliment de bienvenue, on s’acheminait en procession à travers une allée de verdure vers l’église. Là le Père Grommen montait en chaire, et par quelques parols trèssenties il remerciait les paroissiens de cette réception princière. Dès le premier sermon il avait gagné son auditoire, les braves villageois quittainet l’église contents et heureux, ils se disaient : voilà vraiment un bon Père, comme il nous parle, il ne nous appelle pas chrétiens, ni pécheurs, il ne dit pas mes frères et mes soeurs, ik nous dit tout bonnement : mes chers amis; et puis comme on le comprend bien, pas un mot ne nous échappe, il peut être sûr que nous ne perdrons aucun de ses sermons. Plus on l’entendait, plus on s’attachait à lui et à la fin de la mission toute la paroisse n’était qu’une seule famille, dont lui-même était le Père. Aussi, quand à la clôture, il faisait des adieuxau peuple, l’église entière éclatait en pleurs, c’étaient des sanglots, des gémissements à étouffer la voix du prédicateur. Au moment du départ, toute la population était sur la rue pour saluer une fois encore leur père bien aimé et recevoir de sa main une dernière bénédiction. Il est arrivé plus d’une fois, comme à la première mission de Bilsen, qu’on arborait des drapeaux noirs en signe de deuil, et qu’on élevait des barricades pour empêcher le départ des missionnaires; le plus souvent les Pères furent reconduits avec le même cérémonial, comme ils avaient été reçus à leur entrée : au son des cloches, au bruit de l’artillerie du village et entourés de la garde d’honneur qui les accompagnaient jusqu’aux limites de la commune. Là se dressait un arc de triomphe, sous lequel les pères s’arrétaient pour entendre un discours pompeur du maître d’école, puis on se quittait et bien souvent pour ne plus se revoir ici-bas.
La paroisse où le Père Grommen a travailé le plus, c’est Beveren dans le pays de Was (sic), il y précha 5 missions et toujours avec le plus grand fruit. Cette commune avait le bonheur de posséder un curé modèle qui se dévoua pendant 48 ans au bien de ses ouailles, sacrifia pour eux sa fortune et sa vie, et mourut au milieu de son peuple dans la 80eme année de son âge. Cet homme était fait pour devenir l’ami intime du P. Grommen; cependant à la 1ere mission ils ne s’entendaient qu’à demi : le bon curé voulait tout diriger par lui-même, il arrangeait les cérémonies à sa guise, contratriait les dispositions prises par les missionnaires et empècha le grand bien que leurs travaux auraient du produire, mais en somme, il était content et quelques années après il le rappela dans sa paroisse; cette fois le Père Grommen avait dressé d’avance ses batteries : dès son arrivée, il dit au curé : Que désirez-vous ? Une mission de première classe ou une de 2eme ou 3eme, car nous pouvons vous donner tout cela ?- Il me faut une belle mission de 1ere classe. – Vous l’aurez, Monsieur le curé, mais à la condition de nous laisser toute liberté d’agir et de ne nous contrarier en rien. Le brave curé se soumit comme un enfant, il ne se montra récalcitrant qu’une seule fois, c’était au diner que les Pères prenaient encore à part, on leur avait servi pour 3eme portion un lièvre des mieuw assaisonné, comme ce n’étaitpas un jour de récréation le plat fut renvoyé sans qu’on y eut touché. Là-dessus, le vieux curé apparait etr d’un air grave il leur dit : C’est moi qui suis le maître du logis, je suis en ce moment votre recteur, votre provincial, et même votre général, au nom de l’obéissance, je vous commande de manger de ce lièvre et d’en manger beaucoup; et pour vous appendre à respecter l'’utorité e vous forcerai, à la clôture, de boire à ma santé un excellent verre de champagne. La mission fut vraiment commen on l’avait promis de toute première classe. Le dernieur jour le curé invita les pères à la table commune dessée dans la grande salle, et à laquelle s’assirent avec le clergé de la paroisse une dizaine de prêtres étrangers qui avaient prêté leur concours pour les confessions. A la fin du diner le curé se lève, porte un toast chaleureux aux missionnaires, et puis prenant sa perruque à la main il la lance avec force au plafond en s’écriant : Vive le Père Grommen ! et vive ses confrères ! Il était là ce bon vieillard avec la tête chauve et lisse comme son dos, toute la société partit d’un éclat de rire, c’était le curé, il en avait bien des motifs, car sa paroisse était transformée à tel point que depuis lors, sur une population de 7000 âmes on y distribua par année près de 100000 communions. C’est ce qui faisait dire à Mgr Delbecque : La paroisse de Beveren est le grand couvent de mon diocèse; -
Il eut le même résultat à Waarschoot, où il prêcha à 3 reprises différentes. Cette commune compte 5300 habitants, dès la première mission on y distribua près de 1000 communions; à partir de cette époque les sacrements furent fréquentés avec tant de zèle que sous ce rapport la paroisse deWaarschoot tenait la 2eme place dans le diocèse de Gand, immédiatement après celle de Beveren. Une particularité dans cette paroisse c’est son église étrange et baroque; autre fois celle avait des proportions régulières, mais comme elle était devenue beaucoup trop petite, le crué la fit agrandir. Il s’adressa à l’architecte le plus renommé de la province, Monsieur Roelandts de Gand. Celui-ci promit de faire quelque chose de rare et comme on ne trouve nulle part au monde; il a tenu sa parole: il commença par construire un choeur de moitié plus élevé que le reste de l’édifice, ce qui fait l’effet d’un énorme chapeau sur la tête d’un tompouce, ensuite il ajouta aux deux côtés de l’église 2 éenormes hangars, comme les grandes stations du chemin de fer; tout cela donne à l’église un aspect bizarre, incompréhensible, elle n’a pas de profondeur, dès qu’on a dépassé le prêche on touche au banc de communion, par contre la largeur est incommensurable, d’un bout à l’autre on a peine à distinguer une personne. La première fois que le PèreGrommen s’y mit à précher il était tourné vers le hangar qu’il avait en face, sa voix se perdait dans le lointain comme s’il parlait dans le tuyeau d’une cheminée de fabrique, il croyait que sa poitrine allait se rompre et malgré tous ses efforts, la moitié de l’auditoire ne l’entendait pas. La fois après il prit aune autre position; il tourna le dos au choeur, la face vers l’entrée, qu’il pouvait presque toucher de sa main, dès lors tout en parlant à son aise il se fit comprendre de toute l’église; -
Zèle, le plus grand village de la Belgique, puisqu’il compte 12000 âmes, reçut la première mission du Père Grommen en 1851. tous les jours, l’église regorgeait de monde; mais à la plantation de la croix la foule était innombrable, les fidèles accourus non seulement de l’endroit mais des villages environnants, remplissaient l’église, le cimetière et les rues adjacentes. Le P. Grommen sut y maintenir bon ordre; la procession s’avandce majestueusement au milieu de cette foule compacte, l’harmonie de la commune jouait ses plus beaux airs, des milliers de voix répondaient à l’unisson à la prière du chapelet, la croix du Divin Rédempteur, couchée sur un lit de parade orné de fleurs et festons était portée en triomphe sur les épaules de jeunes gens. Quand le cortège après avoir fait le tour du village fut retourné au cimetière, le Père monta sur une estrade et de sa voix cet océan de têtes qui s’agitaient devant lui, il fit au peuple une allocution touchante qui arracha des larmes de tous les yeux. Lorsque la croix fut dressée un cri épouvantable s’éleva de la foule : Vive Jésus, vive la croix ! Jamais on n’oubliera dans la paroisse cette solennité si grande et si imposante.
C’est à Zèle que le P. Grommen entendit pour la première fois la langue burgonde. C’est un jargon incompréhensible dont se servent les colporteurs de l’endroit pour s’entretenir des choses qu’ils veulent tenir secrètes. Voici pour spécimen les paroles du signe de la coirx : Au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit. Ainsi soit-il. Grandegen Bol, Kireigen Knul, lichtigen Friamanterik, Plankke Pillen. En sorte qui pourra. Il donna se dernière mission en cette paroisse en 1864.Cette fois il alla visiter un bon vieillard nommé de Block, âgé de 1O2 ans. Ce brave hommen fut au comble de la jooie de serrer la main des missionnaires, il mourut peu de temps après. En1860, il donna une mission importante à Mater près d’Audenarde, cette commune possède près de 3000 habitants. C’est la contrée où l’on cultive le lin avec un soin spécial. Mater est encore renommé pour son excellente bière; le curé en avait quelques vieilles bouteilles dans sa cave, dont il régala les Pères, elle moussait comme du champagne. Le P. Grommen après en avoir gouté dit tout haut : ça, ça, ça quel nectar comme cela fait du bien au coeur. Et cependant dans cette paroisse, bonne d’ailleurs, existait un abus des plus graves : au lieur de cette bonne bière, les villageois ne buvaient que du genièvre, les fermiers, les propriétaires en faisaient des provisions par tonneaux, c’était la boisson ordinairequ’ils donnaient à leurs domestiques et à leurs ouvriers. A la moisson du lin ils leur en faisaient boire une énorme quantité pour les exiter au travail, alors on voyait dans les champs des bandes d’hommes, de femmes et d’enfants pris de boisson jusqu’au vertige. C’étaient des cris, des hurlements, des danses sauvages, enfin une débauche épouvantable, on se serait cur au milieu des cannibales de l’Autralie. Les femmes et les jeunes filles habituées aux liqueurs couraitn les cabarets, durant l’année, et buvaient le genièvre, non plus dans des petits verres, mais dans des coupes qu’elles appelaient un bac. On comprend les misères que devaient résulter de cette coutume déplorable, il s’agissait d’extirper un abus. Le P. Grommen l’attaque avec rigueur dans tous ses sermons, mais particulièrement en parlant de l’ivrognerie et de l’occasion prochaine. Comment, disait-il, vous habitants de Mater, où l’on boit la meilleure bière de Belgique, vous donnez la préférence à une boisson infernale qui tue vos corps et vos âmes, et non contents de vos suicides, vous mêmes vous portez la mort dans le coeur des femmes et des enfants enleur offrant ces liqueurs maudites !! Et chose inouïe, les femmes et les jeunes filles boivent le genièvre dans un bac, Boire le genièvre dans un bac ! Avez-vous donc perdu tout sentiment humain ? Les pourceaux boivent dans un bac et encore si vous y versez du genièvre, ils n’en boivent pas. Il faut que cela finisse. Que les femmes boivent du café et les hommes (café lisez) de la bière, pour le genièvre je ne le permets qu’à la condition qu’ils n’en prennent qu’un verre mais un verre si, si petit qu’en y mettant le pouce il n’en reste plus rien dedans. On ne dit pas s’il a pu mener son monde à ce degré de perfection ùmais ce qui est certain c’est que la mission eut le plus heureux résultat et que cette lamentable coutume fut extirpée pour longtemps.
Souvent le ciel intervenait d’une manière visible en chatiant les pécheurs obstinés. Dans une commune flamande appelée Asper, un ivrogne se moquait des Pères et des sermons,deux jours après la clôture on le trouva mort dans son lit. La même chose arriva à Deynse. Ille comprend deux paroisses qui ont ensemble près de 6000 âmes, le Père Grommen y donna la mission en 1869, à l’occasion du jubilé extraordinaire accordé par sa sainteté Pie IX pour attirer les bénédictions célestes sur le concile du Vatican. Le peuple accourait aux sermons et s’approchait en masse des sacrements, seulement il y avait en ville une société de libres penseurs que avaient (voulu) résolu de s’opposer de tout leur pouvoir à la bonne réussite de la mission. Ils en firent l’ouverture à leur manière par un bal populaire auquel assista fort peu de monde, puis ils se proposaient de cloturer les exercices par une comédie suspecte dans laquelle il jouaient les rôles des hommes : pour celui des femmes, ils avaient demandé des actrices de Gand. Tous les soirs ^pendant les grands sermons ils répétaient leur pièce dans un estminet contigu à la cure d’où on les entendait rire et tapager fort tard dans la nuit. Quelques uns des leurs venaient écouter les Pères à l’église, s’ils ne disaient rien sur leur compte, ceux-ci s’en gardaient bien. Le soir de l’amende honorable on raconte à la société la cérémonie qui venaiet d’avoir lieu, la dessus le principal acteur monte sur une table et parodiant le prédicateur, ils’écrie : Misérables pécheurs, si vous ne faites pénitence, la foudre va vous écraser, la terre va vous engloutir. Il continue sur ce ton au milieu des rires et des applaudissments de toute la clique. Le lendemain en s’éveillant, il ouvre les yeux et ne distingue plus rien, il était frappé de cécité complète. Il reconnait la main de Dieux, demande un père, lui fait sa confession générale, avec promesse de ne plus retrouner dans ce mauvais cercle, mais il ne fut pas fidèle : après plusieurs semaines il retrouva la vue et aussitôt il alla retrouver ses anciens amis et reprit le train d’autrefois. Dieu alors le frappa de paralysie dans tous ses membres et pour comble de malheur il perdit toute sa fortune et se vit réduit à la dernière extrémité. Ses compagnons ne profitèrent pas de ce châtiment exemplaire, dès qu’ils apprirent qu’il ne pourrait jouer son rôle dans la comédie, ils expédièrent un exprès à Gand our demander un acteur qui put le remplacer. La comédie eut lieu, on eut même le front d’y inviter les missionnaires. A la clôture l’église était comble, tandis que la salle de théâtre se trouvait à peu près vide. Quinze jours après la mission le chef de la société perd sa femme qui meurt sans sacrements. Quelques semaines après lui-même tombe mort dans les rues de Bruxelles.On choisit un nouveau président à sa place, celui-ci perd la raison et doit être colloqué dans une maison de santé. Avant la fin de l’année 5 autres membres de la société trouvent la mort dans les circonstances les plus effrayantes. La salle de spectacle futvendue et changée en magasin, et ainsi finit la comédie.
Trois mois avant sa mort, le P. Grommen précha la mission à Beyghem, village du Brabant,comptant 600 habitants. Là, il retrouva son ardeur juvénile. Il précha tous les jours 2 fois et voulut à lui seul confesser tous les malades, quoique plusieurs d’entre eux se trouvaient à une distance notable de la cure, encore plus, comme le curé était impotent il alla le lendemain à jeun porter la sainte communion aux infirmes; n’étant plus au courant de ces cérémonies, il se crut obligé de réciter partout les longues prières prescrites pour l’administration du Saint Viatique, de sorte que toute la matinée y passa et qu’il fut près de midi, quand il put prendre son café.
Enfin il donna sa dernière mission à Spalbeek, petite commune du Limbourg. Les bons habitants étaient heureux de voir ce Père qui les avait évangélisé plus d’une fois; de son côté, il n’épargna ni peines, ni fatigues pour leur assurer le paradis. Il leut fit ses adieux le 5 mai 1882, dans l’attente de les revoir sous pmeu, puisqu’il était marqué pour une autre mission dans le voisinage. Dieu en avait décidé autrement, le Père Grommen était au bout de sa tâche, dix jours après il allait au ciel jouir d’un repos bien mérité par 40 années de travaux apostoliques.
XVIII. Faits Divers
Le Père Grommen n’aimait pas à parler des choses qui lui étaient trop personnelles, il tenait caché les grâces extraordinaires dont le ciel favorisait son ministère, et les conversions plus ou moins éclatantes opérées dans ses missions, mais il racontait volontiers ses petits aventures et les faits dont il avait été témoin pendant ses longues absences. Durant ses années de voyage et ede séjour dans tant de localités différentes il a du voir et entendre bien des choses. En voici quelques unes des plus importantes.
Le 26 Mai 1860 il donna la mission de 15 jours à la paroisse de Lebbeke, près de (Gand) Termonde. On y célébrait le jublié d’un triplemiracle obetnu plusieurs siècles auparavant par l’intervention de la T. Ste Vierge. En ce temps-là Lebbeke n’étaitqu’unhameau dépendant de Termonde, les habitants de l’endroit devaient faire un long trajet par des chemins détestables pour assister au service divin et remplir leurs devoirs religieux. Pour obrier (?) à cet inconvénient les principaux fermiers résolurent de tenter un effort pour obetnir une église et un prêtre. L’entreprise était évidemment au-dessus de leurs forces, mais ils eurent recours à Marie et firent le voeu si elle les exauçait, de lui consacrer la nouvelle église. Alors plein de confiance ils s’adressent à une femme du voisinage et la prient de leur céder une pièce de terre admirablement située pour la nouvelle construction. La propriétaire promit de donner gratuitement tout le terrain nécessaire mais à une condition, elle venait d'y semer du lin, il fallait attendre jusqu’à la récolte. C’était un fâcheux contretemps; les pieux fermiers implorent la Sainte Vierge et à leur gran étonnement ils voient le lendemain le lin parvenu à maturité, une seule nuit avait fait l’ouvrage de plusierus mois. Encouragé par ce miracle, ils décident de commencer la bâtisse sans tarder mais il leur manque un architecte pour tracer le plan de l’église, ils invoquent encore la Sainte Patronne et le jour suivant ils trouvent sur le terrain concédé, le plan touttracé au moyen d’un ruban rouge attaché à des piquets et qui leur indiquait les proportions du nouveau sanctuaire. Aussitôt ils mettent la main à l’oeuvre, un des fermiers qui avaient trouvé dans son champ de belles pierres blanches, les offrit our les fondements du bâtiment. Dès qu’on se mit à extraire la pierre on se trouva devant une carrière immense plus que suffisante pour la construction entière. A cette vue le fermier est tenté d’avarice, il veut être payé, mais au même moment les pierres disparaissent, plus moyen d’en trouver une seule. Touché de repentir, il demande pardon à la bonne Mère, renouvelle la concession qu’il a faite et les pierres reparaissent et avec elles la confiance et le courage des pieux fidèles. L’église fut achevée en peu de temps et dvint le centre d’une paroisse florissante. L’nesemble de ces merveilles étaient admirablement représenté par un cortège d’enfants dans le cortège jubilaire. Là, on voyait les anciens fermiers portant sur leurs épaules un reste notable du lin miraculeux conservé jusqu’à nos jours, puis un groupe de jeunes vierges tenant le codon rouge qui dessinait le plan de l’église puis encore de petits ouvriers tenant de gros blocs de pierre pour la bâtisse. Le Père Grommen, poussée par sa dévotion, se permit un pieux larcin, il s’approcha doucement du cortège, emporta une poignée de lin miraculeux qu’il conserva pieusement comme une relique. Tous les jours il arrivait des processions des paroisses environnantes pour honorer la Vierge Marie; une des plus belles fut celle du collège de Termonde. Les étudiants avaitn approté avec eux le corps du Saint Martyr Asellicus, enfant de 7 ans, découvert depuis peu dans les catacombes romaines. On voyait ce saint petit corps couché sur un lit de parade, revêtu d’une tunique bleue sur une robe blanche, sa tête penchée sur l’épaule montrait la plaie saignante qui lui occasionna sa mort. La vue de ce saint enfant impressionna tout le monde, mais surtout le Père Grommen. Il vint trouver ses confrères pour leur dire : il faut à tout prix que ce petit saint reste exposé dans l’église jusqu’à la fin de la mission. Fort bioen lui répondit-on, mais allez dire cela au supérieur du collège, il vous rira au nez. Hé bien, reprit le Père, je vais demander à la Sainte Vierge qu’elle fasse tomber une telle averse qu’il n’y ait pas moyen de l’emporter (le corps du Saint). Il le fait et voilà que la pluie tombe en telle abondance que le Saint dut rester parmi nous. Il opéra des conversions nombreuses. Dans tous ses sermons, dans ses exhorations, au confessional le P. Grommen ne cessa de parler du petit Asellicus. Que de fois il s’écria : Voyez pécheurs. Voyez ce saint enfant qui donne son sang et sa vie plutôt que d’offenser le Seigneur, et vous, malheureux, vous ne craignez pas d’outrager votre Dieu et de perdre votre âme pour un vil plaisir, une satifaction d’un instant. Ce petit chrétien meurt à l’âge de 7 ans pour l’amour de J.C. et vous parvenus à l’âge de 30, 40 50 ans, vous n’avez pas encore commencé à aimer un Dieu qui s’est immolé pour votre amour. Ces paroles attendrissaient les coeurs les plus endurcis. Tous les jours du matin au soir le corps du Saint Martyr était entouré d’une troupe de fidèles qui répandaient devant lui leurs prières et leurs larmes, et l’intercession du Saint obtint pour la mission des grâces abondantes. La même année le P. Grommen donna une mission à Bottelaer dans le diocèse de Gand. On y célébrait un grand jubilé enl’honneur de Sainte Anne dont l’image miraculeuse attire en cette paroisse un grand concours de fidèles. Dès les permiers jours de la mission un des Pères tomba gravement malade, on dut lui administrer les derniers sacrements et l’on crut sérieusement qu’il allait mourir. Le P. Grommen plein de confiance en Sainte Anne, prend la résolution de recourir à elle avec tout ler peuple, pour obtenir la guérison deson confrère. Cette bonne mère disait-il opère des merveilles pour les simples fidèles, elle fera bien quelque chose pour les missionnaires. Le soir avant le grnd sermon, il prie avec toute l’asemblée pour le Père malade, après le service il trouve l’était du mùalade notablement amélioré. Le lendemain celui-ci peut se lever, dire la Sainte Messe, reprendre ses travaux, la guérison était complète. Cet événement remarquable fit une grande impression sur le peuple, la confiance en Sainte Anne n’en fit que grandir et la mission produisit un bien immense.
Ce fut encore en 186à que le P. Grommen précha se deuxième mission dans l’église primaire de Renaix, à l’occasion du jubilé de St Hermès, patron de la ville. Sept Pères Rédemptoristes y étaient réunis pour donnes les exercices dans les deux églises. Ils étaient logés tousensemble à l’hôpital chez les soeurs de la Charité. Le samedi soir immédiatement avant l’ouverture du jubilé, le clergé de la ville vint en procession à l’hôpital pour y prendre les Pères et les conduire à l’église. Devant eux on portait la Chasse de Saint Hermès, précédée elle-même d’un original habillé de jaune et de vert comme une perruche et tenant en chaque main une énorme sonnette qu’il faisait sonner en cadence. Le peuple s’agenouillait pieusement sur le passage des saintes reliques, mais à la vue de ce grand perroquet agitant ses sonnettes on éclatait de rire et on se coudoyait en murmurant : le fittel marol, le fittel marol ! Le lendemain Dimanche 29 du mois d’Août la première messe fut célébrée à 4 heures du matin puis on mit la chasse du Saint dans une voiture à deux chevaux, 2 prêtres en rochet se placèrent à côté des reliques, des milliers de pélerins précédaient ou suivaient les Saintes reliques et ainsi on porta le corps de Saint Hermès dans les paroisses d’alentour, à chaque église qu’ils rencontraient la châsse était déposée pour quelques instants afin de la faire vénérer par les habitants de l’endroit, entretemps les pélerins allaient se rafraîchir à l’auberge, sur la route se trouvait un passage étroit entre deux montagnes; c’est là que suivant une tradition fort ancienne la châsse fut attaquée par des voleurs qui voulaient s’en emparer, mais ils furent repoussés par les fidèles. Arrivés à ce passage dangereux les chevaux furent lancés au galop, tous les pélerins se mirent à courir en poussant de hauts cris, en agitant leurs parapluies et leurs cannes jusq’à ce qu’on fut à l’abri du danger. Cette singulière procession rentra en ville vers 5 heures de relevée (sic) par une pluie battante, elle n’avait pas duré moins de 12 heures. D’après le programme des fêtes un magnifique cortège devait aller à sa rencontre, mais la pluie y mit obstacle. Le PèreGrommen en bénit le Seigneur, car, disait-il, snas cette pluie providentielle je n’aurais pas eu de mlonde au grand sermon. Le cortège eut lieu le mercredi suivant. On y vit Saint Hermès dans les 3 principales circonstances de sa vie : avant sa conversion; dans son mamrtyr et dans sa gloire céleste. Dans chacune de ces circonstances le démon était à ses côtés dans un état différent. D’abord pendant que Saint Hermès était encore paien, commandant des troups Romaines, le diable rodait à ses côtés en liberté. On voyait en effet un petit lutin tout noir armé d’un croc enfer, courir çà-et-là, tourmenter, non seulement Saint Hermès mais encore tout ce qu’il rencontrait. Aussi la foule s’écrtait prudemment à son approche. Le Père Grommen se tenait sur le passage du cortège, le diable fit mine de l’attaquer mais l’autre lui lance un regard foudroyant. A cette vue le démon s’éloigne et va se jeter sur un groupe de gamins qui le chassent à coup de pieds. Dans la 2me partie, on voyait Saint Hermès torturé par les bourreaux; le démon vaincu et enchaîné était trainé à la suite du Saint. Enfin Saint Hermès se montre triomphant dans la gloire, il était à cheval, tenant sa palme du martyre; autour de lui marchait une troupe brillante d’anges et de saints, le démon attaché à la queue du cheval et mordait sa propre queue de rage et de désespoir. Mgr Delbecque qui avait présidé cette procession se montra assez mécontent de ce qu'’n avait permis au diable d'y jouer un rôle important, mais le pieux prélat se rendit aux bonnes raisons qu’on lui allégua, savoir que Saint Hermès est le patron spécial contre les attaques de l’enfer et qu’on l’invoque avec succès dans les cas de folie et de possession du démon. Aussi tous les jours on voyait de nombreuses processions venus d’alentour pour implorer la protection du Saint; les fidèles se groupaient autour du transept; le sacristain leur jetait une cinquantaine de vieilles étoles cousues les unes aux autres; chacun tachait d’en saisir un bout qu’il plaçait sur sa tête, puis un prêtre prononçait une formule d’exorcisme pour les garantir contre les insultes de l’enfer. L’évèque de Gand fit en ces jours l’ouverture de la chasse avec grande solennité pour y examiner l’état des précieuses reliques qu’elle contenait, il prit les ossements du Saint et les déposa provisoirement dans une caisse en verre où chacun put les voir et les vénérer. Le P. Grommen conçut l’idée de s’en appropier une grose parcelle. Cela me viendra à point disait-il pour chasser le démon, surtout au confesional quand il veut empêcher mes pénitents d’avouer sincèrement leurs péchés.Mon on fit si bonne garde autour du saint corps que le pieux larron ne put exécuter son projet. Malgré toutes ces fêtes qui devaient distraire le peuple, la mission eut un très heureux succès; on disribua au-delà de 7000 communions, tandis que la paroisse ne comptait que 5400 communiants. Il s’opéra un grand nombre de (communions lisez) conversions remarquables, entre autres, celle d'un notable de la ville qui ne s’était plus confessé depuis de longues années et passait pour un libre-penseur, il se convertit sincèrement, s’approcha des sacrements avec les signes d’une piétéprofonde, et peu de jours après on le trouva mort dans son appartement.
Au temps pascal de 1865 la ville d’Ostende reçut une mission des plus importantes. Mgr (espace blanc) évèque de Bruges, l’ouvrit en personne par un sermon populaire et pathétique; 5 Pères Rédemptoristes préchaient à la grande église de Saint-Pierre et à l’ancienne église des Capucins tandis que 2 Pères Franciscains donnaient les exercices à la nouvelle paroisse de Hazengracht. La mission dura 3 semaines. Ostende fut remué de fond en comble, toute la population remplissait les églises, les confessionaux étaient assiégés non seulement par les citoyens de la ville, mais encore par les employés de la douane, les soldats de la garnison, les officiers, les commandants du fort, tous à quelques exceptions près, s’approchèrent des sacrements. Impossible decompter les conversions, les retours à Dieu et à la foi. Mgr L’évèque qu’on avait tenu au courant de ces succès accourut de nouveau pour être témoin de ce qu’il appelait un miracle de la grâce, un prodige de la miséricorde divine. Depuis lors nos Pères retournèrent chaque année à Ostende préparer le peuple au devoir Pascal. Le P.Grommen y vint la 1re fois en 1868, il précha avec tout son zèle apostolique surtout le lundi de Pâques où il vit entouré d’un auditoire composé presque de marins et de pêcheurs exclusievement. Il leur parla de la barque de Pierre, de la pêche miraculeuse, des dangers que courent le marin au milieu des tempêtes, exposé à mourir sans le secours des sacrements, sans l’assictance et par conséquent combien il serait insensé celui qui se mettrait à la mer sans avoir réglé les affaires de sa conscience. Après le sermon pêcheur et marin tombèrent sur les confessionaux comme une averse, et cette a nnée on n’en connut aucun qui ne s’approcha des sacrements avant de reprendre son voyage. Pendant son séjour à Ostende, le P. Grommen aimait à se promener au bord de la mer et à contempler a son aise ce spectacle ravissant qui donne une idée de la grandeur de Dieu. Il était là sur la plage, debout et immobile mesurant du regard cette étendue immense, cette nappe d’eau, qui se confond dans le lointain, avec la voûte du ciel, il écoutait en silence la voix des grandes eaux, ce mugisement sonore semblable au rouelement du tonnerre, il contemplait avec admiration le mouvement des vagues qui s’entrechoquaien, se poussaient vers le rivage comme des enfants folâtres et ces flots emportés arrosant la berge de leur écume. A la vue de ces merveilles, il s’écriait comme hors de lu-même : Benedicite Maria et flumina Domino, benedicte cete (sic) et omnia quae morentur in aquis Domino ! Ensuite examinant en détail tout ce qui s’offrait à ses regards, il demandait l’explication des nombreux mystères qu’il voyait devant lui. Comment ces barques légères se balanssent-elles sur l’eau sans se renverser ? Comment les gouverner en tous sens tandis que le vent qui enfle leurs voiles ne peut les pousser ? Que vers un côté unique ? Coment ces vagues capables d’emporter des maisonset des tours se retirent-elles devant les sables des dunes ? Voyez avec quelle fureur les flots se jettent vers la rive, et à peine ont-elles léché cette poussière qu’elles s’enfuient épouvantées. Et puis pourquoi la mer monte—t-elle toujours à des heures réglées ? Comme une horloge ? Pourquoi quand elle se retire peut-on marcher sur le sable comme sur les dalles d’une église ? On eut beau lui expliquer tout cela par les lois de la nature, les règles de la physique, il en riait de tout son coeur : c’est bien, disait-il, travaillez, tenez, fatiguez-vous à découvrir quelques mauvaises raisons, moi j’ai l’explication toute faite. Digitus Dei est hic.
Le 5 janvier 1877, le P. Grommen vint prêcher une mission à Herderen, où il avait autrefois exercé le Saint Ministère comme curé de la paroisse, il n’avait plus revu la commune depuis 33 ans. A peine arrivé il jette autour de lui un regard de surprise, où suis-je, dans quel monde inconnu m’a-t-on conduit ? Ca, ça, ça comme tout a changé. Je ne me retrouve plus; nouvelle église, nouveau presbytère, nouvelle route, nouvelles maisons, nouveaux habitants, tout est métamorphosé. En passant par les rues, il se voit accosté par les hommes d’un âge mûr : Bon jour (sic) Mr le Curé, qui donc êtes-vous ? Coment vous ne me reconnaissez plus, j’étais votre servan de messe. Et moi j’ai fait ma permière Commnunion auprès de vous. Et moi, vous m’avez tant de fois pincé l’oreille au catéchisme. Impossible à l’ancien curé de reconnaître ces enfants aux cheveux gris. Le pasteur de l’endroit invita pour un moment le P. Grommen à reprendre ses anciennes fonctions et en particulier à chanter le dimanche la messe paroissiale, ce que le bon Père accepta avec plaisir. Le moment venu, il fit entendre sa meilleure voix, il entreméla son chant de mélodies et de fioritures à ravir tout l’assistance. Au sortir de l’église les vieillards répétaient à leurs enfants : que dites vous de notre ancien curé ? Il prèche comme un avocat et chante comme un rossignol, c'est dommage qu’il nous ait quitté, c’était un si brave homme.
L’année 1879 vers la fin du mois de Mai, le P. Grommen fut envoyé à Russon pour y prècher le Jubilé. Russon est célèbre dans toute la contrée par le martyr de Saint Evermare qui fut mis à mort avec ses huit compagnons par un chef de brigands appelé Hacco. Russon, en flamand Rutten, est un beau village situé près de Tongres, il compte environ 1000 habitants; on y voit le beau château de Hamal, habité par le Comte de Grünne. Au temps d’Hacco, Russon n’était encore qu’une immense forêt infestée de voleurs qui massacraient impitoyablement les passants surtout quand ils étaient chrétiens. Il arriva donc qu’une troupe de pieux pélerins ayant à leur tête Saint Evermare eurent à passer par ce pays pour se rendre à Maestricht où ils allaient vénérer le tombeau de Saint Servais. La nuit les surprit au milieu du bois; à la lueur d’unelumière lointaine ils découvrirent une habitation spacieuse où ils allèrent demander un abri. C’était la demeure du terrible Hacco, heureusement absent pourla minute, sa femme, une personne douce et compatissante reçut les pélerins, les réconforta et les cacha dans un appartement écarté. De bon matin, elle les engagea à s’éloigner au plus vite pour échapper aux mains de son mari qui certainement ne leur ferait point de miséricorde. Quelques instants après leur départ, Hacco rentra d’une expédition nocturne. Ayant appris le passage des pélerins et le but de leur voyage, il entra en fureur, rassembla sa troupe d’assassins et se met à la poursuite des étrangers. Bientôt ils sont atteints, saisis, mis à mort en haine de la religion chrétienne. Sur la place arrosée de leur sang, s’élève aujourd’hui une magnifique chapelle dédiée à Saint Evermare et ses compagnons, elle est entourée d’un beau verger isolé de toute part par un large chemin qui sert aux fidèles à faire en procession le tour de la chapelle pour honorer les reliques des saints martyrs. Chaque année ce glorieux martyr est représenté de la manière la plus drmatique. Le premier Mai immédiatement après la Grand’Messe des milliers de curieux accourus de toutes parts livrent passage à Saint Evermare et à ses compagnons représenté par un vieillard de plus de 90 ans etg par d’autres personnes de sa famille; tous portant le bourdon et la pélerine vont se placer à l’église devant le banc de communion, et vers la fin de la messe, ils s’approchent de la Sainte Table pour se préparer à répandre dignement leur sang pour Jésus-Christ. entre temps se tiennent devant l’église le farouche Hacco avec ses 80 associés Haccoorts, ils sont à cheval revêtus d’un magnifique uniforme, patalon blanc, tunique rouge, chapeau à plumes, armés d’un grand sabre et d’une paire de pistolets. Après la procession qui est fort brillante les 9 pélerins se rendent à la chapelle de Saint Evermare et s’y tiennent en prière. Les Haccoorts se lancent au galop et font 3 fois le tour du verger renversant et culbutant tout ce qu’ils rencontrent sur leur passage sans qu’on ait jamais à déplorer le moindre malheur. A la fin de cette course furibonde ils entrent dans le verger, quelques uns d’entre eux vont dans la chapelle, garottent les pélerins et les entraînent sur la place, toute la troupe se range en cercle autour des prisonniers. Alors le chef Hacco prend la parole et s’adressant au pauvre viellard, il lui dit : “Chien de chrétien, d’où vous vient cette audace de paser par mon teritoire sans me payer les droits qui me reviennent?” Le vieillard répond : “Noble Seigneur, daignez écouter mes humbles excuses, nous sommes de pauvres étrangers ignorant les usages du pays, nous n’avons ni or, ni argent à vous offrir, mais dès que nous serons arrivés au but de notre pélérinage, nous prierons pour vous sur le tombeau du grand Saint Servais.” Sur cela, Hacco répondit en ricanant : “Oh, vous êtes des dévots, vous allez en pélérinage, vous me menacez de vos prières, c’est plus qu’il ne faut pour attirer mon courroux, vous avez mérité la port, vous allez périr.” Le bon vieillard se jette à genoux et levant ses mains suppliantes : “Seigneur, dit-il, je ne refuse pas de mourir, seulement je vous demande quelques instants pour offrir à Dieu une dernière prière.”
“Faites, répond le chef, mais dépéchez-vous.” Alors les pélerins à genoux font ensemble une pirère si touchate que la foule en a les larmes aux yeux. Ils sont terrompus par le faourche Hacco qui leur crie d’une voixde tonnerre, là-dessus il tire le pistolet de sa ceinture, le décharge sur le lieillard qui tombe inanimé. Les autres assassins mettent le sabre au clair, se jettent sur les compagnons d’Evermare et en font une boucherie sanglante; le plus jeune des pélerins parvient à s’échapper et fendant la presse, il s’éloigne au pas de course par les vergers voisins. Toute la troupe se lance à sa poursuite, les chevaux galopent dans toutes les directions; cette course au clocher dure une heure entière; enfin une décharge de pistolet annonce qu’on a atteint le fuyard et que la dernière victime est tombée sous les coups de bourreaux. Alors la foule se débande, les morts ressuscitent et chacun regagne sa demeure. Ces scènes pieuses qui se renouvellent tous les ans ne servent pas peu à conserver ce bon peuple dans la foi et l’attachement à la Ste Eglise. Aussi la mission y porta les meilleurs fruits : sur 670 communiantsnous eumes plus de 1200 communions. La plantation de la Croix se fit avec une splendeur inusitée; sur l’invitation du P. Grommen tous les Haccourts y assistèrent en gde tenue. Douze d’entre eux portaient la Croix sur leurs épaules, pendant que les autres formaient une garde d’honneur autour du divin Crucifié. Ainsi on voyait les loups changés en brebis, et les persécuteurs d’autrefois devenusles défenseurs ardents de la St-Eglise.
XIX. Sainte Famille
Au printemps de l’année 1850, Mgr Van Bommel était venu à St-Trond pour administrer la confiramtion aux enfants. Sa grandeur voulut profiter de cette circonstance pr établir en cette ville l’association de la Ste Famille ds l’église et sous la direction des Pères Rédemp. Le (espace libre) Janson, recteur du couvent, annonce du haut de la chaire, le désir de l’évèque; en même temps il explique au peuple le but et les avantages de cette nouvelle association. Aussitôt les inscriptions commnencèrent, et l’année suivante sous la présidence de Mgr Van Bommel, 542 membres firent leur consécration solennelle et furent admis comme les 1er membres de la Ste Famille à St-Trond. Le R. P. Aug. Hendrik dirigea la congrégation jusqu’au 23 février 1853. A cette époque il fut nommé ministre au couvent de la Madeleine à Bruxelles et le P. Grom le remplaça comme Recteur de la Ste Famille.
En vrai famille de St Alph. le P. Grommen embrassa sa nouvelle charge avec bonheur parce qu’elle lui donnait l’occasion de se dévouer aux pauvres, aux petits et surtout à cette classe d’artisans que notre St Fondateur aimait à évangéliser dans les rues de Naples. Il employait tous ses moments libres à préparer les instructions pour les associés, il y mettait tout son esprit, tousses talents, toute son originalité, ces mêmes instructions lui fournirent plus tard se plus beaux sermons pour les missions et les retraites. Il prit pmour sujetr ordinaire de ses conférences l’histoire de l’Evangile, il expliquait les paraboles, les miracles, les faits historiques à peu près de la manière suivante. Après
la lecture du passage qu’il allait traiter, il en donnait d’abord l’explication littérale, puis l’application morale pr tous les fidèles. Après quoi il expliquait le passage de l’Evangile aux membres de la Ste Famille en particulier, à leur état, à leurs besoins, à leurs défauts, à leurs préfugés, le tout avec tant d’à propos, tant de verve, d’une façon si spirituelle, si ingénieuse, qu’on aurait cru l’Evangile écrit tout exprès pr les confrères de l’Association. Aussi il arriva plus d’une fois que l’adminration et l’enthousiasme de l’auditoire éclataient en transports que la sainteté des lieux pouvait à peine contenir. Les pieuses assemblées du lundi étaient de véritables fêtes pour tous les confrères, on quittait tout pr y assister et ceux qui étaient appelés par leur travail ds des paroisses éloignées faisaient gaiement le trajet de plusieurs lieues pour ne pas manquer la conférence. Ils disaient ds leur naïveté : Si ns devions ns procurer un Directeur en le payant de notre poche, ns ne saurions en trouver un meilleur.
Voici un résumé de quelques unes de cess instructions dont on parle encore. Il venait de raconter d’après l’Evangile l’histoire de Zachée montant sur un sycomore pr voir passer le Seigneur : il était petit de taille et encore plus petit de moeurs et de vertus, cependant il avait encore au fond du coeur le désir de voir Jésus-Christ. C’est en récompense de ce désir que le Divin Sauveur l’appelle : “Zachée, descende au plus vite, car je veux passer cette journée avec vous, ds votre demeure.” Zachée, au comble de la joie, se jette au bas de l’arbre, précède le Seigneur, lui prépare un festin, le sert debout, s’épuise à lui témoigner son respect et son amour. Enfin, subjugué par la grâce, il confesse ses péchés, il répare ses torts et dès ce jour il devient un vrai fils d’Abraham, un vrai disciple de Jésus-Christ. Puis faisant l’application
de l’Evangile aux membres de l’Association, il leur disait : Mes chers amis, combien d’entre vous étaient également perchés sur le figuier de leurs mauvaises habitudes, de leurs passions, mais il avaient toujours le bon désir de voir J. C. Ce bon Sauveur les a appelés, descendez au plus vite, car je veux vous recevoir ds ma maison, au sein de ma famille, ils ont prêté l’oreille à la voix du Seigneur, ils se sont convertis sincèrement, et aujourd’hui ils sont les vrais fils d’Abraham, les vrais disciples de J. C. –
Cependant il n’y aurait-il plus personne parmi nous qui demeure encore sur le figuier ? Regardez bien ? En effet, je vois sur cette branche un malheureux blasphèmateur. En ce moment le bon Père fait un geste énergique, comme s’il secouait l’arbre des deux mains puis il s’écrie : Festinans descende, descendez au plus vite, convertissez-vous, assez de vous révolter contre Dieu en maudissant son nom adorable. Y a-t-il encore quelqu’un ? Oui, je vois sur cette autre branche un misérable impudique qui depuis de longues années se ressasie des fruits amers de ses sales passions. Festinans descende, descendez au plus vite, confessez-vous, fuyez l’occasion du péché afin de devenir à votre tour un vrai disciple de J. C. En voyez-vous encore ? Il parait que non. Mais si,je découvre quelqu’un qui se cache dans les feuilles, le voyez-vous là-bas au sommet de l’arbre ? C’est un vieil ivrogne, esclave du geniève, adonné depuis longtemps aux plus déplorables excès. Là-dessus il secoue l’arbre de toutes ses forces et à plusieurs reprises en s’écriant : Festinans descende, descendez au plus vite ! Allons, allons, plus d’hésitation, plus de délai, descendez sans retard, car c’est peut-être la dernière fois que Dieu vs appelle, si vous n’écoutez sa voix, il vous chassera de sa Ste Famille. Il vous abandonnera à votre sort réprouvé, et plus tard, enseveli ds les flammes vous crierez en vain pr obtenir une goutte d’eau pour étancher votre soif brûlante.
Une autre fois, il parlait des afaires de Rome; c’était après la bataille de Castelfidardo, une notable partie des Etats de l’Eglise venait de tomber au pouvoir de ses ennemis. Le P. Grommen tout en déplorant ces malheurs, en indiqua la cause, à savoir : les péchés des chrétiens. A ce propos, il fit cette demande : cet état de choses va-t-il durer longtemps ? Dieu permettra-t-il aux ennemis de l’Eglise d’opprimer plus longtemps le Pape et la Religion ? Vraiement je n’en sais rien, le Seigneur ne m’a pas appelé à son conseil pour discuter ses plans et ses projets. Mais j vs dirai simplement ce que j’en pense. Oui, je crois que la persécution sera de longue durée et que nous n’en verrons pas la fin de si tôt; voici pourquoi : Supposez un jeune homme de bonne famille, ses parents l’ont élevé avec tout le soin désirable, ils lui ont prodigué tous les sacrifices, et ce fils dénaturé, au lieu de témoigner quelque reconnaissance déchrie le coeur de ses parents par une conduite ignoble, il se révolte contre eux, il quitte sa famille pour s’engager ds l’armée, préférant la caserne au toit paternel. Au bout de q.q. semaines il s’aperçoit que la discipline militaire est moins douce que dcelle de la famille, au lieu de la correction si charitable de son père ou de sa mère, il entend la voix dure de ses supérieurs qui l’envoien méditer au cachot et au corps de garde, il reconnait sa folie, déplore son égarement. Il écrit à ses parents une lettre pleine de lamentation, il les conjure de venir à son secours, de luit achter un remplaçant et il leur fait les plus belles promesses pour l’avenir. On lui donne un remplaçant et le voilà de retour au logis. Durant 15 jours il es tfidèle à ses promesses, puis il reprend son train d’autre fois et se livre de nouveau à ses anciens désordres. A la 1re observation de son père il abandonne encore la maison et prend un nouvel engagement ds la troupe. Bientôt arrive une seconde lettre plus touchante que la première, il se jette aux pieds de ses tendres parents, il pleure, il soupire, il les conjure par tout ce qui leur est cher de compâtir à ses malheurs et de le racheter encore une fois du service. Mais le père répond : Mon cher fils, vs nous avez trompé une fois, c’est assez, maintenant vs ns ferez la plaisir d’achever votre temps et de faire votre service jusqu’au bout. – Plus tard, qd le jeune homme rentra dans sa famille, le père lui demanda : “Dites-moi, mon fils, allez-vous bientôt vous engager une troisième fois ? Ne craignez rien, mon père, cette leçon me profitera pour le reste de ma vie. Voilà l’histoire de ces braves Italiens, soumis au sceptre royal du Souverain Pontif : le Pape régnait aussi avec bonté, la tendresse d’un Père, ils étaient le peuple le plus heureux du monde, payaient le moins d’impôts, jouissaient de la plus gde somme de liberté, profitaient du séjour de tant de milliers de chrétiens qui venaient de tous points honorer le père commun des fidèles. Et, non contents de tous ces avantages,ils se sont révoltés conte le plus doux des monarques, ils ont chassé Pie IX, ils l’ont forcé de fuir, de chercher un refuge à Gaëte et puis ils ont mis à sa place des maîtres durs et impitoyables qui les traitèrent en esclaves. Alors, ils ont reconnu leur folie, ils ont regretté leur faute, ils ont crié vers Dieu, et le Seigneur les a secourus. Il leur a rendu Pie IX qui est revenu à son peuple pour réparer les malheurs et faire régner avec lui la paix et l’abondance. Et voilà que ces misérables recommencent leur révolte, ils veulent de nouveau secouer le joug paternel du Souverain Pontif et tendre leurs mains aux chaînes des bourreaux, des persécuteurs de l’Eglise. En vérité, ils méritent bien de goûter quelque temps les fruits amers qu’ils ont semés, et de subir le triste sort qu’ils se sont attirés par leur propre faute. Voilà les raisons qui me portent à croire que cette persécution ne finira pas de si tôt.
Un jour, comme il expliquait ce passage des actes des Apôtres où Simon le Magicien offre à St Pierre une somme d’argent pr acheter le pouvoir de communiquer le St Esprit, le P. Grommen parla à ses auditeurs de la simonie et en même temps de la fameuse objection qui court les rues : le clergé est trop riche, l’église est une boutique, les prêtres font tout pour l’argent. D’abord, les prêtres font beaucoup de choses pr lesquelles ils ne reçoivent absolument rien, par ex.: que payez-vous pr venir à confesse, pour vs approcher de la Ste Table ? Que payez-vous pour assiter à la messe, au salut ? Que payez-vous pour entendre les sermons, pour envoyer vos enfants au catéchisme, que payez-vous pour la visite des malades, pour l’administration des derniers sacrements ? Ainsi, il est faux de dire que les prêtres font tout pour l’argent. Ensuite vous savez très bien que les prêtres ne peuvent pas subsister de la rosée céleste; ils sont composés de corps et d’âme tout comme vous, et par conséquent, ils doivent se loger, se vêtir, se nourrir aussi bien que vous, où trouveront-ils tout cela s’ils ne se font pas payer ? – Mais ils sont rétribués par l’Etat. –Cela n’est pas exact, on a dépouillé l’Eglise et le Clergé de tout ce qu’ils possédaient.
Aujourd’hui, le gouvernement accorde aux prêtres en forme de restitution une indemnisation si petite, sit petite, qu’elle ne suffirait pas à l’entretien du moindre garde-champêtre. Comment voulez-vous que les prêtres s’en contentent pour vivre selon leur état ?
Dans ce cas, qu’ils travaillent comme nous et comme tout le monde – A la bonne heure, nous y voilà ! Il faut que le prêtre travaille. Mais avez-vous bien songé aux conséquences ? D’abord les prêtres vous feront une rude concurrence, parce qu’on aura toujours plus de confiance en leur savoir et en leur probité. Mais il y a autre chose, vous avez ici un doyen et 3 vicaires, qui devront exercer un métier afin de pourvoir à leur subsistance; le Doyen se fera tailleur, le 1er vicaire cordonnier, le 2me maçon, le 3 me couvreur. Bon, les voilà qui travaillent comme vous et comme tout le monde. Entre temps votre femme tombe dangereusement malade. Vous courez chez le doyen : vite, vite, ma femme est à la mort, elle vs attend pour recevoir les sacrements. – Impossible mon ami : vous voyez ce pantalon, il doit être achevé avant ce soir ou bien je perds une de mes meilleurs pratiques. Allez je vous prie, chez un des vicaires. Arrivé là, vous obtenez la même réponse. On est venu déjà 2 fois me demander cette paire de bottes pour un Mr qui doit se mettre en voyage, il faut que je l’achève sans tarder, adressez-vous à un de mes collègues. Vous sonnez à la porte du 2me vicaire, la servante vs ouvre et dit : Mr n’est pas ici, il est sorti de gd matin pmour élever un mur à la fabrique d’vidange; il ne rentrera que ce soir fort tard. Il ne reste plus que le 3 me vicaire, mais celui-là vous l’apercevez sur le toit de l’église où il place des ardoises neuves, pas moyen de le faire descendre. Entre temps votre femme est morte sans sacrements et ce même sort vous attend, vous, vos enfants et toute votre famille. Voilà ce que vous aurez gagné quand vous forcerez le prêtre à travailler comme vous et comme tout le mond. Non, non, mes chers amis, le prêtre doit se tenir nuit et jour à la disposition des âlmes qui lui son confiées, et par conséquent on ne peut aucunement l’assujettir aux travaux qui l’empécheraient de voler au secours des malheureux et surtout des moribonds qui réclament son assistance. S’il a des loisirs, il doit les employer à l’étude, à la prière etnon a des occupations manuelles qui ne conviennent pas à la Sainteté de son Etat. Que résulte-t-il de tout cela ? Puisque le traitement que le gouvernement accorde aux prêtres ne suffit pas à son entretien, il est de toute justice que les fidèles y suppléent en donnant une gratification à l’occasion des baptêmes, des mariages et des enterrrements solennels, et ici encore, le prêtre ne demande rien aux fidèles, il n’accepte que de ceux qui sont en état de payer. On conçoit combien ces instructions devaient plair à l’assemblée et l’ardeur que mettaient les confrères à ne manquer à aucune conférence. Un fait mémorable vint rendre témoignage de ces heureuses dispositions.
L’été de 1858 fut remarquable par une grande comête et par une longue sécheresse et une chaleur accablante. On étouffait partout, mais particulièrement ds notre église surtout pendant les réunions de la Ste Famille. On y suffoquait comme ds une fournaise ardente. Le P. Grommen prit conseil des autres pères de la communauté, tous opinèrent qu’il fallait suspendre pour quelques semaines, les assemblées de l’association. Cependant, avant de prendre une décision on crut prudent de consulter les confrères eux-mêmes. Dans la réunion du 14 juin, le P. Grommen annonça à l’assemblée de quoi il était question puis il ajoute : tous ceux qui désirent que nos réunions soient remises pour quelque temps doivent se lever, ceux qui sont d’un avis contraire demeurent assis. Allons ! une, deux, trois levez-vous ! ... Qu’est-ce que je vois ? Personne ne se lève ? Personne ? Là-dessus, toute l’assemblée part d’un immense éclat de rire, et le bon P. Grommen ému jusqu’au fond de l’âme, félicite ses auditeurs de leur zèle et de leur courage; puis il les engage à offrir au Ciel leurs fatigues et leurs sueurs. – C’est ainsi que ce pieux missionnaire dirigea dix ans l’association de la Ste Famille.
En 1862 il fut transféré au couvent d’Anvers; le 2 Juin il fit ses adieux à ses ancines confrères. Il leur rappela tous les fruits que l’association avait produit à St-Trond, depuis le premier jour de son existence, il les remeercia pour leur zèle, leur assiduité, leur persévérance; il leur laissa en souvenir cette triple recommandation : 1° de donner le bon exemple à leur fapmillie et à tous leurs concitoyens 2° de vivre entre-eux en frères pratiquant la charité partout et en toutes choses 3° de demeurer fidèles à l’association. Après quoi il fit avec eux un contrat de prières, enfin, après des adieux touchants il leur donna sa dernière bénédition. C’étais émouvant et solennel, toute l’assistance en était attendri jusqu’aux larmes : le bon Père emporta avec lui tous les coeurs de tous ses enfants. Sous sa direction l’association s’était accrue de 200 membres. – Après une longue absence de 6 ans, il revint à St-Trond en 1868, il fut nommé Directeur suppléant de la Ste Famille. Il continua encore pendant 14 ans l’explication du Nouveau Testament et jusqu’à la fin de sa vie il sut donner à ses confrères le même intérêt, la même originalité.
XX. Retraites
Le P. Grommen a prêché 62 retraites, la plupart à des personnes laïques. Dès le 1er sermon il savait si biengagner son auditoire qu’on pouvair déjà prévoir les fruits abondants que ces saints exercices allaient produire. Un jour il est envoyé dans un village pour donner la retraite aux jeunes filles de la Congrégation. Juste au temps de la kermesse, la chose n’était pas facile, et l’entreprise offrait des dangers, mais a-t-il parlé q.q. instants que toutes les difficultés disparaissent.Il commence en ces termes : “Qu’est-ce qu’une retraite? C’est une kermesse spirituelle, une kermesse pour les âmes, une kermesse qui vous prépare à la gde kermesse de l’éternité. Au lieu de courir les cabarets en compgie vec les pézcheurs, vous viendrez ici ds la maison du Seigneur, offirir vos prières ds la cie des anges.Au lieu d’aller danser au son du violon, vous viendres ici unir vos voix pour chanter lers louanges de votre Mère Marie, au lieu de prêter l’oreille à des discours obscènes, vous viendrez ici entendre la parole du Dieu; au lieu de souiller votre âme par le péché mortel, vous viendrez la purifier par le sacrement de pénitence, au lieu d’amasser des châtiments pr l’enfer, vous viendrez faire une provision abondante de mérites pr le Ciel. Vous voyez bien que vous avez choisi la meilleure parti : les jours de la kermesse se paseeront rapidement, et alors qu’en restera-t-il ? Les malheureuses qui vont se livrer avec fureur aux plaisirs mondains et aux péchés qui en résultent nécessairement; elles devront expier ces plaisirs d’un moment par des années de pénitence ou par des larmes de désespoir.Tandis que vous, vous éprouverez ds votre âme un epaix, une joie, un contentement, qui vous donneront comme un avant-goût des délices célestes. Ces paroles encourageantes eurent un plein succès, à tel point que les danses furent interromues parce que toutes les jeunes personnes de l’endroit accouraient à l’église pr entendre le missionnaire.
Une autre fois il vint donner la retraite aux membres de la Ste-Famille à Hasselt, pour la plupart ouvriers ds les différentes distilleries de la ville. Voici son entrée en matière : mes amis, avant de commencer il est bon que nous fassions connaissance, cela ns permettra de parler avec plus de franchise et de cordialité. D’abord, vous me demanderez qui je suis ? Je suis le P.Grommen, Rédemptoriste, du couvent St-Trond. Limbourgeois de maissance et j’aime beaucoup la ville de Hasselt et ses braves habitants. – Maintenant qui êtes-vous ? Nous somme des ouvriers travaillant l’un ds la distillerie de Mr A, l’autre ds celle de Mr. B, un troisième ds celle de Mr. C et ainsi de suite. – Ah ! c’est donc vous qui fabriquez ce bon genièvre si renommé ds tout le pays et même en France où on le transpote en si gde quantité. Hé bien, cela me fait plaisir; votre genièvre est bon, excellent, mais je viens vous offrir cette eau de vie dont parle N. S. quand il dit : “Ceux qui boivent les liqueurs de ce monde, auront encore plus soif qu’auparavant, mais ceux qui boiront de la liqueur que je leur présente n’auront plus soif, mais ils auront le coeur inondé des délices célestes. Tous les jours je vais vous verser 2 petits verres de cette admirable boisson, l’un le matin à 6 heures, l’autre à 7 heures du soir. Ainsi soyez à votre poste et vous m’en direz des nouvelles. – Ils furent à leur poste et à la fin de la Rétraite purifiés par une bonne confession, fortifiés par la Ste Communion et la benediction apostolique, ils s’écrièrent avec joie : Oui, le genièvre du P. Grommen est meilleur quie le nôtre; le nôtre brûle, le sien rafraîchit, le nôtre porte assez souvent du mal, le sien porte toujours du bien. Vive le P. Grommen, qu’il revienne souvent nous verser quelques verres de son bon genièvre.
Ce fut surtout dans les prisons qu’il aimait à prêcher, parce qu’il y rencontrait des âmes abandonnéees et malheureuses; là, il donnait libre cours à son zèle apostolique; jamais il ne leur adressait la plus petit mot qui peut faire allusion à leur malheureux sort ou aux fautes qu’ils avaient commises. Au contraire, il s’efforçait de relever leur courage, faisant luire dans leur coeur un rayon d’espérance pr un meilleur avenir. Il leur parlait des beaux jours de leur enfance, de leur 1re Communion, de leur famille, et surtout de leur mère, il leur montrait les miséricordes infinies de Dieu qui ouvre ses bras pour recevoir avec amour l’enfant prodigue et le serrer contrre son coeur paternel. Que de fois il arrachait ainsi des laqrmes de compassion et de repentir à ces êtres abrutis et vieillis ds le crime. Il a donné ainsi un grand nombre de retraites aux détenus de la prison militaire d’Alost et ds les prisons civiles de Liège, de St-Bernard et de Vilvorde. Dans cette dernière prison il existait un moyen de correction tout particulier pour dompter les têtes dures et rebelles à la discipline,c’était la marche forcée. Ceux qui ne voulaient pas se soumettre au règlement de la maison, étaient condamnés à marcher au trot dans une cour carrée destinée à ce châtiment. Ils étaient là, les sabots aux pieds, les menottes aux mains, ainsi il devaient trotter du matin au soir sans repos, sans relâche, durant plusieurs jours, quelques fois plusieurs semaines; le midi ils pouvaient se tenir debout durant dis minutes pr manger à la hâte eur pauvre ratatouille, et le soir ils allaient au cachot se coucher sur les planches. Le P. Grommen plein de compassion pour ces misérables, obtint du commandt à force d’instances, de leur faire quelques instructions, car il ne leur était pas permis d’assister aux exercices communs avec les autres prisonniers. Il les assembla ds une salle particulière et il leur dit : “Asseyez-vous, mes amis, je ne puis pas faire grand’chose pour vous, mais je puis du moins vous procurer quelques instants de repos, c’est pourquoi je tâcherai d’allonger mon sermon le plus possible, pour prolonger aussi votre temps de repos. Et si vaincu par la fatigue, vous ne savez plus résister au sommeil, dormez à votre aise, je n’en serai pas fâché, je sais combien vous en avez besoin. Après ces paroles si pleines de bonté, ils n’eurent plus le moindre envie de dormir, mais il prètèrent une orielle attentive à l’instruction et ordinairement ce furent ces prisonniers récalcitrants qi donnaient les plus douces consolations au missionnaire.
Voici une retraite d’un autre genre donnée également à des prisonniers, mais à des prisonniers volontaires enchaînés à la Croix par l’amour de J. C. – C’était en 1850, le P. Grommen était en mission à un peit village du canton de Brié, il y vit arriver le R.P. Joseph-Marie Monle ??? prieur des Trappistes de l’Abbaye d’Achel, celui-ci prie les missionnaires avec les plus vives instances de venir prècher une retraite aux religieux de son ordre. La proposition fut acceptée avec bonheur, sous la réserve de l’approbation du P. Directeur de St-Trond. Cette approbation ne se fit pas attendre et le P. Grommen, accompagné du P. Timmermans arriva bientôt à la solitude de la Trappe. Les pauvres religieux, comme ils l’avouèrent plus tard, avaient de grandes appréhensions de cette retraite : c’était la première fois que les vérités éternelles allaient leur être annoncées par une bouche étrangère, et déjà ils avaient appris par la renommée avec quelle véhémence les Rédemptoristes préchaient ces teribles vérités; ensuite, n’allait-on pas augmenter la sévérité de leurs règles ? leur imposer de nouvelles mortifications ? Le 1er sermon du P. Grommen dissipa toutes ces terreurs. Il débuta à peu près en ces termes : Mes R. Pères et mes Chèrs Frères, ou plutôt permettez-moi de vous appeler tous, mes bien aimés frères en J.C., car je sens dans mon coeur que je me trouve ici en famille, et qu’un m^me bien nous unit ensemble, savoir l’amour de Jésus et le désir de racheter les âmes rachetées par Son sang précieux. Frères bien aimés, je ne viens pas vous inspirer la crainte, mais plutôt une confiance tendre et filiale; je ne viens pas vous présenter des pénitences nouvelles, mais plutôt vs alléger celles que la Règle vous impose en vous inspirant un nouveau courage pour porter gaiement la Croix du Divin Rédempteur. Nous sommes venus dans cette pieuse solitude pr ns édifier de vs vertus, de vos exemples, nous sommes venus pour v/ consoler, v/ fortifier, afin que vous marchiez avec constance sur les traces du Sauveur ds la voie royale de la pénitence dont Il nous a donné l’exemple.
Aussi le grand but de cette retraite est de v/ assurer la paix de l’âme et cette Sainte Joie, dont l’Esprit Divin remplit ses serviteurs, même au milieu des afflictions et des souffrances. – Ces paroles tombèrent sur le coeur de ces pauvres religieux comme une rosée céleste, leur confiance était acquise aux missionnaires; ils vinrent se prosterner à leurs pieds avec la simplicité des enfants pr leur découvrir le fond de leur âme. Des vieillards qui avaient passé 40, 50 ans au milieu des rigueurs de la pénitence s’approchèrent d’eux pr les consulter sur l’état de leur conscience et leur demander ingénûment s’il pouvaient espérer la miséri-corde et le salut. Le P. Grommen avait les larmes aux yeux toutes les fois qu’il rappelait ce souvenir. Quelle vie, disait-il, sans un secours surnaturel elle serait intolérable : les vêtements des Trappistes sont plus chauds et plus lourds que ceux des Franciscains, ils se couchent tout habillés et enveloppés de leurs grands manteaux de choeur dont ils tirent le capuchon sur la figure : les offices du choeur semblent ne jamais finir : Le dimanche, les matines avec les laudes ne durent pas moins de 4 heures. Leurs nourriture est insupportable : jamais il ne font usage de viande ni de poisson, jamais des oeufs, que reste-t-il encore ? Ajoutez à tout cela un lourd travail, un jeûne perpétuel, un continuel silence dont on ne dispense pur aucun motif. Voilà la vie des Trappistes et c’est à de tels hommes que ns devions prècher une retraite, c’est à eux que ns devions mettre sous les yeux l’esprit d’abnégation et de pénitence. L’obéissance seule était capable de m’imposer une charge pareille. Dans un élan de St enthousiasme le P. Grommen voulut essayer de leur nourriture et prendre part au repas commun; il alla s’asseoir à côté des religieux au réfectoire du monastère : on plaça devant lui une grosse tranchede pain bis et une peinte de bière, puis on lui apporta ds une écuelle de terre un énorme monceau de légumes et de pommes de terre étuvées à l’huile, il en sortait une odeur nauséabonde qui enlevait tout appétit. Le P. Grommen en prit une bouchée, aussitôt il éprouva une révolution intérieure qui le menaçait d’un terrible mal de mer, il dus se contenter de la tranche de pain et de la peinte bière, et depuis lors il ne pala plus d’aller s’asseoir au banquet de la communauté. Plein de compassion pour ces bons religieux, il profitait de ses moments libres pour parcourir le monastère avec le P. Prieur et lui proposer les améliorations qu’il trouvait utile; il fit aérer les ^places, indiqua les moyes d’éloigner des dortoirs les moucherons qui venaient troubler le sommeil déjà si court de la communauté, en un mot, c’est grâce à lui que l’Abbaye d’Achel a pris cet air si propre et se riant qu’on chercherait en vain ds les autres maison de la Trappe. Enfin la retraite était terminée, il était terminée (sic), il fallait partir, tous les religieux au nombre de 41, tant frères que pères entouraient les missionnaires et leur témoignaient leur reconnaissance par leur silence et leurs larmes. Le Prieur offrit une somme d’argent que le P. Grommen refusa absolument d’après l’ordre formel de son Recteur, alors le R.P. Prieur lui remit un actre écrit par lequel il déclare tous les pères et frères présents et futurs de la maison de St-Trond participats de toutes les prières, communions, mortifications et autres bonnes oeuvres qui se font au Couvent de N. Dame de la Trappe d’Achel. Cela ne lui parut pas encore suffisant.
Le 24 juillet de la même année il écrivit au R.P. Recteur de St-Trond la lettre suivante : la retraite est finie, l’oeuvre de Dieu est terminée, l’Esprit de Dieu est descndu sur notre monastère avec l’abondance de ses grâces et la face de notre terre est totalement renouvelée. Nous sommes contents, nous sommes heureux, que pourrais-je en dire davantage ? Mon coeur ressent beaucoup, mais les expressions me manquent. Reconnaissance à Dieu qui a opéré parmi nous de gdes choses. Reconnaissance à vous R.P. Recteur et aux deux bons Pères qui ont travaillé si fraternellement à notre bonheur. Mais que rendrons-nous pour tout le bien que le Seigneur nous a fait par entremise (?). La participation à toutes les prières, à tous ns exercices, à tout ce que n/ faisons et souffrons d’un coeur sincère et dévoué. mais notre cher Pèe Robert qui estr préposé au bétail ne sera oint content si vous ne lui permettez de vous envoyer une cuve de beurre qu’il dit être excellent. Ce (sic) vous conjure de lui donner cette satisfaction et de ma considérer comme votre reconnaissant serviteur et frère dévoué.
Le P. Grommen était au couvent depuis 35 ans, et jamais encore il n’avait donné de retraite aux religieuses; la cause en était que les Supes pouvaient mieux le remplacer pour ce travail que pour les missions. Cependant le 2 mars 1877 il fut désigné pour donner les exercices spirituels au couvent des Pauvres Claires de St-Trond. Il n’en était pas mécontent, seulement il n’avait jamais travaillé ds la fine spirituelle et il n’avait aucune conférence sur ces matières. Que faire ? Après avoir selon sa coutume invoqué les lumières du St-Esprit, il se rend à la bibliothèque, cherche un auteur convenable, et puis armé de son livre, il va se placer devant la grille des religieuses et leur dit : “Mes bonnes soeurs, voici un livre qui va vs apprendre les vérités religieuses bien mieux que je ne pourrai le faire moi-même. Ecoutez bien, aujourd’hui je veux vous lire l’ouverture de la retraite, et s’il s’y rencontre des choses que vous ne conpenez pas, je v/ en donnerai l’explication. Là-dessus, il lit ce premier châpitre lentement et avec force inflexions, après quoi il récite un Pater et un Ave et ainsi finit sa 1re conférence. Il trouva cette méthode bien facile, il résolut de s’en servir toute la retraite et pr toutes celles qu’il devrait donneer ds la suite. Quelques temps après il alla prêcher les mêmes exercices aux religieuses de Zonhoven, là il fit une découverte précieuse, c’était un livre de Méditations et de Conférences pour les retraites religieuses, publiées par les soins de Mgr Zivyzen (sic), Archevèque d’Utrecht à l’usage des Soeurs de Charité dont il était le fondateur. Après avoir examiné cet ouvrage,il fut tellement enchanté qu’il appela la Supérieure : Ma Mère, dit-il, ce livre est un trésor, il est inconnu en Belgique, s’il vous plait, donnez-le moi, il me servira à donner des retraites et il produira un bien immense pour les âmes. Fort bien, mon Père, il est à vous. Le bon Père était au comble de la joie; de retour au couvent il appelle ses confrères, leur fait part de son bonheur : voilà, dit-il, un livre commen on n’en trouve plus, tout ce que nous avons ds la bibliothèque n’y est point comparable. Quelqu’un lui observe que nous possédons cet ouvrage depuis de longues années, qu’il est déjà usé par l’usage qu’on en a fait. Il ne veut pas y croire, on le conduit à la bibliothèque, on lui montre le livre en question; à cette vue il s’écrie : tiens, tiens, tiens et moi je n’en savais rien; n’importe, je prétends toujours qu’il contient d’excellentes choses. – Depuis lors ce livre devint son compagnon fidèle pr toutes les retraites aux religieuses. Un jour, il arriva à l’Abbaye des Augustines à Wraamunster (sic). On luui avait préparé un magnifique fauteuil sur les marches de l’autel, les dames chanoinesses de V Victor ??? en rochet et ceinture à boucle d’argent étaient assises magistralement d/ les stalles du choeur. A cette vue le Père proteste et leur dit : Non, non, mes petites soeurs, pas tant de compliments, nous allons nous retirer au réfectoire ou bien à la cuisine, là vous vous placerez toutes autour de moi et nous serons bien mieux à notre aise. On dut s’exécuter et subir la lecture des choses excellentes que contenait son libre. Au commencement on murmura quelque peu, mais bientôt toutes furent subjuguées par la bonne simplicité du Père, et la retraite eut un très heureux succès. Cependant il faut le reconnaître, les retraites avec religieuses n’étaient pas son genre et il y réussit moins que tous ses autres travaux.
XXI. Conférences
Ce qui lui allait mieux, c’étaient les conférences familières qu’il donnait de temps en temps à ses confrères pr le cas ascétique du lundi, et les petites allocutions qu’il eut à faire d/ d/ cas souvent imprévus.
Un jour il nous parle de la douceur, sur ce texte de l’Evangile : Apprenez de moique je suis doux et humble de coeur : Qu’est-ce que la douceur ? C’est une qualité inhérente aux choses qui sont souples, qui cèdent selon les circonstances, qui se poient aux exigences de ceux qui s’en servent, par exemp. un lit de plues, une couchette fourrée de duvet, un oreiller d’édredon. Jetez-vous sur un lit de plumes, aussitôt il cède de toute part, vous êtes couché doucement parce que toutes les parties du corps reposent à leur aise; eussiez-vous une bosse, des jambes tortues, des clous sur toutes les parties du corps, vous n’en ressentez pas moins l’inconvénient parce que tout cela s’enfonce mollement dans le duvet, qui n’offre aucune résistance. – par contre, qu’est-ce que la dureté ? c’est la qualité des choses qui ne cèdent pas mais qui résistent avec force et opiniâtreté, par exemple : le bois, le fer, la pierre. Couchez-vous sur la pierre, elle ne cède aucunement, elle résiste, elle semble vous repoussez, étendez-vous sur les planches avec une bosse, des jambes tortues, des clous et autres misères pareilles, vous serez fort mal à l’aise parce que c’est à peine si cette matière se dure se laisse toucher par une petite partie de votre corps. Nous devons être doux à l’égard du prochain, nous devons être pour lui comme un lit de plumes et non comme une pierre ou une planche dure et insensible. Nous avons tous la bosse de nos défauts, les jambes tortues de l’inégalité d’honneur(sic), les clous de nos vices et de nos fautes; nous voulons que les autres nous supportent avec patience, agissons de même à leur égard. Quelqu’un nous adresse une parole un peu vive. C’est sa bosse ; répondons avec douceur, nous serons pour lui un lit de plumes; si au contraire nous allions répondre avec feu, nous serons comme une pierre ou une planche. Quelqu’un nous refuse un service qu’il nous a rendu déjà maintes fois, ce sont les jambes tortues de son inégalité d’humeur, taisons-nous, cédons avec patience, nous serons pour lui un lit de plumes; que si nous allons lui faire de durs reproches, n/ serons comme une pierre ou un planche. – Quelqu’un a mal parlé de vous, c’est un clou, c’est une faute; faites semblant de l’ignorer, pardonnez de tout votre coeur, et vous resterez un lit de plumes; par contre, si vous nourrissez des sentiments de vengeance, si v/ voulez lui faire sentir ses torts, vous deviendrez pour lui comme une pieerre ou une planche. Il continua sur ce ton pendant un bon quart d’heure, puis, il conclut en disant : Vous me demandez : Est-ce ainsi que vous agissez ? Pratiquez-vous cela vous-même ? – Non ! Mais je ne v/ ai pas dit: Apprenez du P. Grommen à être doux et humble de coeur; je vous ai dit de l’apprendre de N. S. Jés. Ch. –Une autre fois il devait nous entretenir de l’obéissance, c’était le drnier jour du mois, ses devanciers avaient à peu près épuisé la matière. Voici comme il débuté : Mon R.P. recteur, j’ai été à la boutique chercher quelques denrées pour le plat du jour, mais je n’ai pas eu de bonheur d/ mon marché. Je disais d’abord : donnez-moi un paquet des avantages de lo’béissance,on me répond : un autre est venu, il y a 3 semaines et il a emporté toute la boutique. En ce cas, dis-je, vendez-moi quelques kilos des qualités que doit avoir la bonne obéissance. Nous l’avons vendu il y a 15 jours. Eh bien, dis-je, servez-moi les moyens de bien obéir. On les a emportés la semaine dernière. Est-ce donc qu’il ne bous reste plus rien du tout ? Mais si, nous avons encore quelquers restes de tout ce que vous avez demandé! Donnez-moi ces restes. De ces restes j’ai préparé un bouillon que je vais servir tout chaud à la communauté. Son bouillon fut excellent, il nous donna un résumé admirablement pratique de tout ce qu’on pouvait dire de plus substazntiel sur la vertu d’obéissance. C’est ainsi que son génie inventif trouvait toujours quelque chose de neuf pour intéresser ses confrères. –
Un jour il se vit marqué pour une conférence aux Soeurs de Charité de St-Trond; c’était d/ une circonstance tout-à-fait extraordinaire, la R.M. venait de mourir, une aute la remplaçait depuis quelques jours, il fallait nécessairement en dire un mot. Vrs ce temps, un essaim d’abeilles était venu s’abattre sur notre jardin, le jardinier l’avait recueilli dans une ruche qu’il avait placé dans un coin du potager. Ce fait fournit une ample patière à la conférence. Le Père commença par raconter cet événement, puis i en fit l’application à la communauté des Religieuses. Mes bonnes soeurs, dit-il, un essamin de saintes abeilles s’est envolé d’ici vers le paradis. Vous avez perdu votre Mère, elle a pris son essort vers le ciel, déjà elle avait envoyé devant elle quelques-unes des soeurs les plus anciennes, d’autres peut-être les suivront encore. C’est tout un essaim qui est sorti de la ruche vers le paradis. Mais je vois avec plaisir que la ruche n’est pas abandonnée, un nouvel essaim l’occupe. Je retrouve une nouvelle Mère entourée de soeurs jeunes et actives. Tâchez donc d’imiter les abeilles surtout dans leur soumission, leur concorde, leur amour du travail. La reine ou plutôt la mère des abeilles n’a point d’aiguillon, elle ne pique jamais, c’est ainsi qu’une bonne supérieure s’efforce de gouverner avec bonté et douceur, sans doute elle ne peut se montrer ni lâche, ni indifférente, elle doit veiller à tout, et spécialement à l’observance régulière, elle doit corriger les fautes, réprimander les récalcitrantes, mais toujours avec cet esprit de douceur et dfe bonté dont le divin sauveur nous a donné l’exemple, car comme dit St François de Salle, ce qu’on ne gagne pas par la douceur, on l’obtiendra bien moins par une dure sévérité.
Les autres abeilles ont leur aiguillon pais elles ne s’en servent jamais à l’intérieur de la ruche pour se piquer les unes les autres; elles n’emploient ce dard qu’à l’extérieur pour se défendre et éloigner les dangers de leur habitation commune. Ainsi, mes soeurs, gardez-vous bien de vous piquer mutuellement soit par paroles, soit par actrions; soyez toujours bonnes et charitables et s’il faut vous servir quelque fois de votre aiguillon que ce soit uniquement contre le démon qui voudrait vous éloigner de J.C. Et maintenant considéréez les abeilles, ces ouvrières actives, les unes vont audehors recueillir dans le calice des fleurs les matériaux dont elles se servent pour former la cire et le miel, les autres au-dedans construistent avec la cire des cellules régulières ou alvéoles, destinées à recevoir le miel dont elles se nourrissent elles-mêmes, ou bien qu’elles donnent en nourriture à leur jeunes qui seront appellées à former un nouvel essaim et à remplacer les anciennes d/ leurs travaux. La cire dont on fait les cierges qu brûlent sur nos autels représente la foi qui éclaire nos âmes, le miel est bien l’image de la douceur, de la mansuétude. A l’exemple de l’abeille, vous devez recueillir dans le calice des fleurs, c’-à-d. d/ les coeurs de Jésus et de Marie, cette foi vive qui doit être l’âme de toutes vos actions et ce miel de la douceur et de la charité dont vous devez vous nourrir et nourrir les autres; c’est ainsi que vous vivrez ici-bas comme de saintes abeilles dans une sainte union, toujours contentes, toujours heureuses, et plus tard vous aussi vous prendrez votre essor vers le Ciel où vous goûterez ce miel incomparable que le bon Jésus vous a préparé dans son royaume éternel. –
Après la conférence toutes les religieuses enchantées entouraient le bon Père et le reùmerciaient des bonnes paroles qu’il venait de leur adresser. Le P. Grommen avait toujours prêts quelques uns de ces mots heureux qui réjouissent le coeur et dérident les fronts les plus sérieux. Le dernier jour de la mission à Renaix, le doyen avait proposé un toast au missionnaire, le père Grommel (sic) qui s’était absenté un instant, rentra juste au moment où le doyen allait se rasseoir; il prit la parole et dit : Vous buvez à la santé des Pères, M. le Doyen, c’est très bien et je vous en remercie, mais vous me permettez de v/ renvoyer la balle et de boire à la vôtre, car si nous avons fait quelque chose d/ la paroisse, à qui la faute ? Si vous ne nous aviez pas appelé, nous n’aurions rien pu faire. Ensuite si n/ avons pu supporter jusqu’au bout le sfatigues de nos travaux, nous le devons à votre cordiale hospitalité; un bon dîner renouvelle les forces et un petit verre de vin fait prêcher avec feu et sous ce rapport c’est surtout au vieux P. Grommen à vous témoigner sa reconnaissance parce que c’est lui avant tout qui a profité de vos bienfaits. Vousconnaissez le proverbe flamand : Un verre de vin d/ un vieil estomac est comme un bâton d/ une vieille haie, ma haie à moi commence à vieillir, mais v/ l’avez rajeunie, M. le Doyen, en y mettant de votrecave, je v/ en remercie de tous coeur et je bois à votre santé.
Là-dessus toute l’assemblée se lève comme un seul homme et s’écrie : Vive le P. Grommel (sic). Pendant qu’il prêchait à Gand, à l’église St-Pierre, le doyen l’ivita à l’accompagner au pensionnat des religieuses de Crombeen pour y présider la distribution des prix aux enfants de l’Ecole primaire. Il accepta volontiers, il s’assit majestueusement dans un fauteuil comme un sénateur romain, il avait devant lui un nombreux essaim de petites filles vêtues de blanc et couronnées de fleurs. Il écoutait avec plaisir les pièces de déclamation et les chasonnettes que ces enfants débitaient avec un admirable aplomb. Puis il leur remit gravement les prix consistant en livres dorés s/ tranches, pièces d’habillement et magnifiques poupées qu’elles venaient recevoir de ses mains. Alors il se leva et fit une courte allocution à peu près en ces termes: “Mes chères enfants, n/ venons de passer ensemble des moments bien doux, bien agréables; aujourd’hui v/ avez réussi à rendre heureux tous ceux qui vous entourent. D’abord, je vois le bonheur empreint sur v/ visages, vous êtes heureuses parce que vous emportez d/ vos familles la première récompense de vos travaux et de votre zèle. Je vois le bonheur sur le front de vos parents qui partagent vos joies et fondent s/ vous les plus belles espérances pourl’avenir. Je vois le bonheur sur le front de ces bonnes religieuses qui recueillent en ce jour le fruit de leurs peines et de leurs sueurs. Je vois le bonheur sur le front de M. le Doyen qui considère en vous la partie la plus chère de son troupeau et qui compte sur vous pour conserver la vertue etr la piété d/ sa paroisse. Et moi-même je me sens heureux parce que je me trouve au milieu d’une troupe si nombreuse, oui, m/ enfants vous êtes des anges, non pas tant par l’éclatante blancheur de vos robes, mais par la noble candeur de vos âmes, vous êtes des anges parce que vos jeunes coeurs sont encore préservés de la corruption du mal, de la souillure du péché. Vous êtes des anges, parce que v/ aimez Jésus et Marie et que Jésus et Marie vous aiment. Puissiez-vous toujours conserver votre bonheur. Et savez-vous ce qu’il fautfaire, mes enfants, pourêtre des anges jusqu’à la fin de votre vie et pour être encore des anges dans le ciel ? Ecoutez toujours les conseils deces bonnes soeurs quise dévouent avec tant d’amour à v/ procurer une éducation chrétienne, soyez bien soumises à v/ parents et n’oubliez jamais tout ce qu’ils ont fait et font encore tous les jours pour vous, aimez beaucoup l’Enfant Jésus et sa Sainte Mère, priez-les tous les jours de votre vie, priez-les le matin et le soir et surtout à l’Eglise où vous devez être toujours bien sages, bien respectueuses. A ce prix, le Seigneur conservera votre innocence, vous serez des anges sur la terre en attendant que vous alliez vous unir au choeur des anges d/ le Ciel. -
XXII. La Nuit
Il nous rester encore à considérer le P; Grommen dans sa vie intime, dans ses occupations journalières, c’est là surtout qu’on le retrouve avec son caractère naïf et avec toute son aimable simplicité. Commençons par l’observer durant la nuit et pour cela allons le surprendre pendant son sommeil. Le Bon Père avait le sommeil facile, à peine au lit il toussait un bon coup, puis il s’endormait tranquillement comme le plus heureux des mortels, le bruit qu’on faisait autour de lui ne le gènait pas, on aurait tiré le canon qu’il n’en aurait pas été troublé le moins du monde. Il s’éveillait doucement pour se rendormir sussitôt. Il aimait beaucoup ces interruptions fréquentes de son someil parce que par là il prétndait mieux jouir de son repos : c’est alors, disait-il, qu’on a du moins conscience de ce qu’on fait;on sait qu’on a dormi et qu’on va le faire encore, tandis quesans cela on est engourdi la nuit entière et couché come un cadavre sans vie, sans raison, sans mouvement. Il profitait de ces moments pour élever son coeur vers Dieu et aussi pour examiner le temps, considérer les étoiles, observer les phases de la lune. pendant une mission qu’il donnait a N.D. d’Hansiogch (sic) à Malines, il logeait dans une même chambre avec un de ses confrères, au milieu de la nuit il alla se planter devant la fenêtre, et tout à coup il se mit à crier : Ca,ça voilà qui est singulier, il pleut et je n’ai rien ressenti dans mon dos. Comment est-il possible que le temps change de la sorte sans que mon pauvre dos m’en avertissen ! Puis se souvenant qu’il n’était pas seul, il s’approche du lit de son confrère et lui dit tout doucement : Mon cher petit, est-ce que je vous ai éveillé ? - Non, Père Grommen – Dans ce cas, c’est bien, continuez à dormir. je vais en faire autant.
Une autre fois on l’avait envoyé à Saint-Trond pour y prècher une semaine du mois de Marie. Pendant la nuit il accourt à la chambre du R.P. Recteur : Mon Père, mon R.P. vite, vite,levez-vous, il faut venir avec moi, mais dépèchez-vous sans quoi vous viendrez trop tard. Le P. Recteur était effrayé, il s’attendait à un malheur, il se lève, s’habille avec empressement et suit son excitateur en silence. Celui-ci le conduit à l’autre extrémité du corridor près d’une fenêtre, et de la indiquant le ciel : Regardez, dit-il, quelle belle étoile, en avez-vous jamais vu de pareille? – Oui, répond le Recteur, elle est belle. Là-dessus il s’en retourne peu satisfait de voir qu’on trouble son repos pour une semblable misère, plus tard cependant il en rit de bon coeur. Cette même semaine le bon P. Grommen joua sans le vouloir un pareil tour à toute la communauté. C’était la nuit avant la Pentecôte, il s’éveille et croit entendre sonner 5 heures : Juste ciel, dit-il, nous voilà en retard d’une demi-heure et cela à une des plus grandes fêtes de l’année, les offices ne pourront commencer à temps. Il se jette hors d son lit, sans se donner la peine de remettre sa soutane, il court à pied vers la première sonnette venue et se met à tinter de toutes ses forces. Or, ce ‘nétait pas la sonnette commune mais la cloche qui sert à appeler les Pères au confessional et qu’on ne sonne à toute volée que pour annoncer l’arrivée du R.P. Prinvincial. Au bruit de la cloche, tout le monde s’éveille en sursaut, on se demand e: Qu’est-il arrivé ? Le R.P. Provincial vient-il nous visiter au milieu de la nuit ? Le feu est-il à la masion ? Quelqu’un était-il à la mort ? C’était un branle-bas général : les uns couraient à la prote, les autres à l’église, ceux-ci au grnier, ceux-là à la cave; on s’interrogeait, ons se demandait des explications, personne ne trouvait la clef del’énigme. Un pauvre Père alité à l’infirmerie par suite de la goutte, criait à tue-tête qu’on vint à son secours, car il s’imaginait qu’il allait devenir victime d’un embrasement général. Il voyait du feu partout, on eut toutes les peines du monde à le tranquiliser. Entre-temps le bon para apèrs avoir mis partout le trouble et la confusion s’en alla voir l’heure, et remarquant qu’il n’était que 3 heures, il se mit tranquillement au lit jusqu’au matin. Le lendemain il ne fut question que de cet événement, tout le monde en parla excepté le P. Grommen qui crut devoir de renfermer dans un prudent silence, mais ce fut précisément par là qu’il se trahit et qu’il fit deviner le coupable. –
Rien de plus beau, de plus intéressant que les songes qu’il avait durant son sommeil, alors il se voyait muni de deux ailes grandes et fortes comme celles de l’aigle, il prenait son essor à travers l’immensité des airs, il dévorait l’espace des cieux, il fendait les nues et bravait les orages; bientôt il s’élevait aux plus sublimes hauteurs pour contempler de près le cours des rivières, et s’il rencontrait un pont, il aimait à passer en-dessous comme les hirondelles sans humecter ses plumes. Que de fois il luttait en vitesse avec les coursiers les plus rapides, toujours il l’emportait hau la main. Que de fois il entrait en joute avec les trains de vitesse au chemin, il passait comme un éclair à côté de convois, puis revenant sur ses pas il allait près des portières narguer les voyageurs, leur arrachait leurs mauvais journaux et disparaissait avec la rapidité d’une flèche. Un jour, il engagea un pari avec le maître de poste de Tongres, c’était à qui ferait le premier le trajet de cette ville à Saint-Trond, lui avec ses ailes, l’autre avec son meilleur cheval. Lutte impossible car à peine le cavalier avait fait un demi kilomêtre, que déjà l’homme-oiseau avait atteint son but. Une autre fois, étant en promenade il rencontre près de la station de Saint-Trond un pauvre voyageur, villageois tout en larmes parce qu’il venait de manquer son train après avoir payé son coupon. Bah, lui dit le P. Grommen, n’est-ce que cela, placez vous sur mon dos, je vais vous conduire à destination plus rapidement que le chemin de fer. – Oh, mon R.P., je n’ose pas faire cela. Allons pas de compliments, sur mon dos bien vite et tenez-vous ferme, vous serez chez vous à la minute. L’autre s’excuse, on a bientôt dépassé le convoi, mais comme le P. s’élevait de plus enplus dans les airs, le paysan prit peur, et criait de toutes ses forces : Je tombe, je tombe. Le Père ne fit que rire et au bout d’un quart d’heure il le déposa sain et sauf à la porte de sademeure.
Souvent à la fin de ses missions voulant récompenser le peuple de son zèle et de son assiduité au Sts Exercices, il lui donna une représentation extraordinaire de son vol prodigieux. Il en faisait l’annonce dans le sermon de clôture : Mes bons amis, je suis content de vous, vous avez fait tout votre possible, pour vous témoigner ma satisfaction je vais faire voir quelque choes que certainement vous n’avez encore jamais vu de votre vie. Je vais voler, oui,, vraiment voler dans l’air, voler avec des ailes. Demain matin à 8 heures vous serez tous réunis à la grand’place de la commune devant la cure et là vous assisterez à ce spectacle unique au monde. Le lendemain toute la paroisse était au poste. 8 heures sonnaient à la tour quand on voyait le Père à la fenêtre de l’étage, de là il criait à la foule: attention ! regardez bien, car je commence, puis une, deux trois, il prend son vol, s’élance sur le haut du clocher, en descend et fait polusieurs cercles en plant sur cette masse ébahie, après quoi il revient à la fenêtre et demande au peuple : Avez-vous bien vu ? Je recommencerai encore une fois, faites bien attention. Là-dessus, il renouvelle ses promesses, il trace ds les aires les figures les plus fantastiques, il monte, descend, en passant il abat quelques chapeaux à coup d'ailes. Bientôt l’enthousiasme éclate de toute part, ce sont des cris d’admiration à ne plus finir : Vive le P. Grom. Vive le missionnaire volant ! Alors pr se soustraire à ses louanges le thaumaturge rentre par sa fenêtre et met fin à cette étrange comédie. Souvent il utilisait ce talent prodigieux pour infliger aux vauriens une correction bien méritée.Quand il avait lu ds le journal un attentat contre la religion ou ses ministres commis par un franc-maçon quelconque il venait durant la nuit venger ce forfait. Armé d’une cravache, il voltigeait autour du coupable et le frappait, flagellait sans misericorde. Il en voulait surtout à Napoléon III, depuis que cet Empereur avait rompu avec le Pape, il le rossait à coups de cravache à lui rompre les os. Sa Majesté Impériale avait beau tirer le sabre, commander à son armée de pointer les mitrailleuses contre son aggresseur, celui-ci se mettait à l’abri du danger en s’élevant dans les aris, puis fondant sur son ennemi, il le rossait avec une nouvelle ardeur. Après ces hauts faits, le bon Père s’éveillait tout à coup, devait se mettre sur son séant pour donner libre cous à son hilarité. Il jouissait dit-on triomphe éphémère comme d’une vrai hilarité. Ce n’était pas toujours en volant qu’il parcourait la terre : quelque fois il voyageait en navire, en bateau à vapeur, il visitait alors les contrées les plus sauvages, les îles les plus éloignées,partout il annonçait l’Evangile avec le plus heureux succès, il convertissait des peuplades entières et baptisait de sa main un nombre incalculable d’infidèles. Les missions qu’il a données en dormant égalent au moins en nombre celles qu’il fit étant éveillé; et si l’Eglise ne profite guère de ses travaux nocturnes ils sont une preuve de son ardent désir pour le salut des âmes.
XXIII. La Matinée
Le P. Grom. a été durant toute sa vie fort matinal, en mission comme au couvent il était toujours le premier sur pied, lorsqu’il était marqué pour la dernière messe ou qu’il venait de renter après ses courses apostoliques, on le trouvait à l’oratoire avant les autres, même ds sa dernière maladie qd déjà on lui avait administré l’extrême onction, et qu’on s’attendait chaque matin à recevoir la nouvelle de sa mort, on était tout surpris de la rencontrer encore à l’oratoire où il avait précédé tous ses confrères. Sa 1re occupation après avor adoré pieusement le St Sacremant, était de commencer le chemin de la Croix, debout à sa place il se tournait vers la 1re station, il s’y arrêtait longtemps à contempler les douleurs de l’Homme-dieu, de telle sorte qu’il put faire 3 ou 4 stations avant la méditation du matin. Après son déjeuner il revenait à l’oratoire et continuait pendant une ½ heure à faire encore un certain nombre de stations, pour achever le reste vers le soir. On lui fit la remarque que de cettge manière il ne gagnait poit les indulgences, il donnait pour réponse que le Bon Dieu aussi peut accorder des indulgences; mais le vrai motif qui le faisait agir de cette sorte, c’est qu’il pratiquait cette dévotion dans un double but tout spécial : savoir, pour se préparer à la mort et pour s’exciter à un grand amour pour J.C. A cette fin il voulait que le Chemin de la Croix devint pour lui un sujet de méditation pour toute la journée.
En mission, il se chargeait d’éveiller ses confrères, pour ne pas manquer son heure, il plaçait le réveil-matin sur sa table de nuit, mais cette précaution ne lui servait guère; A quoi bon, disait-il, un réveil que je dois réveiller moi-même. Une fois il se met à carilloner à minuit, une autre fois il attend jusqu’à sept ou huit heures du matin avant de se faire entendre, désormais je serai moi le réveil-matin. Il avait soin de se procurer tous les soirs d’une bonne provision d’allumettes phosphoriques, il faisait de la lumière à toute heure de la nuit pour ne pas venir trop tard. Son lever se faisait toujours avec une certaine solennité, il commençait par tousser bruyamment, pendt ¼ d’heure ilpacourait tous les tons de la gamme avec un tel vacarme qu’il éveillait tous les habitants de la maison et même du voisinage. Alors il se mettait à prier à haute voix, il criait vers le Ciel les actes de Foi, d’Espérance et de Charité, et ainsi tout en priant il allait de porte en porte exciter ses confrères. S’ils s’en trouvaient qui avaient le sommeil unpeu lourd, il ne se gênait pas pour leur faire quelque petite espièglerie soit en leur ôtant leur bonnet de nuit, soit en leur pinçant le nez jusqu’à ce put leur faire donner quelques signes de vie.
Un jeune Père s’était vanté de n’avoir pas besoin d’excitateur parce qu’il s’éveillait toujours à l’heure réglée; cependt le Père Grommen le trouva profondément endormi, à cette vue le bon papa se mit à rire en disant : Ah ! le voilà le petit coq qui s’éveille toujours à son heure, il me semble qu’aujourd’hui il est bien endormi, allons mon petit coqu debout ! Faites entendre votre chant car déjà l’heure est passée.
Quelque fois l’excitateur diligent se trompait de chambre et allait tapager près du lit du curé où de sa vieille mère. Ainsi un beau atin il entra bravement dans l’appartement d’un curé qui ronflait encore comme un ours: Allez, paresseux, levez-vous, quittez le lit, la cloche nou appelle à l’église. L’autre ouvre de grans yeux et répond : Non, Père Grommen, je ne me lève pas encore, j’ai la messe à dix heures, je v/ prie de me laisser encore reposer quelque temps. Papa s’excusa et partit doucement tout confus de sa méprise. – En été, pendt que les autres Pères se lavaient et arrangeaient leur toilette, Papa faisait un petit tour au jardin, en continuant toujours à prier à haute voix; mais c’est alors que sa prière devenait surtout intéressante : Mon Dieu, je v/ aime par-dessustoute chose, parce que v/ êtes infiniment bon, infiniment aimable ... – Ca ... ça ... çà, comble les asperges ont poussé cette nuit, on pourra bien nous en servir une grosse portion ... Parce que v/ êtes infiniment bon, infiniment aimable, j’aime le prochain comme moi-même ... tenez comme ces cerisiers sont en fleurs, si le temps continue à être favorable, les fruits ne manqueront pas ... j’aime le prochain comme moi-même ... mais il sera temps de rentrer pour la méditation. Il faisait se méditation à genoux sur le plancher, ordinairement il faisait lui-même la lecture de spoints et pour cela il se servait de préférence d’un petit livre du P. De La Salle, à l’usage des F.F. de la Doctrine Chrétienne. Il faisait grand cas de ces méditations parce qu’elles sont courtes et substantielles, ce ne fut pas sans peine qu’il parvint à se procurer cet ouvrage, il appartenait à un avocat de Gand, propagateur zélé de la Société de St-Vincent de Paul; le P. Grommen pour devenir l’heureux propriétaire de ce petit livre, dût faire une belle conférence aux membres de la société. Après la méditation, il se rendait à l’Eglise et si le sacristain n’était pas à son poste, il allait lui-même sonner la cloche, allumer les cierges, arranger la sacristie. Quoique levé avant les autres, il engageait ses confrères à dire la messe avant lui et quand les enfants de choeur se faisaient attendre, il servait à l’autel avec la plus grande humilité. Il célébrait la Ste-Messe avec une dévotion tout-à-fait édifiante, seulement il avait l’habitude d’élver la voix qu’il gênait parfois les prêtres qui célébraient aux autres autels. Il avait l’habitude de lire l’Evangile sur un ton déclamatoire et avec des inflexions de voix comme s’il l’expliquait au peuple; quand la chose lui plaisait particulièrement il faisait de la tête plusieurs signes d’approbation. Quelque foismême on le voyait sourire surtout à ces passages où le Seigneur confond l’orgueil des Pharisiens; alros il avait l’air de dire : Bien, très bien, les voilà mis à leur place comme ils le méritent. C’est ainsi que le bon P. Grommen trahissait continuellement le sentiments les plus cachés de son âme . –
Après son action de grâces, venait le déjeuner suivi d’un petit tour au jardin, puis il se mettait au travail. Quand il était au couvent, il ne manquait jamais de lire à genoux un ou plusieurs chapîtres de l’Ecriture Sainte, après cela il étudiait l’Homo Apostolicus ou bien il composait l’une ou l’autre instruction; il interrompait son travail par quelques petites visites au St-Sacrement. Enfin, il finissait par une lecture spirituelle entrecoupée de réflexions, le tout à haute voix. Ainsi on l’entendait à distance lire avec enthousiasme les miracles de N.d. de Lourdes par H. Lasserre, après chaque fait il déposait le livre en se mettait à parler tout seul. Voilà comment la Ste Vierge fait des miracles pour ces Français qui cependant n’en profitent pas : les vauriens, ils ne veulent pas croire malgré tant de prodiges parce qu’ils sont enfoncés dans la boue, s’ils étaient plus propres ils croiraient comme moi et les autres. As (?? sic) qu’est-ce que dit ! Ils voudrait gouverner le monde et ils ne savant pas se gouverner eux-mêmes; le bon Dieu les a châtiés et les châtiera encore ! –
Le Père Grom. aimait beaucoup la propreté, il ne se contentait pas de balayer sa chambre, souvent il la lavait au savon, on le voyait de tmeps en temps au jardin armé d’un martinet pour épousseter ses habits; il avait ainsi aune attention spéciale pour la doublure de sa calotte qu’il lavait plusieurs fois la semaine. Mais la plus chère de ses occupations était de repasser les rasoirs; il avait pour ce travail des lunettes particulières et 2 excellentespmierres qu’il portait partoutavec lui. Il rendait volontiers ce petit service à ses confrères et aux prêtres étrangers; dès les premiers jours de la mission, il interrogeait le curé et les vicaires sur l’état de leurs rasoirs, il les examinait attentivement, les arrangeait avec le plus grand soin, puis pour les essayer il se mettait gravement à raser les habitants de la maison; il était tout fier de son art et c’est peut-être le seul point où il céda parfois aux tentations d’orgueil. A la mission de Berthem, le P. Grom. était dans la salle à manger assis près d’une fenêtre, occupé à passer les rasois sur la pierre. Le curé, les vicaires et la servante le regardaient attentivement. Tout à coup le curé pousse un profond soupir et dit : Voilà un art que je voudrais connaître. La servante répond : Non est omnibus datum ! Tenez, dit le P. Grommen, vous parlez latin, je ne voudrais pas d’une servante pareille. – Mon Père, reprit-elle, vous savez bien ce que c’est qu’une servante de curé – Est malum necessarium –
Lui qui se montrait si empressé à faire la barbe aux autres, il avait un mal extrême à se la faire à lui-même; il la laissait pousser durant 4 ou 5 jours, il avait le visage couvert de poils hérissés, pour les faucher il lui fallait une heure entière, de l’eau de pluie bienchaude, des rasoirs exquis, un savon spécial, un cuir tout particulier, et tout cela ne suffisait pas encore, il devait avant tout enduire sa figure de graisse de cochonpr améliorer sa barbe revèche. Que de fois enmission après avoir rasé d’une main agile ses confrères et les autres prêtres de l’endroit, il allait lui-même à la recherche d’un figaro quelconque qui voulut bien lui rendre le même service. Tant il est vrai que malgré tout ses talents, toutes ses connaissances on a souvent besoin d’un plus petit que soi.
XXIV. Le midi
Après une matinée aussi bien remplie le bon Père se sentait un vif appétit quand venait l’heure de midi. Il était toujours à son poste à moins d’être empêché par un motif des plus graves et il se montrait fort mécontent des retardataires; c’est pourquoi il avait soin pendant les missions, de donner exactement le ¼ avant midi en agitant pendant plusieurs minutes la plus grosse sonnette qu’il eut à sa disposition, afin que les confesseurs eussent le temps de se mettre en règle. Un jeune Père, emporté par son zèle, avait fait 2 jours de suite la sourde oreille au signal du supérieur; le 3me jour il arriva encore trop tard au diner, comme il allait se mettre à table, le P. Grommen lui indiqua du doigt le coin de la salle et lui dit : mon cher petit, allez vous mettre là à genoux et priez 5 Pater et 5 AVe, cela vous rendra un peu plus attentif au signal. Le jeune Père profita si bien de la leçon que dès lors il fut au poste toutes les fois qu’il s’agissait de faire manoeuvrer la mâchoire.
A table le Père Grommen avait toujurs q.q. petits récits pour amuser les convives, ce qui plaisait surtout ds ses narrations, c’est la manière naïve dont il les racontait et le bon gros rire dont il les accompagnait, il riait toujours le premier de ses histoires et vers laf in il se mettait à tousser et à rire aux larmes, à tel point que sa voix entrecoupée ne pouvait plus prononcer les paroles. Alors les figures les plus sérieuses se déridaient à leur tour et bon gré mal gré tous riaient avec lui : Voici luelques unes de ces historiettes qui revenaient le plus souvent sur le tapis.
Tenez, Mr le curé, je dois encore rire quand j’y pense, 3 beaux messieurs, employés du gouvernement faisaient un tour de la Campine, je ne sais plus à quelle occasion; je crois qu’ils allaient explorer la bruyère. Ils étaient en voiture, vers midi ils s’arrêtent à une auberg de fort modeste apparence, car les gds hôtels ne se rencontrent pas en ces contrées. Ils entrent et demandent à diner. Une bonne grosse femme les reçoit et leur dit qu’elle n’a rien à leur offrir. – Mais cependant, vous devez bien avoir quelque chose ? – Rien, Messieurs, absolument rien et voilà tout. – Voyons, vous avez de l’eau ? – Oui, Mr. - Vous avez du pain ? – Oui, Mr. – Vous avez du feu ? – Oui, Mr. – Eh bien, prenez une marmite, mettez-y de l’eau et du pain, ajoutez-y ces 3 petits cailoux, cela fera notre diner, en attendant veuillez donner du foin à mon cheval. La femme exécute ses ordres en se disant :
Voilà des hommes qui se contentent de peu, mon mari ne voudrait pas d’un si maigre repas. Mais voyez, M. le Curé, pendant que la femme se rend à l’écurie pour y soigner le cheval, les 3 messieurs répandent l’eau de la marmite et y versent quelques bouteilles de Bordeaux qu’ils portaient avec eux, puis après y avoir mis du pain et du sucre, il laissent bouillir le tout à son aise. Là-dessus, la femme rentre et s’écrie : Oh, messieurs, que cela sent bon ! D’où vient cette agréable odeur ? – Mais, bonne maman, cela vient des trois petits cailloux que vous avez mis ds la marmite. Et puis voyez l’eau est devenue toute rouge ? Cela vient encore des 3 petits cailloux ! La femme allait de surprise en surprise, mais quand la soupe était bouillie à point et qu’on l’invitât à y goûter, elle crut tomber à la renverse. Quel mets délicieux; jamais de ma vie je n’ai mangé quelque chose de pareil. Oh ! que je voudrais avoir de ces petites pierres pour régaler mon mari, c’est alors seulement qu’il aimerait son épouse et ne la batterait plus. – Oui, bonne maman, mais ces pierres sont rares et précieuses. Bah, reprend un autre, elle nous a si bien soignés, donnez-lui les pierres, nous pouvons nous en procurer encore. – La femme en recevant ce trésor se crut en paradis. Engin les voyageurs s’en vont et le amri entre, aussitôt la femme de s’écrier : Maintenant je sais quelque chose. Et que sauriez-vous donc, vieille bourrique, vopus ne savez même vous taire. – Je sais faire un bouillon comme le Roi n’en mange pas. Oui, je le connais votre bouillon, les chiens mêmes n’en veulent pas. Alors la femme lui raconte en détail l’histoire des petits cailloux, le mari écoute attentivement, déjà l’eau lui vient à la bouche, il prie sa femme de faire l’essai sans tarder. La marmite est bientôt sur le feu, les pierres s’y trouvent avec le reste. Déjà l’eau bout depuis une demi-heure mais sans changer de couleur, sans répandre cette odeur attrayante; on la goûte, c’est de l’eau clair comme avant. – Et cependant, dit la femme, j’ai vu de mes yeux, j’ai senti de mon nez, j’ai goûté de ma bouche. – Sotte que vous êtes, reprend le mari, ne voyez-vous pas que toute la graisse a été extraite des pierres par la 1re cuisson. – Je vou slaisse à penser, M. le Curé, comment la pauvre femme fut récompensée pour sa peine. –
Autre histoire. – M. le Curé, vous connaissez un vauneau ? C’est un petit oiseau de passage bien connu par ce cri aigu qu’il répète sans cesse : Kivite, Kivite, Kivite ... Or nous étions en 1830 au temps de la révolution belge, la ville de Hasselt était gardée par les volontaires, on avait placé des sentinelles aux abords de la place de peur d’une évasion de l’ennemi. Un soir vers la nuit tombante, un brave habitant de la ville rentrait paisiblement d’une excursion à cheval. Tout-à-coup un vauneau se met à crier: Kivite – Kivite – Kivite ... !! Le voyageur croyant entendre la sentinelle qui criait : Qui vive ? se hâte de répondre en bourgeois de hasselt : Mrs un boureois de Hasselt. L’oiseau répète son chant. L’autre tremblant de tous ses membres répond en élevant la voix : Bourgeois de Hasselt, Mrs, bourgeois de Hasselt. Le vauneau réprend encore : Kivite... Kinvite ... Kivite ...!! En même temps un gros hanneton vient en bourdonnant heurter le front du voyageur; celui-ci se croit atteint d’une balle de fusil, il se laisse choir de son cheval et tombe à terre glacé d’effroi; la pauvre bête effrayé de cette chute s’arrête tout court, lève la queue et arrose son maître d’une ondée chaude et odoriférante. Celui-ci s’imagine que c’est le sang qui coule de sa blessure. Alors, il crie de toutes ses forces : Au secours ! Je nage dans mon sang, je meurs victime de mon courage et de mon patriotisme. Heureusement qu’on est venu le ramasse, sans quoi il se trouverait encore à la même place. Mais jugez, M. le Curé, si l’on s’est moqué de lui. –
Voici un petit trait malicieux qu’il racontait volontiers. –
Il était en mlission avec un confrère chez un bon curé qui tenait fort à traiter convenablement ses convives, comme il les pressait à déguster ses vieux vins, le P. Grommen lui dit : Ecoutez, mon cher curé, nous sommes 3 à table, nous nous tiendrons tous les jours à une seule bouteille, mais si vous le voulez bien vous pouvez nous servir chaque jour une espèce différente, de cette manière nous passerons en revue toute votre cave. L’accord fut conclu. A chaquebouteille le curé interrogeait les Pères : Que dites-vous de mon vin ? Que pensez-vous de celui-ci ? Que croyez-vous de celui-là ? La réponse du P. Grommen était toujours la même, tout ce que vous donnez est bon, excellent mais attendez jusqu’à la fin, je vous dirai lequel je préfère. Enfin la dernière espèce avait paru, il fallait prononcer le jugement. M. le curé, dit-il, je le répète tous vos vins sont bons, excellents, mais le meilleur de tous c’est celui que vous avez donné hier. – Quoi, celui d’hier ? Oui, M. le curé. – Mais c’est la plus commun de ma cave. -Et cependant c’est le meilleur, M. le crué. – Maqis il ne coûte pas 1 franc la gbouteille. – Le prix n’y fait rien. – Mais il ne date que de l’année passée. – L’année n’y fait pas davantage. – Vs n’en connaissez rien. – Je l’avoue, M. le curé, mais faites en l’épreuve; demain, jour de la clôture, vous recevez les prêtres de la conférence, vous aurez M. le doyen et d’autres anciens curés fot respectables et qui se connaissant en vin mieux que moi. Je sais que vous avez résolu de les régaler comme il faut; hé bien, à la fin du diner dites leur que vous avez encore quelque chose en réserve, et donnez leur alors 1 bouteille de ce vin que vs appelez le plus commun, ns verrons alors ce qu’ils en diront. Ainsi dit, ainsi fait. On goûte le vin; c’était du Jurançon 1868. – On se regarde et l’un des curés prenant la parole : Cher confrère, où vous êtes-vous procuré cela ? Je ne savais pas que vous eussiez une pareille liqueur dans votre cave. De quelle année est-il? Devinez! l’un de rire. Il est de 46. Non, non répond un autre, il est au moins de 34. Je le crois plus vieux répond un autre, il pourrait être de 22. Ne serait-ce pas de l’an 11, répond un 4me ? Enfin le curé pour couper court à la discussion leur dit : Demandez au P. Grommen, il le connaît, c’est lui qui vous en régale. Aussitôt tous les regards se tournent vers le Père – Que vous importe, dit-il, puisque vous le trouvez bon ? Dites toujours – Hé bien, puisque vs tenez à le savoir, il est de l’an passé. A ces mots les figures s’allongent, on fait la moue, on trouve que le vin a mille petits défauts; il est encore un peu âpre, il est trop sucré; il a le goût du soufre, il deviendra bon avec le temps. – Pendant ce temps le père Grommen riait sous cape et triomphait en silance d’avoir si bien attrapé ces fins connaisseurs.
Cependant il ne s’en tirait pas toujours avec les mêmes honneus. Un jour qu’il venait de terminer la mission à la cathédrale de Gand, il était à table avec un curé des environs aveclequel il s’entetint familièrement tout le long du diner. Ds l’après-midi il se rend à la station avec son sac de voyage pour revenir à son couvent : sur le point de remonter en voiture un respectable ecclésiastique l'a’coste, lui serre la main, lui parle avec intimité. Le P. le regarde et lui dit : Mr. le curé, il me semble vous avoir encore vu, mais il y a probablement bien longtemps d’ici, vous devez avoir beaucoup changé depuis lors. – Mais P. Grommen vous badinez ? Non, vraiment je ne vous remets pas. Est-il possible ? Et ce midi j’ai été votre voisin de table, assis à vos côtés, vous m’avez entretenu des heures entières et maintenant vs ne me reconnaissez pas ? Le P. Grom. balbutia q.q. excuses et entra en voiture, honeux comme un renard qu’une poule aurait surpris.
Notre Papa avait l’habitude de pendre la sieste; au couvent il se jetait sur sa paillasse et dormait tranquillement depuis vêpres jusqu’aux actes communs. En mission il montait à sa chambre, s’étendait sur le plancher et plaçait sous sa tête une chaise renversée sur laquelle il déposait sa simorre en guise d’oreiller. – Un jour qu’il était logé àl’évéché de Gand, l’évèque vint le surprendre au moment où il prenait sa méridienne. Le P. Grom. entend frapper et s’écrie : Ave Maria ! Puis voyant entrer sa Grandeur il se met à rire en disant : Mgr, dois-je me lever ? Non, non, mon Père, demeurez à votre aise, seulement je vois que vs êtes mal couché, je vais vous faire apporter un matelas. Pardon, Mgr, je vous prie de n’en rien faire, je suis très bien comme cela. Mgr alors lui fit une recommandation pour le sermon du soir et sort fort édifié de la simplicité et de la mortification de son missionnaire.
En hiver, le P.Grommen, trouvant qu’il faisait un peu froid ds sa chambre, demeurait ds la salle à manger et prenait son somme en pleine compagnie. Il se levait de table, s’approchait du poële, invitait son monde à ne pas interrompre la conversation, car disait-il, causez, riez, tapagez tant qu’il vous plaira cela ne me gènera pas.
Plais il dormait comme s’il était seul au monde. Quelque fois pendant qu’il dormait on se mettait à jaser sur son compte; pour le taquiner quelque peu on faisait semblant de le désapprouver. Voyez, Papa, qd il a bien diné il fait sa digestion les yeux fermés et la bouche ouverte, on voit qu’il se fait vieux. Il a l’air de dormir mais le fin matois entend tout cer que nous disons. Peine inutile, il continuait à dormir comme un mort. Alros on changeait de thème, on le louait, l’exaltait; notre papa est pourtant un saint homme. Voyez comme il a l’âme tranquille, la conscience en repos; quel modèle de vertu, il finira par poérer des miracles et par se faire canoniser. Bientôt il commençait à sourire, ouvrait des yeux languissants et murmurait à voix basse : taisez-vous, méchants, permettez à un vieillard de se reposer quelques instants.
Quand l’heure du confessional était venue, papa se levait pr se mettre à l’ouvrage et comme il ne lui restait pas le temps de prende son café, il se contentait de prendre en bouche qq. fèves de moka qu’il mâchait en se rendant à l’église.
XXV. La Récréation
Les heures de récréation furent souvent pour le P. Grommen une occasion de faire bien des actes de vertu. Quand la communauté était au complet et que la conversation lui paraissait assez animée, il ne disait plus grand’chose, il se contentait d’écouter, de rire à l’occasion et de placer un petit mot à son tour; mais lorsq’n était en petit comité ou que la conversation semblait languir, il se mettait en frais pr la ranimer et égayer ses confrères. IL devenait tout à tour historien, philosophe, homme d’état, naturaliste et même sorcier. Parmi ses tours de prestidigitation il y en a deux, dont il aimait à faire parade. Il portait enpoche une petite boule bien ronde qu’il appelait sa boule magique, il la déposait mystérieusement sur la table, puis la prenant entre le pour et l’index il la faisait examiner à toute la compagnie. Après il la remettait en place. Alors il invitait l’un ou l’autre de ses confrères à tenir les yeux fermés, puis à croiser les deux premiers doigts de la main droite de sorte que le second se trouve sur le premier. Maintenant, disait-il, promenez lentement vos doigts ainsi croisés sur la boule magique. Que sentez-vous ? Je sens 2 boules. Et moi, je vouv affirme qu’il n’y en a qu’une. Je vous assure qu’il y en a deux; et moi je vous dis qu’il n’y ena qu’une. Impossible ! Ouvrez les yeux, tenez. Effectivement, il n’y en a qu’une. Mais P. Gromm., est-il possible ? Le diable s’en mêle, il y a de la sorcellerie. Puis chacun voulait essayer la petite boule; c’était des cris d’admiration, des rires qui n’en finissaient, et le bon papa était rayonnant de joie et de bonheur, parce qu’il avait procuré ce ¼ d’heure de plaisir à ses frères.
Le second tour se faisait plus solennellement encore : il plaçait une chaise au milieu de la salle t invitait les assistants à s’en éloigner le plus possible parce que, disait-il, il allait la magnétiser. Après quelques signes cabalistiques formés sur la chaise, il priait quelque’un de l’assemblée a sy asseoir en disant : Ecoutez, je vais me promoner lentement autour de cette chaise en quand j’aurai fait le 3me tour v/ serez obligé de vous lever. Oh! c’est bien facile, vous renverserez ma chaise. – Dans ce cas, je ne me lèverai pas. Vous vous lèverez avant que j’aurai fait le 3me tour. – Je prétends que non. – Vous allez voir, attention. Alors il fait gravement le tour de la chaise et en passant devant le sujet il lui fait un profond salut. Après une courte pause suit un second tour et un second salut, ensuite il va tout bonnement s’asseoir à sa place en riant à se tenir les côtes. L’autre le rappelle, ici, arrivez donc, il v/ reste encore un tour à faire. C’est pour demain, lui dit papa, en ricanant, restez toujours, vous pouvez passer la nuit sur cette chaise, vous y serez très bien, demain je viendrai vous délivrer. Oh ! pour celanon, j’aime mieux me déclarer vaincu. Alors le vieux renard était tout content de ce que son tour avait réussi. Quelquefois il y mettait un peu plus de malice. C’est ainsi qu’à Vilvord, pendant une retraite donnée aux prisonniers il joua à l’un de ses confrères, un tour vraiment pendable. L’aumônier de la prison qui logeait les Pères, avait un petit chien vif et aimable appelé Carlin. L’animal témoignait beaucoup d’amitié aux missionnaires, seulement quand ils étaient à table il ne leur laissait pas un moment de repos. Cela ennuyait joliment le P. Gromm. qui aurait bien voulu trouver un moyen de s’en débarasser. Il se rend mystérieusement auprès d’un confrère et lui dit en confidence : Mon Père, avez-vous jamais vu un moule de Carlin. L’autre qui jouait un peu de l’avocat et prétendait être au courant des secrets de la prison, s’imaginait qu’il était question de faux-monnayeurs, il croyait qu’n prisonnier avait remis au P. Gromm. les instruments dot il s’était servi pour fabriquer la fausse monnaie et qu’on allait lui montrer le moule dans lequel il avait coulé des carlins, c-à-d. des pièces de 20 frs. Aussi, il répond vivement : Mon Père, je n’ai jamais vu de moule de Carlin, je v/ en prie montrez-le moi. Bine volontiers, mais il faut attendre que tous les Pères soient présents, sans quoi je devrais les montrer sans fin. L’autre court de droite et de gauche : Venez voir un moule de carlin. Bientôt chacun est à son poste, même le petit chien qui sautille sur les Pères pour leur mander quelques caresses. Bah ! dit le P. Gromm., ce chien ne me plaît pas, j’ai toujours peur qu’il ne me morde. Est-il possible, répond le Père avocat, avoir peur d’une petite bête comme celle-là ? Oui, oui, je ne m’y fie pas. Tenez la ferme par la tête, sans quoi je ne montre pas le moule. C’est bien, reprend l’avocat, je me charge de la tête. Venez, mon petit Carlin, venez ici, mon cher petit. Mais pendt qu’il tient l’animal par la tête, le P. Gromm. s’en approche, le lève par la queue, le retourne vivement et indiquant la partie postérieure de la bête, il dit : “Voilà le moule de Carlin.” A ces mots, tout le monde éclate de rire à l’exception de celui qui se trouvait le dindon de la farce. Le pauvre avocat ne savait quel parti prendre, et pour comble de malheur,ce petit Carlin voulait se jeter sur lui et le déchirer à belles dents pour se vengerde l’injure qu’on lui avait fait endurer. Jusqu’alors, le Carlin et l’avocat avaient été bons amis, mais dès ce moment l’amitié fut rompu: à chaque rencontre le petit chien aboyait à fendre les oreilles et le Père avocat devait se mettre à l’écart pour ne pas être mordu. Père Grommen,cette fois-ci vous avez été méchant; pourquoi donc avez-vous fait cela ? je vous le dirai, d’abord, j’ai voulu un peu rabattre le caquet de notre avocat qui croit connaître le bout du monde. Ensuite je voulais aussi rompre cette trop grande initimité entre le chien et lui. –
Notre bon papa aimait bien de faire de temps en temps une petite promenade, mais il était ennemi des marches forcées et pour cela il choisissait de préférence un compagnon qui trainait les jambes à peu près comme lui. Frère Goerges le vieux jardinier du couvent, avait souvent l’avantage de l’accompagner dans ces petites excursions. Avant de se mettre en route, il demandait la permission de se munir de quelques bonnes grosses poires pour se rafraîchir encehmin. Alors les 2 vieillards s’acheminaient lentement vers quelque endroit écarté; là, ils s’asseyaient sur le gazon, savouraient à leur aise les fruits succulents qu’ils avaient apportés. Après quoi l’un disait son bréviaire, l’autre son chapelet et finalement tous deux s’en retournaient gravement au couvent comme ils en étaient partis, souvent ils échangeaient q.q. mots avec les campagnards ou les enfants qu’il rencontrait (sic) sur son (sic) passage; aux premiers il parlait de la récolte, du bétail, du prix des grains, aux seconds il proposait quelque question de catéchisme et s’ils répondaient bien il leur donnair quelque petite image ou s’il en manquait il leur permettait de mordre une bouchée dans la poire qu’il finissait ensuite. Durant ces petites excursions il aimait à rendre service toutes les fois qu’il en travait l’occasion. Un jour, il alla visiter les nouvelles fortifications d’Anvers, il examinait les travaux avec une attention scrupuleuse, on aurait dit le maréchal de Molkte (sic) en personne. un jeune militaire en sentinelle sur les remparts le regarde fixement et lui dit : Bonjour P. Grommen. Tenez, vous me connaissez, et comment cela ? Je suis un villageois de Waerschoot où vous avez prèché la mission. Je vous ai fait ma confession généale et j’ai reçu le scapulaire de vos mains. Malheureusement je l’ai perdu et je ne trouve pas moyen de m’en procurer un autre, ce qui m’afflige beaucoup. Consolez-vous, mon brave garçon, à la première sortie que vs aurez vous viendrez chez nous et vous recevrez un beau scapulaire. Mais non, car vs devriez peut-être encore attendre longtemps. Voici le mien, portez le avec dévotion, et qd vous aurez q.q. heures de liberté, venez me voir, ns causerons un peu, dcela vs fera du bien et pr moi cela sera un gd plaisir. La-dessus il revint au couvent heureux de sa bonne action. Une autre fois se promenant le long d’un verger il remarque au milieu
des branches d’un pommier un énorme nid de chenilles. A cette vue il jette un cri d’alarme, il court vers la ferme voisine où il met tout le monde sur pied, il réclame des échelles, des cordes, des couteaux. Le fermier tremblant d’effroi accourtance toute sa famille s’attendant à un grand malheur. Le Père lui indique le nid malencontreux; enlevez-moi cela au plus vite, sans quoi vous n’aurez aucune pomme ds votre verger et vos arbres même courent grand risque de mourir. Ensuite retournanat chez lui, il fait à son compagnon une longue dissertation sur les ravages que ces vilaines chenilles causent souvent aux arbres fruitiers. Il rayonnait de joie parcequ’il veit enocre de rendre service et il avait l’air de dire avec l’Empereur Trajan : “Aujourd’hui je n’ai pas perdu ma journée.”
XXVI. Le Voyage
C’était une affaire capitale pour le Père Grommen de se mettre en route pour une expédition apostolique; il s’y préparait plusieurs jours d’avance : la veille on le voyait circuler tête nue ou couverte de sa calotte parce que sa barette était déjà dans le sac de voyage. Il se rasait bien proprement, cirait ses souliers, brossait ses habits, lavait sa calotte à neuf. Il était tellement affairé que toute la journée pouvait à peine suffire à la besogne. Enfin le gd jour est arrivé. Le P. Grommen est sur pied longtemps avant les autres, il a fait sa méditation pendant que ses confrères sont encore au lit, il dit la Ste Messe le plus tôt possible, il déjeune avc un gros morceau de fromage pour prévenir les accidents plus ou moins désagréables, ensuite, après avoir dit ses petites heures, il prie bien dévotement son itinéraire, auquel il a toujours attaché gde importance. Sachez-le bien, disait-il, s’il vous arrive un malheur en chemin, c’est que vs n’avez pas bien récité les prières de l’itinéraire, dites-les toujours avec dévotion et vous reviendrez sain et sauf de tous vos voyages. Plus d’une heure avant le temps il était en route pour la station où il arrivait ordinairement une demi heure ou ¾ avant le départ du train. Un beau matin et en plein hiver et par un froid rigoureux il trouve des abords de la station fermés, le voilà planté au milieu de la neige transi et grelottant, heureusement il remarque une petite lumière à l’étage d’une auberge, il va frapper à la porte et demande un abri jusqu’à l’heure du départ. Cette crainte excessive de manquer son train lui venait d'’ne aventure arrivée au commencement de ses (courtes lisez) courses apostoliques; un jour il se trouvait avec un confrère plus âgé ds la station d’Ypres pour retourner à St-Trond. Son compagnon se promenait de long en large, le P. Grom. le priait de ne pas trop s’éloigner, mais l’autre de répondre : Nous avons encore tout le temps : voilà le train qui arrive, nos 2 missionnaires prennent le pas de course, c’était trop tard, ils voient le convoi filer devant eux. Il fallait attendre deux heures, nos 2 amis en profitèrent pour prendre un verre de bière et prier leur office, puis couchés à leur aise ds la salle d’attente ils se livrent à un doux sommeil si bien que le temps passe vite, trop vite même, car lorsque le P. Grom. éveilla son compagnon, leur train était déjà loin. Maintenant, il ne leur restait plus quà prendre le convoi du soir et à passer la nuit ds un de nos couvents de Bruxelles. Depuis lors Papa prenait ses précautions et avait l’habitude de dire : Mieux vaut une heure trop tôt qu’une minute trop tard. Une fois en voiture, il tirait de sa poche un petit chapelet béni du Pape et se mettait à prier avec beaucoup de distraction. Comme il avait déjà achevé son chapelet de règle et se croyait entièrement libre et tâchait d’allier la prière avec une légitime curiosité, il considérait les champs, admirait les moissons : Bénissez le Seigneur pr ses bienfaits; quand il apercevait un clocher de village, il adorait de loin le Très St Sacrement et saluait en passant les Anges protecteurs de l’endroit. Quelque fois sa prière prenait un tour tout à fait original. Je vous salue, Marie pleine de grâces ... Tenez, je vois courir un lièvre; ça, ça, s’il y avait là un chasseur il l’aurait bien vite abattu. – Le Seigneur est avec vous –si le beau temps continue la moisson sera rentrée avant 15 jours. Les paysans seront contents, ils auront une bonne année. Toutes les fois que le train faisait une halte, comme le bruit des voitures ne couvrait plus sa voixil en profitait pour faire une petite causerie à son aise, et alors il avait toujours un petit mot pour rire. Un jour ds les environs d’Audenarde, il lisait cette inscription sur des poteaux plantés le long du chemin de fer : il est défendu sans autorisation de circuler sur cette route. A cette vue, il se met à rire aux éclats. Voyez, dit-il, chacun est libre de circuler sur cette voie, tant qu’il lui plaît, puisqu’on le défend sans autorisation; ce qui est défendu sans autorisation, doit être permis à tout le monde. Et il riait de si bon coeur que son hilarité devint communicative et fut partagée par tous les voyageurs.
Il était ordinairement muni d’une petite boîte de caramels ou de jujube pr se rafraîchir la gorge avant de monter en chaire; après un certain temps de voyage il ouvrait sa boîte, la présentait gracieusement à tous ses confrères et s’il découvrait ds sa voiture q.q. bonne maman il lui offrait gracieusement sa boîte en disant : Voilà ma petite mère, prenez un morceau; cela vs fera du bien pour votre faible poitrine.
Quand il avait un long voyage, il ne se génait pas pour prendre un morceau au buffet de la station et toujours il s’y trouvait triaté avec une rare (convenance lire) prévenance, tant il savait inspirer de l’intérêt à tout le monde. Un jour il prenait un verre de bière à Gand ds la salle d’attente de 1re et 2me classe. Suvint un commis voyageur qui à son tour demande un verre de Faro. Mr, répond la dame, veuillez passer à la salle de 3me, ici on ne sert pas de bière. Et cependant vs en avez donné à ce vieux calottin. Mr, cela ne vous regarde pas et si vs. vs. permettez encore d’insulter ici des prêtres respectables, je vais appeler la police pour vs mettre à l’ordre. L’autre ne demande pas son reste et sortit sans mot dire. Une autre fois nos Pères devaient attendre 1 bonne heure à Bruxelles. Les plus jeunes allèrent prendre q.q. chose à la Madeleine, lP. Grommen qui ne pouvait marcher aussi vite, voulut demmmeurer ds la station. A leur retour les Pères trouvèrent papa ds la salle du buffet commodément assis sur une chaise bourrée près d’une petite table enmarbre blanc. Voyez, leur dit-il, la bonne fortune qui m’échoit pr une simple petite pièce d’un franc, j’ai reçu une ½ boueille de Bavière avec un petit pain et un morceau de jambon, maintenant j'’rai bien jusqu'’u soir : ds des circonstances pareills ces bonnes gens auront encore ma pratique.
Le sans-gêne qu’il montrait en voyage allait quelque fois un peu loin parce que le respect humain lui était inconnu. Il arriva un jour à Bruxelles où il devait attendre q.q. temps pr. prendre un autre train. On était enplein hiver et comme il avait froid, il alla s’asseoir près du poêle ds la grande salle d’attente. Touts les banquettes étaient occuper par de nombreux voyageurs pr la plupart de belles dames et de beaux Mrs. Lui seul se trouvait près du feu de sorte qu’il attirait tous les regards. Il tenait les jambes écartées et sa soutane entre’ouverte laissait voir ses beaux mollets et ses culottes grises. Il tenait des 2 mains son mouchoir à carreaux lrge ouvert pour le faire sécher au feu, un petit chien bint flairer le mouchoir et caresser les jambes du Père. Celui-ci prend sa tabatière et présente un prise au roquet. l’animal effronté se fache et fait retentir la salle de ses aboiements aigus. Toute la société éclate de rire et le bon Papa riant à son tour, jette un regard placide sur toute l’assemblée qui l’environne et continue à se chauffer comme s’il avait été seul (ces lisez) dans sa cellule. Un de ses confrères lui fit remarquer par après que sa tenue n’avait pas été trop convenable à quoi il répondit : Ecoutez, cher Père, puisque ns . payons comme tout le monde, je ne vois pas pourquoi nous devrions ns géner, cependant comme vs. trouvez que j’ai manqué aux convenances je vs promets de ne plus le faire ds la suite.
Pendant ses mombreux voyages il lui arriva plus d’une fois de rencontrer des accidents qui auraient pu avoir des suites funestes, mais la Div. Providence veillait sur lui et le préserva toujours des malheurs dont il se voyait menacé. Les supérieurs l’avaient envoyé avec 2 compagnons prècher la mission ds une commune du Limbourg, situé sur les bords du canal de Maestricht. Les missionnaires étaient arrivés par la malle poste assez tard ds la soirée, on les déposa en pleine chaussée, non loin de la cure, on leur montra un petit sentier à suivre et au bord de 5 minutes ils se trouveraient à la maison du curé. Chaque Père prit son sac et l’on se mit en marche?. Le P. Grom. en tête. Il faisait fort noir, on pouvait à grand’peine distinguer la route, trompés pas les ténèbres nos missionnaires s’écartent du droit chemin et prennent une mauvaise direction. Déjà ils avaient marché plus d’un ¼ d’heure, tout à coup Papa s’arrête et dit à haute voix : je ne vais pas plus loin, j’attendrai ici qu’on vienne à notre secours, dussé-je passer la nuit à cet endroit. Les autres Pères s’arrêtent également; pendant qu’ils conféraient entre eux quelqu’un accourt et leur dit : Mes R. Pères, le bon Dieu vs a secourus, un pas de plus et vous alliez vs noyer ds le canal, suuivez-moin je vs conduirai à la cure; l’on comprend avec quelle ferveur le bon Père remercia Dieu de cette protection si visible.
Une autre fois il se rendait avec 2 confrères à la mission de Desteldonck; ils étaient en voiture et devaient longer un certain temps le canal de Zebraaten. Le P. Gromù. s’entretenait comme d’habitude avec le conducteur, le cheval allait à l’abandon et s’approchait de plus en plus des bords de l’eau, déjà la voiture penche, bientôt elle va faire la culbute, les autres Pères remarquent le danger, ils font signe au P. Grom. qui heureusement ne perd pas la présence d’esprit, il saisit les guides et tâche de ramnere doucement le cheval vers le milieu de la route. Alors ce fut comme une explosion de joie, de bonheur. Ca, ça, ça, dit-il, à quel terrible danger ns venons d’échapper; jamais je n’ai vu la mort de si près, sans une assistance particulière du Seigneur, ns allions périr tous. Il avoua ensuite que pendant qu’il conduisait le cheval il avait récité au moins une dizaine d’actes de contrition, car, ajoutait-il, si la bête se fut effrayée, tant soit peu elle ns. aurait encore jetés à l’eau.
Après la mission du Mont-St-Amand, faubourg de Gand, on le reconduisait en voiture à la station de l’Etat. Il fallait traverser la ville. Le cheval était aveugle et avait besoin d’être conduit avec soin. Papa qui ignorait ce détail, entama de nouveau une conversation animée avec son conducteur. La pauvre bête qui n’y voyait rien était remontée sur le trottoir et se préparait à entrer dans un magasin de procelaine. A cette vue les passants s’arrêtent, jettent de hauts cris, et parviennent enfin à rappeler à eux le P. et le cocher; ils remettent le cheval sur la bonne route et continuent leur chemin en silence.
Nos Pères venaient de terminer la mission de Quaremont avec le plus gd succès. Pr retourner chez eux, ils avaient à faire 2 lieux en voiture jusqu’à la station d’Anseghem. Pendant qu’ils s’acheminaient vers la ferme où les attendait une vieille carriole, ils rencontrent une troupe de bohémiens, un idividu de la bande sâle comme un peigne, se met à jouer sur son orgue de barbarie la polka des lanciers, tandis qu’une bande de jeunes enfants pieds nus et couverts de haillons, entourent le P. Grom. lui demandant l’aumône ds un jargon incompréhensible. Le Père leur donna un petit sou et continua son chemin en disant : cela ns portera bonheur. Voilà ! les missionnaires en voiture. Le cheval jeune et vif descend la montée au triple galop en poussant un hénissement joyeux. Leconductuer se donnait beaucoup de peine pour le tenir en bride; il ne paraîssait pas trop rassuré ! La bête est jeune, disait-il, et depuis plusieurs semaines, elle n’a pas quitté l’écurie, cela fait qu’elle est un peu sauvage. Et en effet, au milieu de la descende (sic)le cheval se cabre, lance une ruade ds la voiture au moint de déchirer le tablier en cuir et toute la boutique se trouve par terre, mais par un prodige inexplicable le cheval retire les (espace libre) de sa voiture, se redresse rapidement et continue sa course sans le moindre malheur. Le conducteur pâle comme un linge ne disait mot, mais arrivé à la station, il s’écria : Pères, c’est par miracle que ns avons échappé à un terrible accident, je ne comprends pas comment mon cheval a pu se dégagr si vite et cela sans se compre les jambes et sans briser le timon de la voiture. A quoi Papa répondit : Je le comprends fort bien : c’est la récompense de la petite aumône que j’ai faite à ces pauvres enfants.
Il eut encore un accident fort grave en se rendant à Deurne près de Diest; le train où il avait pris place dérailla, ce fut une confusion horrible, plusieurs wagons furent brisés, réduits en poudre, beaucoup de voyageurs gravement blessés, mais nos 2 missionnaires protégés par le ciel s’en tirérent sain et sauf. Le P. Grom. plein de reconnaissance rendit grâce au Seigneur. Gloria patri. Voyez comme la div. Providence veille sur ses serviteurs.
XXVII. La Nature
Peu d’hommes ont joui des beautés de la nature comme le P. Grom; il aimait Dieu ds ses oeuvres et la vue des créatures élevait son âme vers le Créateur. Un jour qu’il était en promenade avec un confrère il s’arrête devant un chène. Voyez, dit-il, quelbel arbre. D’où est-il venu ? On ne l’a pas planté là tel que nous le voyons. Il fut un temps où ce chène fut enfermé ds un gland : ce gland jeté en terre y pourrit, mais il contenait ds son sein un germe imperceptible qui s’est mis à pousser et sortit de terre sous la formed’une petite branche, la branche a grandi , est devenu un arbuste; l’arbuste s’est développé, est devenu un grand arbre, l’arbre a continué a croître et aujourd’hui c’est un géant qui résiste aux ouragans, brae les tempêtes et dont les bras étendus peuvent ombrager des centaines de personnes. Et après cela on osera rier l’existance de Dieu ou sa Div. Providence qui prend soin de tout. Cet arbre me dit que les incrédules sont de vrais stupides ou de fameux vauriens. Un jour, au musée d’Anvers, on attirait son attention sur un magnifique tableau représentant des fruits et des feleurs. A cette vue il se met à rire : allez à notre jardin, dit-il, vs y trouverez des fruits et des fleurs mieux faits et beaucoup moins chers; il est vrai qu’ils sont sortis de la fabrique d’un maître plus hbile que tous les autres. Les champs et les jardins étaient son paradis terrestre, tout y excitait son admiration, depuis le peuplier qui élève la tête vers les cieux jusqu’au moindre brin d’herbe qu’il foulait aux pieds. Il aimait surtout les fleurs; il s’arrêtait souvent a contempler ces petites créatures du bon Dieu, les examinait en détail, considérait avec un indicible plaisir leurs beautés toujours nouvelles, l’éclat de leurs couleurs, la finesse si délicate de leur étoffe, leur forme élégante, leur ensemble si achevé, si parfait. A cette vue il s’écriait : il faut une sagesse infinie pour pmroduire une créature pareille. Il s’amusait beaucoup à aider le vieux frère Georges ds la culture des fleurs ; par ses soins la terre du couvent se remplissait d’une grande variété de géraniums, de magnifiques camélias et d’azalées d’un gd prix, mais surtout d’une collection peut-être unique de pélargoniums. Il faisait une étude spéciale de ces belles fleurs, il engageait le frère à produire de nouvelles espèces de pélargoniums qu’il baptisait ensuite de noms superbes, tels que Recteur, Majeur, Provincial, Père Ministre, Père Passerat, Père Hofbauer, Frère Gérard. Quand à la fleur de St Alphonse, c’était le cactus blanc dont l’éclosion était considéré comme un événement pour tout le couvent et même pr une partie de la ville. Cette fleur admirable par l’éclat de sa blancheur, ses proportions si grandes et si belles et son parfun s’ouvrait d’oridnaire pr la fête de St Alphonse et s’étalait ds toute sa splendeur durant l’espace d’un jour. On la plaçait alors sur l’autel du St dont elmle portait le nom, puis après les offices elle restait exposée au paloir (??) où les personnes les plus notables de la ville venaient l’admirer à leur aise.
Toutes ces fleurs de terre dont l’ensemble montaient à un si haut prix, étaient destinées à l’ornementatipon des autels et du trône de la Ste Vierge, spécialement pendant le mois de Marie. Alors l’église était transformée en un véritable jardin, les horitculteurs venaient de toute part, même de Liège et de Gand, pr admirer notre magnifique collection de pelargoniums et surtout les nouvelles espèces que nous avions gagnées cette année. La mort du bon frère Georges et le départ du P. Grommen pour Anvers portèrent un rude coup à la serre du couvent. Les plus belles fleurs languirent et peu à peu toute la collection finit par disparaître. Plus tard, le P. Grom. donna ses soins aux fleurs du jardin; durant plusieurs années il ns procura la plus belle variété de glaïeuls avec lequelles il orna le jardin de l’évèque de Liège et du Card. de Malines. Ds ses dernières années sa prédilection était pr les fuchsias; il en garnit les 20 fenêtres du rez-de-chausse qui donnent sur le jardin. Il donnait à ses fleurs chéries les soins les plus tendres et ds sa dernière maladie il leur donnait ses visites tant qu’il put se tenir sur les pieds, souvent il les arrosait avec du sang de boeuf qu’il faisait demander à l’abattoir. Un père, curieux de savoir quelle était cette liqueur dont il faisait boire ses plantes, l’interrogea sur ce point. Oh, dit-il, c’est une eau de senteur qui leur donne un parfum suave; tenez, flairez comme cela sent bon. L’autre approche le nez et croit tomber à la renverse après avoir aspiré cette odeur fétide. Et Papa de rire parce qu’il avait mis encore un confrère ds le sac.
Comme il aimait les fleurs, il aimait les fruits surtout les poires. Au beau temps du frère Georges notre jardin n’en produisait pas moins de 100 espèces différentes, certains arbres en portaient 4 et même 6 sortes diverses. C’était une vraie curiosité qui attirait les étrangers quelque fois de fort loin. Un jour la ville de St-Trond avait organisé une exposition de fruits. Le P. Grom. avait abtenu pour son frère Georges la permission d’exposer qq. unes de ses plus belles poires. Six semaines après on vient annoncer au couvent que le vieux frère est demandé à l’hôtel de ville pr. y recevoir une récompense bien méritée. Il y court tel qu’il est sans même changer de soutane; on l’introduit ds une gde salle bourrée de monde; là le Bourgmestre lui fait un allocution, lui met au cou une belle médaille d’argent. La dessus l’harmonie joue un petit air, toute la salle applaudit et le vieux frère s’en retourne au couvent où il va suspendre la médaille au trône de la Ste Vierge.
Le P. Grom. avait l’habitude de faire tous le sjours un tour officiel au jardin, il passait en revue les arbres fruitiers examinait soigneusement l’était des fleurs et des fruits jusqu’à compter le nombre des poires de certains arbres, puis en récréation il rendait compte de son examen. Chauqe fois qu’il découvrait en voyage une poire nouvelle ou une plante rare, que ns ne possédions pas encore, il tâchait de s’en procurer une greffe ou des semences pr en enrichir le couvent. Pendant la mission de Gors-op-Leeuw, il avait fait une ample moisson ds les 2 parcs de la commune. Au retour son compagnon partit à pied et laissa Papa tout seul chargé des sacs de voyage et d’un énorme paquet de plantes et d’arbustes. Il fit placer les sacs ds le wagon des bagages et retint auprès de lui ses plantes et ses fleurs. Quelqu’un lui fit la remarque que c’était imprudent, qu’il aurait mieux fait de remettre son fagot ds le wagon et de surveiller ses malles. Oh, dit-il, pas le moins du monde, je ne risque rien à perdre mon sac, car mes sermons je les sais par coeur et pr. les bas et les chemises il y en a encore au couvent, mais les plantes que je parte, valent leur poids d’or, la perte en serait irréparable.
Il portait de même un grand intérêt aux animaux; que de fois nous l’avons entendu parler avec le plus vif enthousiasme dse visites qu’il avait faites au jardin zoologique d’Anvers. Il racontait au long toutes les merveilles qu’il y avait vues, spécialement les exercices étonnants des lions marins, il n’en finissait pas qd il était sur ce chapître; il en parlait même ds ses sermons.
Chaque fois que ds ses missions de campagne il rencontrait des oiseaux en gage (sic) ou un étang avec des poissons rouges il s’amusait à nourrir ces petites bêtes, il partageait vraiment avec (eux lisez) elles son pain quotidien, et il arriva plus d’une fois qu’à force de soins et de prévenances il finit par leur occasionner la mort. Il donna une mission chez un vieux curé de la (campagne lisez) Campine, gd amateur de pinsons, ce brave homme avait été professeur au temps de sa jeunesse et parlait encore volontiers de cette belle époque de sa vie. Le P.Grom. pour luit faire plaisir ne l’appelait jamais que Monsieur le Professeur, et lui pr montrer sa reconnaissance allait au fond de sa cave et en revenait toujours avec une bouteille de sa réserve. Le bon curé avait ds son cabinet 4 petites cages contenant chacune un joli pinson. Le P. Grom. lui demande avec un simplicité plus ou moins sincère : Mr le Professeur, quels oiseaux sont-ce là ? Ce sont des pinsons. Et quelle espèce ? Le 1er est un video, le 2me un respeo, le 3me un destruite et le 4me je ne sais, car il n’a encore rien dit. Merci, Mr le Professeur. Le lendemain même question. Ainsi Mr le Professeur ce sont là des pinsons ? Oui, Père. Le 1er est un destruite, mais non, mais non vous l’avez oublié; le premier est un videa, le 2me un respeo, le 3me un destruite. A la bonne heure maintenant je ne l’oublierai plus. Et cependant le jour suivant il recommencait à exercer la patience du brave curé. Voyez, Mr le Professeur, si j’ai bien retenu ma leçon. Le 1er est un respeo. Du tout, du tout, je vs. l’ai déjà dit 2 fois : faites donc attentio : le 1er est un video, le 2me un respeo, le 3me un destruite, pr le 4me je ne sais pas ce qu’il est car il n’a encore rien dit. Ce jeu se renouvela tant que dua la mission sans qu’on parvint à faire perdre patience au vieux professeur.
Le P. Grommen avait souvent entendu parler du célèbre rossignol de Russon lorsqu’il donna la mission ds ce village, il pria le curé de lui raconter en détail cette histoire; il y prie tant d’intérêt que plus tard il aimait souvent à la citer comme exemple de fidélité et de reconnaissance. Voici comment s’exprima le vieux curé de Russon. Un rossignol venait chaque année demeurer ds mon jardin, il me régalait largement de ses chants harmonieux, chaque fois qu’il faisait de la musique je m’approchais de l’arbre où il était perché et je m’y tenais debout jusqu’à la fin du concert. Je commençais à lui offrir de petits vers dont il était friand et en peu de temps je l’habituaisà venir prendre les vermisseaux de ma main, nous allions plus loin, je le faisais venir sur ma fenêtre, puis ds ma chambre, enfin sur ma table où il venait partager mes repas. Cette intimité augmentait d’année enannée, à la fin de la saison il venait me dire adieu, en se plaçant sur ma fenêtre et à son retour il ne manquait jamais de l’annoncer par ses plus belles chansons. On venait de tous côtés pour voir cette merveille. Bien souvent j’avais à ma table un gd nombre de personnes des plus qualifiées de la ville de Tongres, et chaque fois mon petit musicien sans s’inquiéter de tout ce monde venait sur la table manger ds mes mains et puis se plaçant sur la fenêtre, il régalait toute la compagnie par son chant. Ns étions devenus des amis inséparables; mais voilà une année que mon rossignol ne revient pas; chaque jour j’allais l’appeler au jardin, il ne répondait pas à ma voix, je parcourais les vergers d’alentour, je ne le rencontrais nulle part. Je le cru mort et j’en fis mon deuil. J’étais fort affligé de cette perte et tous mes paroissiens avec moi, car tout le mond (sic) s’intéressait à cet oiseau. enfin je me résigne et je finis par l’oublier. L’année suivante mon jardinier accourt près de moi et me dit : Mr. le curé, le rossignol est là ! Je m’empresse au jardin, je m’écrie : Où êtes-vous, mon petit, où êtes-vous ? Le petit oiseau s’approche d’un volrapide, il s’arrête devant moi en battant des ailes, il tombe à mes pieds, il était mort. Ce jour, j’ai pleuré comme un enfant. Le P. Grom. lui-même avait les larmes aux yeux en entendant raconter cette histoire attendrissante.
Quand il se trouvait à Hendrieken à 2 lieues de Saint-Trond, il avait fait le dernier jour de la mission le tour du village pour confesser les malades, entré (sic) ds une pauvre chaumière pour entendre une grosse maman toute percluse il voit une grosse chatte avec plusieurs petits. A cette vue il s’arrête, contemple à plusieurs reprises cette intéressante famille et dit à la femme : Ma bonne petite mère, ne pourrais-je pas avoir un de ces jeunes ? Sans doute, mon R.P., tant que vs en désirerez, vs n’avez qu’à les prendre. Merci, petite mère, je choisis ce petit roux et ds 2 jours j’enverrai un frère de St-Trond pour le prendre. Effectivement, 2 jours apèrs 2 frères de notre couvent durent se mettre en route et faire un trajet de 4 lieues aller et retour pr ns apporter ce petit roux, qui porta depuis le nom d’Hendrieken. Il passa au couvent des années longues et heureuses, il ns débarassa des rats et souris, et mourut paisiblement après avoir rendu de gds services à la communauté. Le P. Grom. regretta son petit roux presque autant que le rossignol de Russon. L’intérêt qu’il portait aux animaux s’étendait jusqu’aus petits cochons, il aimait à les voir courir et jouer ds leur enfance, mais il les aimait bien davantage qd il les voyait engraisser et prêts à être mis ds la cuve. Ds une mission des Flandres il passa à côté d’une fermen où l’on était occupé à tuer le porc, aussitôt il s’approche pr assister à ce spectacle. Tout en causant il interpelle le fermier et lui demande : Est-ce que ds cette paroisse les cochons meurent catholiques ? Catholiques, mon Père, que voulez-vous dire ? Mais oui, les cochons meurent catholiques qd le fermier en donne une part à son curé, par ex. qq. côteletters ou bien les pieds et lers oreilles, sans quoi les bêtes meurent francs-maçons. Oh, je vs comprends, non, mon Père, je ne connaissais pas cette pratique, mais rassurez-vous dès ce moment mes conchons mourront catholiques. Il tint parole : il envoya une belle portion de viande à la cure, son exemple fut suivi par les autres et depuis ce moment les revenus du curé furent augmentés notablement.
XXVIII. Philosophie
Le bon P. Grommen n’eut jamais l’occasion de faire des études régulières, sa jeunesse se passa sous le régime Hollandaisn, ds ces temps de trouble et de persécution où ts les collèges ecclésiastiques furent supprimés et le recrutement du sacerdoce rendu comme impossbile. Michel Grommen avait ds son enfance un ardent désir de se consacrer au service des autels, il s’en ouvrit au Maître d’école de Cortessem, Mr Vrancken, et celui-ci lui apprit les 1ers rudiments de la langue latine; cette étude fut interrompuepar le déplacement fréquent de sa famille. Plus tard il la reprit sous la direction du R.Mr Hoeobanck, d’abord à Vliermael, puis doyen à Cortessem et enfin doyen de Bilsen. Quand les troubles religieux furent apaisés en Belgique, les gds séminaires se rouvrirent. Michel Grommen fut un des premiers a s’y faire admettre et y fit de sérieuses études théologiques. Mais comme on le voit, la philosophie fut oubliée. Michel n’en entendit parler qu’à de rares intervalles et il se la représentait comme une science infernale qui avait produit Voltaire avec toute sa clique de libres penseurs et de persécuteurs de l’Eglise. Aussi le snoms de philosophe et de philosophie lui inspmirèrent une profonde horreur. Il en résulta pr son esprit une véritable lacune dont il ressentit plus d’une fois les inconvénients. Cependant il y suppléa largement par sa sagesse d’esprit, par son jugement pratique, ses observations continuelles, et par sa foi vive surtout et sa profonde humilité. Sa philosophie à lui c’était la simplicité de la colombe unie à la prudence du serpent; ainsi ds les discussions scientifiques, il se tenait prudemment à l’écart, il laissait parler les autres, se contentait d’écouter, il suivait des yeux, le feu roulat de la dispute, le choc de toutes ces opinions plus ou moins savantes, et à la fin de la bataille, il s’écriait par forme d’epiphonème : que les paysans sont heureux, qui n’ont pas à s’occuper de toutes ces sottises ! Quand il se trouvait entre confrères, en peit comité, il ne se croyait plus tenu à la même réserve; alos il découvrait ds toute simplicité ses opinions philosophiques, qui parfois étaient vraiment drôles; il avait un penchant marqué vers le matérialisme, il tenait fort à la génération spontanée, ainsi d’après lui, les puces provenaient de la sciure du bois, la saleté engendrait la vermine et la nature produsait encore tous les jours de nouvelles espèces d’animaux et de plantes. Quand on lui montrait les conséquences de ce système, il se jetait sur la création continue: Dieu, disait-il, n’a pas indiqué sa puissance. Il peur encore créer de nouveaux êtres. Très bien, P. Grommen, mais prouvez qu’il le fait. Prouvez-vs même qu’il ne le fait pas et notre papa demeura convaincu plus que jamais de la bonté de sa cause. Cependant à la 1re observation que ses opinions n’étaient pas entièrement selon la foi, ou même qd ses contradicteurs s’échauffaient tant soit pue de la dispense, il cédait à l’instant et s’écriait à plusieurs reprises : Je me rends, je me rends, je me déclare vaincu. Il avouait lui-même ce penchant vers le matérialisme. Si je n’avais pas la foi, disait-il, je me tuerai (sic) à boire de la bière de Bavière, pourvu que j’eusse quoi la payer. Malgré cela il fut un modèle de sobriété durant toute sa vie. Une discussion curieuse qui dura plus d’une année entière, et à laquelle se mélèrent des personnages importants, eut lieu sur un problème d’arithmétique élémentaire.. Il s’agissait de savoir si une dizaine au nombre 9 ou au nombre 10(sic). Voici l’origine de cette thèse devenue célèbre. Le P. Grom. avait remarqué que la plupart des adultes meurent entre la soixantième et la 70ième année de leur âge. C’est ce qu’il appelait la dizaine mortelle. Qd un de ses confrères avait atteint sa 60ièmeannée, il ne craignait point de l’avertir charitablement : Mon cher, tenez-vous prêt, vs entrez ds la fameuse dizaine. Or, lui-même avait passé victorieusement la plus grande partie de cette dizaine, il venait de finir se 69ième année. Il était triomphant : Voilà, dit-il, que j’ai achevé cette terrible dizaine, et que je vais entrer ds cette novelle. Un confrère lui répod : Vs vs trompez, P. Grom., vs avez encore une année à faire, car la dizaine commence à 61 et finit à 69. Dites donc, p. Grom. qd avez vs commencé votre 1re dizaine? C’est bien au nombre 1er pou rfinir à 10; la 2ième commence au nombre 11 pour finir à 20 et ainsi de suite. Aucunement. Qd j’avais le nombre 1, j’avais vécu une année. Mais, Père Grom., commencez-vs donc par compter le nombre 0, sans doute qd je commençais à vivre, j’avais O; de 0 à 9 cela fait 10; de 10 à 19 fait encore une dizaine et si vous continuez de la sorte vs devrez avouer avc moi que la fatale 10 finit à 69. Telle était sa thèse. Il la défendait avec des arguments si curieux que toute la communauté y prit le plus vif intérêt et plus d’une fois plusieurs Pères samblaient pencher de son côté. Un jour poussé à bout et à demi vaincu, il laissa échapper ce cri à l’adresse de son adversaire : L’un de ns deux est fou, l’un de ns deux doit avoir perdu la tête, si ce n’est vs, il faut que ce soit moi. A la récréation du soir l’autre lui rappela ces paroles et ajouta : Ns l’avons échappé belle, cette après-midi 2 frères de charité de la maison des aliénés sont venus à notre couvent, ils ont fait le tour du jardin et de la maison pr arrêter l’un de ns et le colloquer ds leur établissement. Heureusement vs étiez en proemnade et moi je me suis caché ds les fèves (?) sans cela qui sait où nous serions en ce moment. Et la discussion de reprendre plus fort que jamais: elle anima la récréation, amusa la commnunauté. aussi d!s qu’elle semblait languir l’un ou l’autre eut soin de la ranimer de nouveau. Pendant la visite canonique on pria le R.P. Provincial de bien vouloir décider cette importante question, mais il se déclara incompétent, seulement il conseilla aux 2 partis, de se servir de jetons ou de pièces de monnaie pour faire un calcul exact. La dispute alla donc son train, elle dura encore plusieurs semaines, pour finir ex abrupto et de la façon la plus prosaïque. Un soir qu’on se trouvait encore sur ce même thème, le P. Grommen lança cette proposition comme un axiome évident : En achevant ma 69ième année, j’ai vécu 6 dizaines; son adversaire réplique aussitôt : 6 fois 10 font 60. En achevant votre soixantièeme année vs aviez vécu déjà 6 dizaines, le mâtin voudrait se rajeunir de 9 ans. Ce fut un trait de lumiè!re pr le vieux papa, il se tût, il abandonna sa thèse pr toujours. On eut beau l’agacer, il ne revint plus jamais sur cette question. Ses principes politiques n’étaient pas moins curieux : il était l’ennemi déclaré des rois et des empereurs parcqu’il n’en connaissait pas un seul bon, il se demandait : A quoi servent ces paresseux couronnés ? Il se font payer grassement pr faire bonne chère, pr vivre comme des brutes, pr donner au peuple le scandaleux exemple de tous leurs vices, et non content de tout cela ils commandent encore à leus sujets de s’entretuer pr le bon laisir de leurs majestés. Si j’étais le maître, j’arrangerais ces gds sires, je leur ordonnerais qd ils font la guerre de se mettre à la tête des troupes et de s’exposer les 1ers aux balles de l’ennemi, alors ils y penseraient 2 fois avant de conduire leurs sujets à la mort. Sans doute, je désapprouve les révolutions et le régicide, mais je prétends que les rois eux-mêmes en sont la cause : si au lieu de persécuter la religion, ils s’efforcaient de moraliser leurs peuples en secondant la Ste Eglise et en donnant le bon exemple nous n’aurions pas à déplorer tant de malheurs. Vs avez raison, P. Grom., mais ds tous les cas il faut respecter l’autorité; elle est nécessaire au monde. Je respecte l’autorité qui se respecte elle-même : si les rois veulent être obéis qu’ils commencent par obéri eux-mêmes à Dieu et au souv. Pontife; mais tant qu’ils continueront à se révolter contre le Seigneur et qu’ils approuveront les outrages qu’on fait au St-Père, je crierai vers le ciel de gd coeur : Ut inimicos Ecclesiae humiliare digneris te rogamus audi nos.
Cependant qd les circonstances l’exigeaient il savait se montrer philosophe et mettre les adversaires au pied du mur. Un jour qu’il était en voyage un Mr de connaissance vint se placer ds le même compartiment en face de lui; le Mr était extrêmement riche, brave hommen mais un peu catholique libéral. A peine assi, il interpelle le Père à haute voix et en pleine compangie : Mon Père, dit-il, je désapprouve votre manière de voix vs autres prêtres et religieux, vs voules enlever la liberté au peuple tandis que moi je veux que l’homme soit libre. Le P. Grom. ainsi attaqué en face, ramasse le gant et se hâte de répondre : Mr, je vs demande bien pardon, je ne veux rien enlever au peuple, bien au contraire, car si j’étais riche, je lui ferais de larges aumônes, de même je veux qu’on laisse au peuple toute liberté, mais pr le bien et pas pour le mal. Non, non,, dit l’autre, liberté en tout et pour tous. Ainsi vs voulez la liberté du vol, du pillage, du meurtre? Oh, pas ça, c’est contraire aux lois, je suis pr la loi. Je veux la liberté, mais pas la licence. A la bonne heure, Mr, ns allons être d’accord, vs êtes pr la loi et moi également, vs voulez donc d’abord qu’on obéisse à la loi divine, aux commandements de Dieu et de l’Eglise. Non, il ne s’agit pas des lois divines mais des lois humaines. Pr la loi divine chacun est libre d’agir suivant sa conscience, mais pr les lois du pays chacun doit s’y soumettre. Et pourquoi ? Parce qu’il le faut. Cela n’est pas une réponse, ns autres catholiques ns enseignons qu’il faut obéir aux lois humaines parce que Dieu l’ordonne, au moins pour autant que ces lois soient justes. Ce sont là des distinctions subtiles que je ne puis admettre. Voyons, Monsieur, admettez-vous l’existence de Dieu. Assurément, je suis bon chrétien. Je pratique ma religion, vs le savez bien ... Oui, je le sais et je vs en félicite, mais voyez comment vs traitez ce Dieu dont vs admettez l’existence. Vs voulez qu’on obéisse aux rois de la terre et vs permettez qu’on se révolte contre le Roi du Ciel, vs punissez de prison quiconque aura parlé en mal du Roi des Belges et vs permettez qu’on blasphème le Créateur de l’Univers. Vs traitez de criminel un pauvre père de famille qui aura ramassé quelques pommes de terre pr ne pas laisser mourir ses enfants, et vs considérez comme innocent un ivrogne, un adultère qui plonge sa famille ds le malheur.Cela est-il juste et rasionnable? L’autre se tut et le P. continua. Mais que diriez-vs si jamais les socialistes arrivent au pouvoir et portent une loi qui vs oblige de partager avec le peuple vos biens et vos enfants ? Oh, une telle loi est injuste, je ne m’y soumettrai (jamais) pas ... Et qui vs apprend que cette loi est injuste ? C’est évident. Mais pas du tout, c’est le contraire qui est évident, du moins à la majorité qui a voté la loi. Tous les riches trouveront cette loi mauvaise et détestable mais les pauvres la trouveront excellente et comme ils font le nombre ils sauront bien imposer leur volonté. Ne voyez-vous pas qu’ici encore il faut recourir à la loi divine et à l’autorité de l’Eglise qui condamnerait cette loi comme contraire au 7ièmecommandement : tu ne voleras point. Le beau Mr répondit par un sourire, serra la main du Père, et se mit à parler du beau temps et de la moisson. Le P. Grom. était vraiment admirable toutes les fois qu’il palait ds ses instructions des mystères de la foi. Les libres-penseurs, diasit-il, rejettent les mystères parce qu’ils ne les comprennent pas, cela ne prouve rien contre les mystères, mais cela prouve beaucoup contre eux. Comment niet les mystères ? On en rencontre partout. Voyez ce grand arbre, ce chêne qu’on va abattre, d’où est-il proooovenu ? Il est sorti d’un petit gland. Comprenez-vs cela ? Voyez ce boeuf qu’on mène à la boucherie. On l’a mis tout maigre ds une prairie, il en est revenu gros et gras. Com^prenez-vs cela ? Vs direz que cela vient de l’herbe qu’il a broutée, très bien, mais comment cette herbe s’est-elle changée en chair et en graisse, voilà ce que vs n’expliquez pas. Puis dites-moi comment vs voyez par vos yeux plutôt que par vos oreilles et par votre nez. Comment vous entendez par vos oreilles plutôt que par vos mains. Expliquez-moi comment vs formez vos pensées, vos paroles, vos désirs. Tout cela sont des choses de la terre et qui vs regardent de près, et cependant vs ne les comprenez pas, comment voulez –vous donc comprendre les secrets de Dieu ? Tous ces mystères ne sont pas incompréhensibles de leur nature. Dieu les comprendfort bien et ns aussi ns les comprendrions si notre esprit était moins borné. +Voyez, mes amis, savez vs porter un poids de 1000 livres ? Non, ourquoi pas. Est-ce que la chose est impossible de sa nature ? Nullement, mais vos forces ne sont pas suffisantes. Pouvez-vous voir à une distance de 100 lieues ? Non, pourquoi pas ? Est-ce que les objets sont invisibles à cette distance ? Pas le moins du monde, mais vos yeux ne portent pas si loin. Svez-vous atteindre de vos mains à la voute de l’église. Non, pourquoi cela ? Parce que vos bras ne sont pas assez longs.
Il en est de même pr les mystères. Ces choes existent réellement et par conséquent elles pourraient être comprises si notre esprit s’étendait jusque là. Les savant comprennent des choses que les ignorants ne savent point, parce qu’ils ont un plus gd esprit. Pr les mystères de la Foi, ils dépassent l’intelligence humaine. Dieu ne (sic) les a cachés pour nous donner le mérite de croire à sa parole. Tous ceux qui auront cru à la parole divine, même sans comprendre, auront pr récompense la lumière éternelle. Alors ils veront et comprendront tous ces mystère, tandis que ceux qui auront traité Dieu comme un ùmenteur, en rejetant les mystères qu’il ns a révélés, seront jetés ds les ténèbres où ils souffriront des tourments éternels.
XXIX. Son coeur
Le P. Grom. avait une gde tendresse de coeur pr les pauvres, les malades, les infirmes, les enfants et les vieillards. Il fuyait les maisons des riches, mais il entrait volontiers ds la cabane des pauvres, il causait familièrement avec eux, les entretenait de leur famille, de leur ménage, les encourageait par de douces paroles, les aidait par ses conseils et bien souvent tâchait de leur trouver des protecteurs. Ds une mission de la Campine, pendant qu’l faisait le tour des malades, il rencontra une chaumière délabrée au milieu des bruyères. Curieux de savoir qui pourrait habiter un pareil taudis, il entre et se trouve en face d’une vieille femme toute déquenillée ayant l’air d’une sorcière. Que faites-vous ici ma bonne femme ? J’y demeure, Père. Et comme cela toute seule si loin des autres habitations ? Oui, Père. Mais je ne vois ni champ, ni jardin. Que mangez-vous ? Ce que je reçois des braves gens du village. Vs n’avez pas de carreaux à votre fenêtre. Les méchants garçons les ont tous brisés. A quoi sert cette mare d’eau devant votre porte ? c’est l’eau que je bois. mais ne craignez vs pas de tomber ds le puits, vieille et percluse comme vs l’êtes ? O Père, ne savez-vs pas que Dieu veille sur ses pauvres enfants ? Vs avez raison bonne femme, continuez à mettre en Dieu votre confiance. Il ne vs abandonnera pas. Et moi, je vs recommanderai à Mr. le curé et aux braves gens du village. Merci, Père.
Son plus gd plaisir consistait à se rendre utile aux malades les plus pauvres et les plus abandonnés, il avait recueilli plusieurs remèdes domestiques pr soulager leur misère et guérir leurs infirmités. Et d’abord il connaissait un moyen efficace pr les brûlures : c’était 2 litres de lait de chaux mélés avec 2 litres d’huile, de là il faisait un onguent dont il fallait enduire la plaie. Dès le 1er instant les douleurs s’arrêtent et bientôt toute la plaie se trouve radicalement guérie. Il avait aussi un moyen fort simple de guérir la fièvre même à ceux qui en souffraient depuis plusieurs années. A cet effet il employait une grosse toile d’araignée telle qu’on en trouve ds les granges; il la faisait rouler autour de l’annulaire de la main gauche, puis la fièvre disparaissait presque toujours. On lui objectait quelques fois : Pouquoi ce doit (sic)-là plutôt qu’un autre?Oh, disait-il, mettez cette toile d’araignée à vos pieds ou à vos oreilles peu m’importe, pourvu que cela réussisse, mais je ne réponds du succès qu’à la condition que vs la mettiez sur le doigt indiqué. Toujours est-il que par ce moyen il a soulagé un grand nombre de malades et de pauvres ouvriers et il arrivait souvent que plusieurs années après ces braves gens venaient le remercier pr e bien qu’il leur avait fait. Pendant la mission de Lebbeke il trouva parmi les malades qu’il avait visités 3 personnes atteintes d’hydropysie. Il leur avait promis un remède infaillible pr les délivrer de leur mal. C’était la reine des prés prise en infusion sous forme de thé. Aussitôt il se met à parcourir les prairies de la commune assisté d’un gamin qui lui servait de guide. En peu de temps il avait amassé un énorme fagot de cette plante dont il chargea ses épaules et c’est en portant ce fardeau qu’il retourna à la cure. Or, ce jour était un dimanche, le messe solennelle venait de finir, le peuple sortait en masse de l'’glise; le Père dut percer cette foule, on le saluait de toute part, mais lui chargé de son fagot n’avait aucune main libre pour ôter son chapeau. Il se contentait de crier à droite et à gauche bon jour, bon jour (sic). C’est ainsi qu’il arrive à la cure, il appelle le vicaire, lui recommande ses pauvres hydropyques, lui explique au long comme il doit préparer le remède qu’il apporte et l’usage qu’on doit en faire, puis il ajoute : Ds 8 jours je serai en mission tout près d’ici; vs viendrez me dire le résultat que vs aurez obtenu.Le vicaire promet d’exécuter ses ordres. En effet, 8 jours après le vicaire est à son poste, dès que le P. Grom. le vit, il lui demande : Comment vont les 3 infirmes ? A merveille, Père. Votre remède a eu le plus brillant succès, vos malades sont entièrement délivrés de leur mal. 2 d’entre eux sont marts et enterrés, le 3me était expirant quand j’ai quitté la paroisse. Tenez, tenez, réplique le Père, c’est la 1ière fois que ce remède ne réussit pas.
Il portait également une affection particulière aux enfants, il aimait beaucoup ) les catéchiser, à les préparer à la confession et à la communion générale. Il savait si bien se mettre à leur portée et leur rendait ses instructions fort intéressantes par de petits traités historiques et des comparaisons familières, qu’il prenait de leurs jeux et de leurs occupations. Aussi qd le jour de la confession était venue, on le voyait assiégé de cette petite engeance. Lorsqu’il donnait la mission chez le vieux professeur, l’amateur des pinsons dont il a été parlé plus haut, celui-ci voulait à tout prix confesser lui-même les enfants. Ecoutez, mes Pères, disait-il, je connais ma paroisse, ces pauvres enfants ont peur des étrangers, il ne voudront se confesser qu'à leur curé seul.
(Les prescriptions)
On eut beau lui objecter l’exemple de la règle, l’exemple des autres paroisses, rien n’y faisait, le bon curé tenait à son idée comme à ses pinsons et ce n’est qu’à force d’instances que les missionnaires purent obtenir de se présenter au confessional, de même que le curé et de laisser aux enfants la liberté du choix. Le P. Grommen avait donné les instructions aux petits et dès le 1er instant il avait gagné toute leur confiance. Il leur dit encore q.q. mots avant la confession, pui (sic) leu rmontrant du doigt les différents confessionaux, il les engagea à choisir selon leur préférence. Aussitôt tous les enfants sur les confessionaux des missionnaires et surtout sur celui du Père qui les avait catéchiser (sic). Le pauvre curé voyant son confessionnal désert et abandonné se montra fort mécontent, d’un pas précipité il s’approche de la bande de gamins groupés autour du confessionnal du P. Grom; là il se met à distribuer une masse de calottes et indiquant son propre confessionnal il leur dit : Allez vs placer là; vs vs confesserez à votre curé comme vs l’avez toujours fait. Les pauvres enfants duent s’exécuter bien malgré eux, mais à peine le curé s’était-il assis pr les entendre que sur un signe du P. grom. toute cette bande prit la fuite et revint à la place qu’elle avait choisie d’abord. Le curé tout morfondu reprit le chemin de la cure et ne parla plus un mot de l’affaire. Comme le bon P. Grom. toussait beaucoup, il arriva plus d’une fois qu l’une ou l’autre sainte âme, émue de compassion, lui offrait un petit sac de caramels; il acceptait le cadeau avec reconnaissance et après avoir reçu la bénédiction du Supr il usa de ces douceurs pr se rafraichir la gorge mais il n’oublia pas de partager la provision avec les enfants de choeur. Qd de gd matin ils étaient à leur poste pr servir les messes, Papa louait leur zèle et leur distribuait q.q. caramels pr les encourager. Quelquefois même il ne se gènait pas, lorsque les caramels étaient épuisés, de vider le sucrier de la cure et et d’en donner le contenu à ses acolytes. Un jour il remarque ds une église de village un lustre antique orné de guirlandes en verroteries qui brillaient aux rayons du soleil de toutes les couleurs de l’arc en ciel. A cette vue il s’arrête pr contempler ce brillant spectacle; puis montant sur une chaise il détache avec prudence un prisme en cristal, il regarde à travers ce cristal triangulaire et voit toute l’église colorée de rouge, de jaune, de bleu et vert. Il tombe de surprise en surpris, se croit trompé par une illusion; pr s’assurer du fait il sort de l’église, aperçoit un enfant qui jouait à la rue, il l’appelle : Mon petit, viens ici, regarde à travers ce petit verre et dis-moi ce que tu vois. O, Père, répond l’enfant, je vois le ciel, je vois le paradis. Cette réponse mit le bon Père en extase, il courut à la cure, appela le curé, ses confrères, la servante même, tous durent regarder à travers le prisme et leurs cris d’admiration remplirent notre Papa de joie et de bonheur. Tant que dura la mission il conserva son prisme, le fit voir à toutes les personnes qu’il rencotra et ce fut à gd regret qu’au moment du départ, il dut rendre ce trésor à l’église. Depuis lors il ne parla plus que de son prisme et surtout de l’exclamation de cet enfant qui avait cru voir le paradis ds tout son éclat. Un de ses anciens amis, le Doyen de Looz, ayant appris cette histoire, résolut de procurer un prisme à son ancien condisciple. Il en acheta un fort beau chez un opticien de Liège et à la 1iere occasion il arriva au couvent et demanda à voir le Père Grommen. Celui-ci, charmé de cette visite, se rend au parloir et serre affectueusement la main du Doyen qui lui dit en riant : Pater mi, je vs apporte un petit cadeau. Un cadeau pour moi ? Et quoi donc ? Vs allez voir, Pater mi, un moment de patience. Là-dessus le Doyen tire de sa poche un petit paquet, il déroule lentement l’enveloppe de papier et enfin il montre le prisme. A cette vue, le P. Grom. se mit à sauter de joie commen un enfant, il prend l’objet des deux mains en s’écriant : Un prisme, un prisme ! Et sans ajouter un seul mot, il plante là son bienfaiteur, il s’encourt à toutes jambes; celui-ci raiait aux éclats, mais ne voyant plus rrevenir son ancien compagnon, il dut s’en aller tout seul sans avoir reçu un mot de remerciement.
Entretemps, le P. Grom. assembla la comnté profès et novices tous durent admirer son prisme, ce fut une fête pour tout le couvent. Depuis ce jour papa ne sortait plus sans être muni de son prisme. Il appelait les pauvres enfants de la campagne pr voir le paradis. Bientôt l se voyait suivi de toute une armée de petits bambins qui lui criaient de toute part : P. Grom. montrez-ns le paradis. Papa était aux anges, mais un beau jour le prisme s’égara et depuis lors le paradis demeura fermé pr lui et pr ses bambins.
Le P. Grom. avait encore une tendresse toute particulière pr les bons vieillards. Il aimait à causer avec eux du bon vieux temps qd on achetait une livre de beurre pr 20 cmes, et qu’on portait son habit de noces jusqu’à la fin de sa vie. Il allait suovent à l’hospice des vieillards s’entretenir avec ces patriarches des guerres de Napoléon I et et de la Révolution de 1830, puis il déplorait avec eux les malheurs des eps actuels, la corruption de la jeunesse, l’irréligion propagée par les mauvais journaux et les écoles sans Dieu, les attentats du gouvernement conte le Pape et l’Eglise; hélas, disaient-ils, ds notre jeune temps on n’aurait pas souffert ce qu’on voit de nos jours. Il était surtout ému de compassion qd il voyait un homme courbé sous le poids des années astreint à gagner sa vie par un lourd et pénible travail. A cette occasion il aimait à répéter une petite histoire qu’il tenait d’un bon curé flamand. Etant en mission à Vosselaere, le P. Grom. se pleignit un jour de ses rhumatismes et de la raideur de ses jambes; là-dessus le curé lui dit : Mon Père, je vais vs raconter un fait qui vs expoiquera bien des choses. Mon papa était meunier, il avait un cheval pr rapporter aux chalands les sacs de farine, mais comme l’ouvrage abondait, le cheval ne suffisait plus, il se procura un âne pr partager la besogne. C’était la plus belle bête qu’on put trouver ds la province : jeune, alerte, intéressante sous tous les rapports, elle n’avait qu’un défaut, celui de n’être pas propre au travail, cet âne si jeune et si beau n’endurait pas la fatiguen, le poids d’un sac de farine le faisait suer à grosses gouttes, une marche d’une lieue le mettait hors d’haleine; mon père aut peur de perdre sa bête; pr l’épargner davantage il acheta encore au marché un vieux baudet qu’on lui céda à bon marché. Dès lors ce grison eut à porter toutes les charges, chaque fois qu’il s’agissait de porter le blé au moulin ou de rapporter les sacs de farine, on entendait le même refrain : Attelez le vieux baudet, il est accoutumé au travail et puis si ns venons à le perdre le malheur ne sera pas grand. C’est ainsi qu’on épargne les jeunes parce qu’on fonde sur eux l’espoir pr l’avenir; ce sont des plantes précieuses qu’il faut cultiver avec soin mais ns qui avons fait notre temps n ns attèle à toute occasion, parce qu’il importe peu pr le temps que cela durera encore. Q.q. semaines après le P. Grom. dut se mettre en voyage avec 3 autres Pères prècher la mission à Meerhout. Une voiture vint les prendre à Diest, ils y prirent place avec un vieux conducteur qui portait bravement ses 80 ans. En route le cheval trbuche jusqu’à 3 fois et faillit renverser la voiture et les voyageurs. Alors le bon vieillard s’adressant aux missionnaires leur dit : Mes R. P., veuillez m’écouter un instant : hier matin Mr. le curé est venu ns demander la voiture pr venir vs prende à Diest, ce que ns avons accepté de bien bon coeur. Après le départ du curé je dis à ma femme, bonne mère de famille, mais un peu entétée, comme elles le sont toutes. Je lui dis donc : Catherine, ns enverrons notre Charles pr chercher les Pères. Ce Charles, c’est mon fils ainé, gd garçon, fort adroit et qui a de belles manières, pr converser avec les gens comme il faut. Malheureusement Catherine ne voulut pas y consentir : Allez y vs même, qu’elle me dit, tous nos garçons ont leur travail tandis que vs, vs n’avez rien à faire. Vous avez souvent voyagé avec des prêtres, vs saurez bien ns amener ces bons religieux. Allons, puisqu’il le faut, j’irai,mais du moins vs me permettez de prendre le jeune cheval, car 4 Pères, cela fait une charge assez pesante et puis la route est longue. Oh, pr cela, qu’elle répond, c’estr impossible, la pauvre bête se fatiguera rop; prenez le vieux, il est habitué au travail et puis s’il lui arrive un accident, le malheur ne sera pas gd. Et voila pourquoi, mes R.P., vs faites ce voyage avec un vieux cheval et un vieux conducteur. Le P. Grom. riait sous cape et poussant du coude son compagnon, il lui soufflait à l’oreille : c’est l’histoire du vieux baudet de Vosselaere. Plus tard, 2 jeunes pères étaient en mission à Quaremont, l’un d’eux à force de se démener en chaire, eut une extinction de voix, l’autre était trop faible pr faire le travail tout seul. On envoya une dépèche à St-Trond pr demander du renfort. Le P. Grom. fut envoyé et dès qu’il vit ses confrères, il leur dit : Courage, mes amis : voilà le vieux baudet de Vosselaere, il saura encore porter les sacs de farine, reposez-vs, moi je ferai le travail. Et effectivement il aurait préché tous les sermons, si ses compagnons ne s’y fussent opposés. On partagea la besogne et Dieu bénit largement le dévouement du vieux missionnaire.
Chaque fois qu’il rencontrait un vieillard occupé à un pénible travail, labourant la terre ou portant un pénible fardeau, il jetait sur lui un regard de compassion et disait : Voilà encore le vieux baudet de Vosselaere. Il aurait voulu voler à son secours, lui préter l’assistance de son bras pr soulager sa peine.
XXX. Esprit de Prière
On peut dire que la prière a été la grande occupation du P. Grom. La prière était sa vie, la nourriture de son âme, la respiration de son coeur. Il priait tuojours partout et de toute manière. Il priait en marchant, en travaillant, enconfessant, en prèchant, il priait en mangeant, en riant, même en dormant. Dès le matin à son lever, on l’entendait dire à haute voix des prières jaculatouires. Il était des premiers à l’oratoire pour
commencer un chapelet ou le chemin de la †. Le soir il demeurait au pied du tabernacle jusqu’à la dernière minute; pendant la nuit dès qu’il s’éveillait, il poussait vers le ciel d’ardents supouris et même ds ses rêves on l’entendait parler à Dieu et à la Vierge Marie.
Il considérait le Bon Dieu comme le plus tendre des Pères, il causait avec lui comme il aurait parlé aux hommes, et par conséquent, il ne se désolait pas trop de quelques petites distractions. Dès qu’il les remarquait, il revenait tout doucement à sa prière sans s’inquiéter dureste. N’est-ce pas singulier, dit-il un jour, voilà 30 ans, que je m’applique à être attentif aux actes du chrétien qu’on récite à la prière du soir et jusqu’ici je n’ai pu encore y parvenir. Dès que, l’hebdomadaire commence l’acte de foi, mon esprit s’envole, il court par monts et par vaux pour ne revenir qu’au Kyrie Eleison des Litanies. Le confrère auquel il s’adressait, dut probablement se dire en lui-même : Si un homme si intérieur et si pieux est encore sujet à de semblables distractions, je ne m’étonne pas d’en avoir à mon tour. Plus d’une fois le bon P. Rendit témoignage public de ses distractions et par là les communiquait aux autres. Un soir qu’il devait lui-même réciter les prières, la lampe de l’oratoire éclairait fort mal; après l’examen de conscience, il attaque avec vigueur l’acte defoi: oh, mon Dieu, vérité infaillible qui ne mouvez tromper ni – ni – ni – ni être trompé – il se lève, s’approche de la lumière : Ik kaan niet zien ... (Je ne vois pas clair).On remonte la lampe, se remet à genoux et continue sérieusement pendant que les autres bouffaient de rire.
Une autre fois il venait d’acheveer la messe par un froid intense, il arrive à l’oratoire tout transi, il se place près du poêle, ses regards tombent sur les fenêtres dont les car-reaux sont couverts de glace, il remarque les arabesques, les figures bizarres de plantes et de fleurs que la gelée y a imprimé. A cette vue il s’écrie : Voyez, voyez, quel peintre serait capable de reproduire un tableau pareil? Que Dieu est grand, qu’il est puissant. Puis tombant à genoux il continue sa prière en silence . Un jour vers la fin d’une mission, comme on avait achevé les confessions, il se trouvait seul à l’église à faire le chemin de la Croix. Il était arrivé à l’avant dernière station quand il voit entrer son confrère. Il l’appelle et lui dit :
Avez-vous jamais vu des statues aussi belles ? Rubens avec tout son art n’a jamais pu peindre un tableau à comparer avec ceux-là. C’est bien supérieur à tout ce qu’on nous montre dans les musées des grandes villes. L’autre qui avait déjà vu ces stations durant huit jours, lui répond : Mais P. Grom. vous vous extasez devant des croûtes, ces tableaux ont été barbouillés par un badigeonneur de vil-lage. Chaque tableau ne vaut pas o fr 29 ces.Bah ! vous n’y connaissez rien, tenez, voyez cette station, la descente de la Croix, pendant que ons insultent N.S. les chameaux se prosternent devant lui et l’adorent avec respect. Des chameaux ? Je n’en vois aucun. Vous ne voyez par ces chameaux ? Mais non, veuillez me les montrer. Les voilà. Là-dessus il indique deux blocs de pierre que le peintre avait placé sur la montagne, probablement pour indiquer le tremblement de terre qui eut lieu à la mort de N.S. mais P. Gromm. ce ne sont pas des chameaux, mais des pierres. Alors il se met à rire à gorge déployé : Est-il possible, s’écrie-t-il, vous ne savez plus distinger un chameau d’une pierre ? Allez-vous en, et laissez-moi continuer ma prière. Et il continua sa prière avec une grande dévotion. Pendant plusieurs années sa prière favorite était : Deux in adjuto-rium meum intende. Il répétait ces paroles 100 f. par jour. Il les disait en se promenant au jardin, en marchant ds les corridors, en montant les escaliers, en nettoyant sa cham-bre, il les disait partout. Un jour de fête il assitait en chape à la grand’messe, faisant les fonction d’index. Debout devant le missel il répétait sans cesse Deus in adjutorium etc. A la fin de l’épître il prend le missel pour le porter du côté de l’évangile, en descendant les marches son pied se heurte à un coussin placé là par mégarde, il chancelle et sur le point de faire la culbute il se met à crier : Ik val, ik val ! Je tombe, je tombe. Les acolytes le soutiennent, et lui il remonte gravement, dépose le livre en répétant encore : Deus in adjutorium, etc. Les dernières années de sa vie, cette prière jaculatoire fut remplacée par cette autre de St François : Deus meus et omnia. Comme il avait les jambes raides et qu’il était court d’haleine, il avait de grandes difficultés à monter les escaliers, il s’arrêtait à chaque degré pour respirer bruyamment; c’est pourquoi il quittait la récréation quelques minutes avant le signal pour ne pas arriver trop tard à la prière.
Alors montant péniblement, il répétait sa petite prière : Deus meus et omnia. La même chose se renouvelait autant de fois qu’il y avait des degrés à monter, enfin parvenu au bbout il jetait un profond soupir en disant : Ouf, m’y voilà. Ca, ça, ça,bientôt mes jambes refuseront de me porter. Deus meus et omnia. Le P. Grom. aimait surtout la méditation. En mission, il se serait levé à minuit pour ne pas y manquer. Que de fois, au fort de l’été, quand le 1er sermondevait se fair à 5 h matin (sic) et que les Pères célébraient la Ste Messe vers 4 heures pour être à temps au confessionnal, le P. Gromm. venait les réveiller une ½ h avant le temps et leur disait Vous ferez votre méditation plus tard, pour moi, je l’ai déjà faite. Le brave homme s’était levé avant trois heures pour ne pas omettre l’oraison. Au couvent il était d’une fidélité exemplaire pr assister à la méditation avec la comnté, même dans ses maladies ou après son retour des missions les plus fatiguantes. Durant l’oraison il aimait bien d’être à son aise puisque la gène empèchait l’application de son esprit et comme le banc sur lequel il s’agenouillait lui semblait trop élevé, il avait l’habitude de placer sous ses pieds une grosse planche ou espèce de poutrelle, afin de réhausser par là de plancher. Pendant qu’on lisait le point de méd. il écoutait attentivement et faisait continuellement des signes de tête affirmatifs pr montrer qu’il approuvait fort tout ce qu’on venait de lire. Qd les distractions venaient l’assaillir, il se mouchait fort et prenait une petite prise de tabac pr se rendre plus attentif. Comme son esprit et son coeur s’élevaient si facilement vers le ciel on peut dire qu’il méditait tout le long de la journée. C’était une pratique qu’il recommandait beaucoup aux autres, même aux gens du monde les plus occupés, à cet effetil racontait un trait qu’il aait appris ds une de ses missions. Ds une tournée qu’il faisait pr confesser les malades il rencontra un vénérable vieillard qui avait la guerre (sic)sous le temps de Napoléon I et avait assisté à presque toutes les grandes batailles. Le vieux militaire désirait faire une confession générale. Le Père y consentit volontiers après l'avait (sic) entendu longuement le Père trouva que ce brave homme avait conservé son innocence baptismale et n’avait pas commis le moindre péché mortel. Le Père en témoigna son étonnement, le vieux soldat répondit : Le bon Dieu m’a fait une gde grâce, Il m’a appris à méditer. Qd je faisait partie de la troupe, j’avais continuellement la mort devant les yeux; de savais qu’à tout moment je pouvais être envoyé sur le champ de bataille où je risquais fort d’être tué. Tous les matins je faisais à Dieu le sacrifice de ma vie, je m’excitais à une contrition parfaite puis je veillais soigneusementsur moi, même pour éviter tout ce qui aurait pu souiller mon âme. Ensuite je méditais souvent la Passion de N.S.J.C. Quand je devais faire de longues marches le sac sur le dos, le fusil sur l’épaule, je pensais à Jésus succombant sous la croix sur le chemin du calvaire; qd je devais ainsi gravir des montagnes, monter à l’assaut, je pensais à J.C. gravissant péniblement le Calvaire où Il allait mourir, qd je voyais le sang couler de mes blessures, je pensais à la flagellation où le Divin Sauveur répandit Son sang en abondance pr mon amour. Ainsi la Passion de N.S. me consolait ds mes peineset me fortifiait au milieu des dangers. Le P. Grom. était profondément ému en écoutant ce brave chrétien. Il l’encouragea et lui demanda de pouvoir publier ce trait pr l’édification et l’exemple des fidèles, le vieux militaire y consentit et le P. Grom. en profita largement. Un jour qu’il donnait la retraite à l’école normale de St-Trond, le confrère demanda : Père, qu’allez-vous précher ? Je vais leur apprendre à méditer. Quoi ? Vs allez parler de méditation à ces gamins ? Préchez leur le péché mortel, la mort, l’enfer, cela leur fera du bien. En effet, le P. Grom. raconta l’histoire de son vieux militaire puis il ajouta : Voilà un soldat sous les armes, un soldat au milieu des batailles et un soldat fait sa méditation et par la méditation il devient au Saint. Et vous jeunes gens, ne sauriez vs pas méditer ici ds ce séjour paisible où tout vs parle de Dieu et du paradis ? Ne sauriez-vs pas méditer ici, dans cette chapelle où vs trouvez votre Dieu ds le Très St Sacrement et l’image de Marie et de vos Sts Patrons. Ecoutez mes chers amis, savez-vs quel est le gd malheur des jeunes gens ? C’est qu’ils ne pensent pas assez à leur avenir. Il ne sont qu’aux distractions du moment, ils perdent un temps précieux en des amusements frivoles et par là il se rendent incapables de remplir les devoirs de l’état auxquels ils sont destinés. Plus tard, ils deviennent mauvais sujets, perdent leur place et tombent ds la misère et bien souvent ils finissent une vie malheureuse par une mort encore plus déplorable. Que faut-il faire pr échapper à ce malheur ? Il faut méditer, mes enfants, il faut apprendre à méditer. Le matin qd vs êtes réunis ds la chapelle, il faut vs demander : Pourquoi m’a-t-on placé ds cet établieement ? Quels sont les devoirs que j’y dois remplir ? Quel sera mon bonheur si j’y suis fidèle, et quel sera mon malheur si je les néglige? Et puis priez le Bon Dieu qu’Il vs assiste ds l’accomplissement de ces devoirs. ensuite qd vs allez en classe ou à l’étude, dites : Si je ne m’applique pas à mes devoirs, si je ne profite pas de mon temps, j’en aurai plus tard des regrets amers et alors il n’y aura plus moyen d’y remédier. Qd de mauvais compagnons voudraient vs pervertir,dites en vs même : Misérables, qd vs m’aurez plongé ds le malheur, qd vs m’aurez précipité en enfer, vs ne viendrez pas à mon secours, mais vs serez les premiers à rire de ma détresse. C’est ainsi que la méditation vs apprendra à réfléchir, à prévoir l’avenir, et qu’elle deviendra pour vous la source du vrai bonheur.
Ce qu’il enseignait aux autres il le pratiquait lui-même, il prévoyait l’avenir et par de Stes éditations et par des prières ferventes, il se préparait cette mort paisible et heureuse qui vint couronner une vie entièrement consacrée au Seigneur.
XXXI. Ses Maladies
Le R.P. Grommen avait une santé robuste, un estomac complaisant, une poitrine de fer; il mangeait bien, il dormait bien, il parlait des heures entières sans en éprouver la moindre fatigue. Cependant le ciel ne lui épargna pas sa croix; il eut sa large part dans les maladies et les souffrances.
La 1ère de ces croix ce fut une toux nerveuse qu’il apporta au couvent et qui ne le quitta plus toute sa vie. Bien souvent il devait s’arrêter ds sa marche, pr tousser bruyamment durant plusieurs minutes, sa voix alors parcourait toutes les gammes notes de la gamme, montant du grave à l’aigu et finissait par une fausse quinte tout à fait contraire aux règles de la musique. Quand cette toux le prenait, on était ému de compassion, mais en entendant le point d’orgue final, on devait rire malgré soi. Ordinairement en chaire il était exempt de cette infirmité; quelquefois cependant cette toux importune venait interrompre son sermon, alors toute l’assistance se montrait attendrie; et l’on se disait : Voyez ce bon vieillard qui vient ici se rompre les poumons pr ns conduire au ciel. Parfois, quoique rarement, il lui arrivait de perdre totalement la voix, ordinairement il prévoyait et annonçait d’avance ce malheureux accident. Voyez, disait-il, j’ai prèché dce soir d’une voix si claire et si sonore que demain il ne m’en restera plus. Et en effet le lendemain il était rauque et avait de la peine à se faire comprendre; ce n’était pas pr lui un motif suffisant de cesser la prédication, il montait en chaire en s’abandonnant à la Grâce de Dieu, il débitait son instruction à voix basse comme s’il eut parlé au confessionnal sans s’inquiéter du reste. C’est ainsi que ds une mission donnée à Bilsen, il fit durant 10 jours l’instruction à la messe de neuf heures avec une extinction totale de voix; le peuple group autour de la chaire le voyait mais ne l’entendait poit : il remuait les lèvres, faisait de gds gestes mais aucun son articulé ne parvenait aux oreilles des assistants. Cette singulière pantomime attira beaucoup de monde, et quoiqu’on ne comprit rien, le zèle du vieux missionnaire ne laisse pas de faire une salutaire impression et de porter ses fruits. Ses confrères avaient beau l’engager à demeurer en repos, il était de Supr et il voulait payer de sa personne jusqu’à la fin des exercices.
Une autre infirmité qui l’incommodait beaucoup c’était de chatouillements dans le dos. On le voyait souvent se demener comme s’il eut été rongé par la vermine. Quand la démangeaison devenait insupportable il allait se poster contre les chambranles d’une porte pur s’y frotter le dos comme une vache contre un pommier. Cette infirmité avait cependant un certain avantage, c’était de lavertir des changements du temps et de la température. Il sentait d’avance d/ son pauvre dos l’approche des neiges, des pluies, des ouragans, des tempêtes. Et sous ce rapport ses prédictions étaient souvent plus exactes que celles di Nick lui-même.
Une maladie plus sérieuse dont il a souffert longtemps surtout au commencement de sa carrière apostolique, c’étaient les battements de coeur. Cela lui prenait au couvent ordinairement quand il devait monter en chaire et au dehors lorsqu’il se rendait à des missions importantes. Un jour qu’il se trouvait d/ une station à attendre son convoi, ce mal l’attaque avec une telle violence qu’il se crut sur le point de suffoquer; il fut forcé de se coucher à terre de tout son long et de demeurer ainsi étendu sur le dos un gros quart d’heure, au grand étonnement des étrangers qui l’entouraient pour lui porter secours. Bientôt il se relevait, rassurait sopn monde et continuait sa route, plein de courage, pour voler à la conquête des âmes.
Un mal plus douloureux encore c’étaient les crampes qu’il ressentait souvent d/ la plante des pieds, d/ les mollets, et surtout d/ la région du coeur. Dans ces moments il faisait vraiment pitié à voir, et cependant malgré toute la compassion qu’on ressentait pour lui, on devait rire à la vue de ses singulières grimaces. Nos Pères prèchaient la retraite pascale dans la prison de Vilvorde.
Ils étaient au nombre de 7, car les exercices se donnaient ds 5 salles différentes. Le soir ils disaient la prière en commun, à genoux, en silence, autour d’une table, ils faisaient leur examen de conscience. Le P. Grom. tout-à-coup se lève en sursaut en poussant un cri terrible, tous les autres saisis de frayeur se lèvent à leur tour, l’environnent, lui demandent ce qu’il a. Pour lui, il se met à sauter en se frottant les jambes et criant : Des crampes.. des crampes ..! Pendt 10’ il continue à sauter ainsi tantôt sur une jambe, tantôt sur l’autre; à la fin il se calme et dit à ses confrères : Allez-vous coucher, mes amis, je crois que j’en suis quitte. Là-dessus il se met au li et s’endort jusqu’au lendemain matin. Une autre fois il assistait à un grand dîner, il y avait au moins 20 personnes à table, prêtres et laïques. Notre Papa était assis sur une chaise bourrée, ce qui était fort dangereux pour ses crampes. Vers le milieu du dîner, il fait un saut, renverse sa chaise et se met à danser autour de la salle en criant : Aïe.. aïe..aïe..! On vole à son secours, mais il repousse tout le monde, en disant : Ce n’est rien, mangez, continuez votre repas; puis il reprend sa danse furibonde en criant toujours : Aïe.. aïe.. aïe.. ! Enfin il quitte la salle, court à la cuisine et revient avec un tabouret en bois sur lequel il s’assied, puis se met à manger de son meilleur appétit.
Le P. Grom. souffrait beraucoup de l’asthme; souvent il avait la respiration gènée, surtout quand il marchait avec précipitation où (sic) qu’il devait gravir une élévation quelconque. Alors on le voyait s’arrêter au milieu de la pente sur le bord du chemin, s’y couchant sur l’herbe comme un homme exténué de fatigue. Un jour il se rendait à pied d/ une commune importante des environs de Bruxelles;: ce village est situé sur le penchant d’une colline, tout au sommet se trouve l’église et la cure. Les autres Pères et l’ouvrier qui portaient les bagages étaient déjà arrivés depuis un certain temps à destination que notre papa se traînait encore péniblement sur la route en portant sa simarre, il était essoufflé, haletant, forcé de s’arrêter à chaque minute. Un capitaine pensionné demeurait sur son passage, c’était un libre-penseur, un incrédule qui ne faisait pas ses Pâques et qui depuis de longues années n’avait pas mis les pieds à l’Eglise. Il voit passer le missionnaire, il remarque les pénibles efforts qu’il doit faire pour gravir la colline, il en est attendri jusqu’aux larmes; il appelle son domestique : Jean, lui dit-il, voyez-vous ce vieux Père, il va tomber mort devant ma porte, courez à son secours, prenez son manteau, donnez lui le bras, conduisez-le chez M. le curé et surtout n’oubliez pas de lui demander ce qu’il vient faire d/ notre commune. Jean exécuta s/ ordres et rapporta à son maître que le vieux Père venait prêcher une mission et convertir les pécheurs. Le capitaine voulut aller l’entendre, il fut touché de la grâce et alla se jeter aux pieds de son protégé pour lui faire une confession générale.
Une autre fois il revenait d’une mission et devait prendre le train à Vilvorde; ce jour-là il y avait à malines une élection communale à laquelle s’intéressait le pays entier,l’affaire allait être chaude. Le train était rempli de voyageurs qui venaient prendre part à l’action. Le Père Gromm. se tenait debout avec son sac et sasimarre, un garde ouvre la portière et lui dit : Entrez, M., il y a encore une place. Malheureusement cette place était invisible à l’oeil nu, le compartiment était rempli de jeunes libéraux qui lisaient des journaux de trottoir et déblatéraient entre eux contre les religieuses et les prêtres, ils jetaient un regard moqueur sur ce vieux prêtre qui se trouvait là devant eux ds un singulier embarras; il avait les mains encombrées par son bagage, ses jambes raides refusaient de monter les marches de la voiture et sa respiration pénible menaçait de le suffoquer. A cette vue ces jeunes messieurs se sentent émus de compassion, ils se lèvent pour lui prêter assistance, ils prennent sa malle et son manteau, lui tendent une main secourable, se serrent pour lui donner une bonne petite place d/ le coin du compartiment; puis le lon de la route pas un mot désagréable ne sortit de leur bouche. Enfin arrivés à Malines, ils l’aident encore à descendre de voiture, aussi Papa leur montra un visage souriant et se pinçant les lèvres pour parler son plus beau français, il leur lança un Merci bien articulé.
Mais le mal dont il a souffert le plus et le plus longtemps ce fut un rhumatisme aigu qui s’était logé ds son épine dorsale et de là paroucrait de temps en temps toutes les autres parties du corps. La 1ère fois qu’il en ressentit les atteintes, il se crut sur le point d’en mourir de douleur; il alla consulter un célèbre docteur qui lui dit : Mon Père, je connais ce mal; c’est là ce qu s’appelle la goutte nocturne parce qu cela vs prend surtout ds la nuit, les douleurs que cette maladie occasionne sont souvent si horribles que les Anglais qui en sont atteints, qd ils n’ont pas de religion, prennent un pistolet et se brûlent la cervelle. Le P. Grom. trouve que le Docteur avait raison mais il dut reconnaître ainsi que cette déclaration du médecin avait bien peu soulagé son mal. Il en souffrit des tourments affreux, indicibles et pendant ce temps, il poussa vraiment jusqu’à l’héroïsme la soumission. Que de fois au milieu de smissions il a dut passer des nuits horribles, pas moyen de se mettre au lit, pas moyen de demeurer assis ds un fauteuil, pas moyen même de se tenir debout, la douleur le fouettait, le poussait, le forçait de se mettre continuellement en mouvement : il marchait donc des heures entières autour de la table en gémissant, en criant vers le ciel pr obtenir un peu de miséricorde, puis fatigué de cette marche pénible, n’en pouvant plus de lassitude, il tombait à genoux et se trainait de la sorte le reste de la nuit autour de sa chambre en s’acdcrochant aux chaises et aux autres meubles qu’il rencontrait sur son chemin; entretemps il ne cessait d’offrir ses souffrances pour la converson des pécheurs et le bon succès de la mission. Le matin venu, il se sentait un peu soulagé, il se rendait à l’église pr dire la Ste Messe, pr prècher et confesser. On comprend ce que ces travaux lui étaient pénibles ds de pareilles circonstances. Mais il se sacrifiait de gd coeur pr le salut des âmes et jamais on ne parvint à le persuader d’écrire un mot à ses Suprs pour qu’on lui envoyat un remplaçant et qu’on lui accorda un peu de repos. C’est ainsi que ds la mission de Massemen (?) on le vit se rendre de la sacristie à la chaire appuyé sur un manche à balai et à Dendervindeke où la cure est assez éloignée de l’église il se fit transporter sur un tombereau ou une petite charette à fumier. Il n’est pas étonnant qu’un dévouement pareil ait produit sur ce peuple une impression profonde qu’on n’a pas encore oublié de nos jours.
Ces terribles attaques de la goutte nocturne le saisirent une dernière fois, mais avec une violence insupportable pendant qu’il habitait le couvent d’Anvers. Il était aqssis dans un fauteuil, pleurait comme un enfant et poussait des cris à fendre le coeur. Les Pères qui habitaient les chambres voisines accoururent à ses lamentations, ils l’entouraient avec la plus vive compassion, tous tristes de ne pouvoir apporter aucun soulagement à ses souffrances. On avait envoyer (sic) quérir le médecin; entretemps l pauvre malade continuait ses plaintes et ses gémissements, si du moins, disait-il, je pouvais remuer quelque peu mes bras et mes mains, mais ils son raides et inflexibles comme du fer. Et cependant il remuait ses bras et les agitait en tout sens comme les ailes d’un moulin à vent. Si, seulement, disait-il encore, je pouvais faire quelque mouvement des pieds et des jambes, mais il ne m’est pas possible de faire un pas. Je suis paralysé de tous mes membres. Et cependant il battait des pieds, se levait et faisait le tour de son fauteuil. Ses confrères qui avaient les larmes aux yeux en le voyant endurer ne pouvaient cependant s’empécher de sourire à la vue de ce singulier manège. Sur ces entrefaites le docteur arriva; après bien des soins et des efforts il parvint à calmer un peu les douleurs du patient, puis il s’appliqua à vaincre le mal ds sa racine, il y réussit si bien que pendant les 15 années qu’il vécut encore le P. Grom. ressentit qu’à de rares intervalles de légères atteintes de cette terrible maladie. Il en remercia souvent le Seigneur car, disait-il, se ces souffrances me reprenaient encore avec la même violence je ne crois pas que je pourrais résister.
Pr le reste il porta bravement le poids des années et les inconmodités de la vieillesse. Il avait perdu ses dents et par suite il avait de la difficulté à manger, il ne s’en plaignait pas : ces pauvres dents, disait-il, m’ont rendu de grands services durant d elongues années. Si maintenant elles se séparent de moi, je ne puis leur en faire un reproche, elles ne m’ont pas quitté avant le temps. Au moyen de ses lunettes il lisait couramment les plus petits caractrères, sa main était encore ferme et maniait aussi biern la plume que la fourchette. Il aimait les châleurs de l’été et pr les froids de l’hiver, il prenait son recours à un poëlle bien chauffé; c’est ainsi qu’il parvint gai et content à la 77ième année de son âge.
Le temps du repos était venu, il en fut averti par une complication de maladies qui présageaient une fin prochaine, le docteur après l’avoir examiné mûrement le déclara atteint d’une bronchite capillaire, d’un engourdissement des poumons, d’une affection grave du coeur. En entendant ces grands mots, ces termes techniques, le bon papa se mit à rire : Je ne comprends rien de tout cela, dit-il, mais ds mon vocabulaire cela s’appelle une vieille machine qui se détraque. Depuis longtemps je porte en moi toutes ces infirmités, le bon Dieu les a modérées en contenues pr me permettre d’achever mon travail; maintenant que ma tâche est achevée, il les lâche pour qu’elles m’emportent vers un monde meilleur. Que le nom du Seigneur soit béni, c’est pour lui que j’ai vécu, c’est pour lui que je veux mourir.
XXXII. La Fin
Le R.P. Grom. fut ordonné prêtre à Liège le 12 Août 1832, par conséquent il s’approchait du 50me anniversaire de cette date mémorable. Ses confrères qui l’aimaient beaucoup s’apprêtaient à célébrer cette fête jubilaire avec tout l’éclat possible. Le bon P. Socius avait conçu le plan d’un petit drame qui devait beaucoup amuser la communauté et faire plaisir au héros de la fête. Il allait évoquer les anciens Pères et Frères de St-Trond et qui en ce jour auraient quitté la tombe pour offrir au vénérable jubilaire leurs hommages et leurs dons. Là on aurait vu cet excellent P. Mommers qui avait si souvent chanté d sa grosse voix T’is wel (sic), t’is wel, zei Pater Michael. Là on aurait vu le doux P. Opdebeek qui avait été si longtemps son recteur et son P. spirituel et l’avait accompagné si souvent dans s/ principales missions. Là on aurait vu le vieux P. Aug. Hendrickx dont l’empressement et l’activité avaient si souvent excité l’admiration de ses confrères, puis on aurait vu comparaître le plus vénérable de nos anciens Frères, le bon vieux Georges qui avait donné au P. Grommen les premières leçons d’Allemand, et lui avait appris à lire les sermons d’Hunolt dont la trduction n’existait pas encore. Ensuite le petit frère Jean toujous si gai et si amusant malgré ses infirmités et ses souffrances, enfin N.Jr (?) Frère Leonard qui d/ sa vie allait prêcher d/ les boutique et jusque d/ les estaminets de St-Trond, d’où il amenait ses convertis au confessionnal de nos Pères. On comprend tout ce qu’un esprit subtil aurait pu broder sur ce thème. D’autres confrères préparaient des discours, des cantates, des chronogrammes, la fête promettait d’être magnifique, mais le Seigneur en préparait une plus belle encored/ son paradis. Les anciens P. et F. n’allaient pas srtir de leur tombe, ils devaient fêter leur confrère et leur ami d/les joies éternelles de leur séjour bienheureux.
Le 8 Février 1882, le P. Gromm. venait de terminer une mission d/ les environs de Malines, il désirait vivement faire une visite d’amitié au Cardinal Deschamps, car, disait-il, c’est probablement la dernière fois que cette occasion me sera offerte; sa visite fut annoncée par une petite lettre qui causa le plus vif plaisir au bon Cardinal. Le jour venu, comme on se rendait à l’évêché, son conrfrère luji dit : P. Grom, nous irons trouver d’abrod P. Louyard pour n/ informer si son Eminence n’est pas empêchée à ce moment. Très bien, répond papa, vous irez chez le P., pour moi, je me rends directement chez Mgr, car j’ai quelque chose de paticulier à lui dire. Il fut reçu à bras ouverts, le Cardinal s’entretint longuement avec Loyard en disant : Prenez bien soin de ce brave homme, car c’est un de mes meilleurs amis, je v/ recommande surtout de me le garder le plus longtemps possible. Là-dessus on condusit papa d/ une chambre magnifique, bien chauffée par un feu ouvert, où d’énormes blocs de bois jetaient leus flammes pétillantes. On roula devant le foyer un immense fauteuil où il pouvait se prélasser à son aise, puis le valet de chambre lui apporta une coupe de bouillon tout chaud. Le P. Gromm. se croyait en paradis, il pris lentement son bouillon, après quoi il demande à dire ses heures et à se reposer quelque peu en attendant l’heure du dîner. A table le Cardinal voulait le placer à sa droite, mais il réclama la gauche pour la bonne raison qu’il y serait plus près du feu et qu’il pourrait chauffer son dos à son aise. Par une attention déicate, on lui servit un plat particulier qu’on savait être de songoût et auquel les autres ne devaient pas toucher, c’était une omelette aulard dont il faisait ses délices. En la voyant il ne put contenir sa satisfaction, Mgr, Merci Eminence, mille fois merci, aujoud’hui je ne mange plus autre-chose, les autres plats sont pour vous. Je n’y toucherai pas. Le domestique lui versa un verre de bière mousseuse, après l’avoir goûté, il dit : ça...ça...ça... quelle bière, je ne vois pas de vin, ceci vaut infiniment mieux; on plaça la bouteille à ses côtés, après q.q. instants le bouchon saute avec bruit, papa, saisit de frayeur pousse un grand cri et se lève de sa chaise en tressaillant, puis il se met à faire de si singulières grimaces que le Cardinal riait à se tenir les côtes. Durant tout le dîner, le P. Grom. se montra de bonne humeur, il raconta ses plus belles histoires, aussi vers la fin du repas son Em. le prit par les deux mains, l'embrassa cordialement et le remercia de sa visite, car, disait-il, depuis longtemps je n’ai plus eu une récréation si bonne et si fraternelle. en quittant le palais du Cardinal, le bon P. se mit à courir comme un jeune homme; son compagnon avait beau crier : Holà ... holà ... holà !! pas si vite, je ne sais pas vous suivre, il continua sa course sans respirer; il en fut de même à St-Trond, de la station au couvent il galopait comme un cheval auquel on lâche la bride. A la fin son compagnon essoufflé l’arrête et lui dit : Pourquoi tant courir ? Rien ne presse. Ecoutez, dit-il, un changement merveilleux s’est opéré en moi, cela tient du prodige, j’ai retrouvé toute mon haleine et les jambes de ma jeunesse, si demain cela continue encore, cela tient du miracle. Le lendemain on lui demanda : Eh bien, comment vont les jambes et les poumons ? Bah, dit-il, l’haleine me manque et les jambes sont raides comme auparavant. Hélas, le miracle avait cessé, ce n’était que la dernière lueur d’une lumière qui allait s’éteindre. Le 25 Mars il donna encore une dernière mission à Spabeek, puis il revint au couvent pour assister aux offices de la Semaine Sainte, il fut assidu au confessionnal durant la quinzaine de Pâques et enfin il profita de quelques jours de repos pour soigner ses fleurs et ses plantes.
Vers le commencement du mois de Mai on remarqua en lui un changement de sinistre augure : son visage s’allongeait et perdait ses couleurs fraiches et vives, son cou se rétrécissait, ses oreilles devenaient blanches et luisantes comme du marbre; souvent il était pris par une toux violente et opniâtre, accompagnée d’un râle effrayante (sic), il souffrait d’oppression de poitrine et d’une gde lassitude dans tous ses membres. Il sentait que sa fin approchait, le lundi 8 Mai il alla en ville faire ses adieux aux pauvres malades et aux vieillards infirmes qu’il visitait depuis plusieurs années; ce fut avec une peine infinie qu’il parvint à terminer cette course fatiguante. Le jour suivant pendant la récréation de midi,il était singulièrement animé, son visage rayonnait, il parlait avec une rareénergie, tout le monde en était étonné et quelqu’un fit la réflexion que cela pourrait bien être le signe avant-coureur d’une catastrophe prochaine. Effectivement quelque temps après il alla se plaindre au Supérieur d’un abattement général qu’il ressentait ds le corps et ds l’âme, il lui demanda la bénédiction et alla se mettre au lit pr prendre quelque repos. Le matin il était levé le premier, célébra la Ste Messe et passa presque toute la matinée en prière à l’oratoire.
Comme son état ne faissait qu’empirer, on demanda le médecin, celui-ci trouva le cas extrèmement grave, il recommanda de bien surveiller le malade parce que le moindre accident suffisairait (sic) pour l’empporter, et en même temps il conseilla de ne pas remettre l’administration des Sacrements. On en parla au Père, mais il ne semblait pas trop pressé pr cette affaire; écoutez, dit-il, ma conscience est en repos, ce matin pendant la Ste Messe j’ai communié sous forme de viatique, il ne reste donc que l’extrème onction qu’on peut m’administrer à toute heure, ainsi il me semble qu’on pourra bien encore attendre quelque peu. Enfin, le jeudi 11 Mai, le P. REcteur se rend auprès du malade et lui dit : Mon cher P. Grommen, votre maladie est sérieuse, ns n’allons plus tarder, aujourd’hui même je vais vous donner l’extrème onction et alors nous pourrons en paix nous remettre à la décision de Dieu, du bon Dieu. Mon R.P., reprend le malade, je suis content, je me remets entièrement entre vos mains, faites comme vous le jugez convenable. Alors il eut avec son supérieur un entretien long et intéressant. D’abord, dit-il, je ne vais pas faire une confession générale, j’ai toujours agi avec mes confesseur ds la droiture de mon âme, je ne comprends pas ce queje pourrais gagner à ramasser de vieilles histoires oubliées depuis longtemps. Ensuite quelques uns de mes confrères ont, avant de mourirdemandé pardon à la comnté, ‘ai été très édifié de cet acte d’humilité; cependant je ne vais pas imiter leur exemple, si j’allais faire cela, on en riarait, on se moquerait de moi. Mes confrères savent très bien que je les ai toujours aimés, il se peut que je les ai parfois froissés par des proles un peu vives oudes manières trop brusques, car voyez-vous je ne suis qu’un paysan, je n’ai jamais appris ces belles manières qu’on enseigne de nos jours ds nos collèges, mais je puis vous assurer que jamais je n’ai voulu blesser la charité de propos délibéré, aussi si j’ai commis des fautes et occasionné du chagrin à mes confrères ils me pardonneront bien sans que je le leur demande. Maintenant pr mes affaires de famille tout cela est arrangé depuis longtemps, je n’ai plus à m’en occuper, seulement je vous prie de ne pas annoncer à mes frères que je suis administré, car ce sont des gens simples, ils voudraient me voir, et ils seraient fort génés ici au couvent et en même tempsils géneraient les autres et moi en particulier, seulement je voudrais bien leur laisser un souvenir après ma mort, si vs voulez leur donner les maximes éternelles de St Alphonse, cela pourrait faire du bien à leur âme. O mon R.P., que j’ai eu de bons parents ! Mon père et ma mère ne savaient ni lire, ni écrire, mais ce n’était pas de leur faute; de leur temps il n’y avait pas d’école au village, mais ils étaient pieux, profondément religieux. Après Dieu, c’est à eux que je dois tout, particulièrement à ma mère, c’est elle qui, dès mon enfance, m’a inspiré l’horreur du mal, la crainte du péché; sans elle je ne serai (sic) jamais devenu ce que je suis maintenant. Enfin je n’ai plus que deux choses dont je puis disposer : ce sont mes sermons et mes rasoirs. Mes sermons ne conviennent aucunement à des hommes instruits, à des philosophes, ils ne sauraient qu’en faire; parmi mes sermons il y en a qu sont bons et d’autres qui ne valent rien,c’est pourquoi je désirequ’on ne le divise pas, mais qu’on les laisse réunis comme ils sopnt. Je les ai promis à ce jeune Père ... Comment s’appelle-t-il ? Là, ce drôle de corps qui est en Amerique ? Le P. Schelfut ? Justement, j’espère qu’on voudra vien les lui faire parvenir. Quant aux rasoirs j’en ai 3 bons à mon usage, puis un certain nombe de très médiocres que j’arrangeais pr ceux qui venaient m’en demander. Les bons pourront servir aux confrères qui ont la barbe épaisse; les autres seront encore utiles à cuex qui n’ont que du duvet.
Toute cette conversation se passait au jardin où le Bon Père se promenait avec son bâton qd le P. Recteur vint lui annoncer l’administration. Ensemble ils s’assirent sur un banc et pendant plus d’une heure ils s’entretinrent des choses qu’on vint (sic) d’entendre. Vers la fin le P. Recteur lui proposa de lui donner l’Extrême Onction après le dîner à l’oratoire, en présence de toute la Communauté. Il protesta de toutes ses forces, d’abord, disait-il, mes confrères n’auraient pas de récréation, attendons jusqu’à ce qu’elle soit terminée; ensuite vous savez que je suis pas pour les grandes cérémonie; que la communauté aille prier à l’ortoire pendant que Votre Révérence me donne les Saintes Huiles avec l’assistance d’un autre Père. mais avant tout il faut m’envoyer un frère pr me laver les pieds car ils ne sont pas trop propres en ce moment.
On fit tout comme il l’avait demandé, et une demi heure après l’administration il était de nouveau au jardin, où il se promenait avec son bâton le long des bâtiments pour examiner ses fleurs placées surles fenêtres, et cela malgré la pluie qui tombait passablement abondamment. Un confrère lui dit : P. Grommen, cela ne vousfera pas du bien de vs exposer ainsi à la pluie et au froid. Mais non, je sens au contraire que cela me fait mal, aussi je vais rentrer après avoir fait ma visite.
Le jour suivant on croyait le trouver à l’agonie mais jugez de la surprise générale quand on le rencontra à l’oratoire où il avait devancé tous les autres pr faire selon son habitude le chemin de la Croix. Ce jour-là, il confessa encore quelques uns de ses confrères et eut soin qu’un Père allât à sa place confesser ses pauvres malades et les préparer à la communion générale qui devait avoir lieu le dimanche suivant. Le Samedi 13 mai il célébra encore la SAinte Messe, mais avec une peine infinie. Après son déjeuner, pendant qu’il était en train de se faire la barbe, il reçut la visite de 3 confrères qui allaient partir en mission; il les embrassa avec une figure encore toute enbarbouillée de savon et leur fit ses adieux, car, disait-il, ns ne nous reverrons plus en ce monde, puis tenant son rasoir d’une main, il leur donna de l’autre une bénédiction toute cordiale. Ce même jour le p. Recteur vint lui die qu’on allait le transporter à l’infirmerie, il fit d’abord q.q. objections mais on lui fit remarquer d’abord la grande difficulté qu’avait le médecin pour monter les escaliers, et ensuite tous les jours à la STe Messe et recevoir la Ste Communion, il céda de grand coeur et se prépara aussitôt à entreprendre ce voyage. Deux Pères le soulevérent par les bras : Mes amis, dit-il, conduisez-moi d’abord à la fenêtre que je jette un dernier coup d’oeil, regard sur mes fleurs bien aimées. Là, appuyé sur la tabelette, il contemple à son aise ce jardin qui a si longtemps fait ses délices, ces fleurs et ces plantes qu’il a cultivées avec tant de soins. Voyez, dit-il, comme ces petits arbustes tiennent bien, puis ces petites fleurs blanches qui commencent à s’ouvrir, bientôt elles formeront un coup d’oeil magnifique, et ces autres plus loin qui soortent de terre. Je ne les verrai plus mais vous en aurez le plaisir, car elles sont si belles. Il continua à deviser de la sorte pendant une demi-heure, puis se redressant il dit : Allons, en marche. Les 2 Pères le traînent lentement jusqu’à la porte de sa chambre, arrivé là, il s’arrête et dit : Faisons un petit tour à l’oratoire, je suis curieux de savoir si mon nom est marqué pour la mission de Berbroek. Après bien des difficultés on arrive jusque là, il se place devant la liste des travaux, met ses lunettes, quel bonheur ! Son nom est encore là à côté de la mission indiquée. Voilà, dit-il, ce qui me fait vraiment plaisir.
Je sais bien que je ne prècherai plus cette mission. Mais du moins cela me prouve qu’on a encore pitié d’un vieillard et qu’on ne voudrait pas s’en defaire de si tôt. Voilà mon chemin de la Croix qu j’ai fait si souvent, et puis la belle image de N.D. du Perpétuel Secours, et puis celle de mon bon St Joseph, et de mon Père Saint Alphonse. Adieu, mes Saints amis, bientôt j’espère vous voir en paradis.
Alors il s’agissait de descendre les escaliers : ce fut une affaire capitale, pour chaque degré il fallait le soulever, le descendre lentement, puis le lasser une minute de repos pendant lequel il poussait un soupir et s’écriait : Deux meus et omnia ! On conçoit ce qu’il fallut de temps pour le conduire jusqu’en bas. Le voyage recommença à travers les corridors qui conduisent à l’infirmerie. Parvenu à la porte de la sacristie une nouvelle halte pour lui donner quelque repos. Ici se place une épisode intéressante. Le bon Père avait manifesté le désir d’voir de la bière de Louvain qui lui faisait tant de bien, surtout quand elle moussait. Pour lui donner cette satisfaction on avait envoyé en ville d/ les principaux hotels et même chez les particuliers, mais en vain on ne put s’en procurer nulle part. par contre, le domestique revint avec un panier rempli de bouteilles de bière de Hougaerde qu’on dit excellente. A sa vue le P. Grom. s’écrie : Est-ce de la Louvain ? Mais c’est de la meilleure. Voyons, donnez-moi un verre que je la goûte. Il en boit un coup, fait une grimace, repousse le panier en disant : Pouah ! Pouah ! elle ne vautrien, c’est de la saloperie, on dut se remettre en course et on finit par dénicher quelques bouteilles de véritable bière de Louvain chez les religieuses Uruslines qui les cédèrent volontiers. Entre temps papa continua son voyage vers l’infirmerie; il yarriva après une promenade de plusieurs heures.Là, on l’installe d/ un fauteuil largeet commode, car depuis plusieurs jours il ne s’était pa mis au lit, la position horizontale l’aurait étouffé.
Il passa à l’infirmerie les jours du dimanche et du lundi; un Père se tenait continuellement près de lui, mais à l’approche de la nuit il le renvoyait en disant : Je n’ai pas besoin de votre présence, qu’un Frère veille auprès de moi, c’est plus qu’il ne faut. Les confrères venaient souvent le visiter et ses entretiens avec eux étaient extrêmement édifiants. P. Grom., lui dit-on, que Dieu doit être beau et que vous allez être heureux de le voir ! Considérez les fleurs qu’il a créées, voyez leurs couleurs si variées, leur structures si admirables, tout cela nous parle deDieu, de sa sagesse, de sa beauté, de sa puissance, mais surtout de sa bonté et de son amour. Car pourquoi nous a-t-il donné ces fleurs ? Uniquement pour notre plaisir : elles ne servent pas à nourrir ni à faire nos vêtements; elles ne servent qu’à réjouir la vue et flatter l’odorat. Si ces pauvres petites fleurs sont si belles, que doit être ce grand Dieu qui les a créées ? O pulchritudo tam nova, tam antiqua ! Voir Dieu, aimer Dieu, posséder Dieu pendant toute l’éternité ! I secula seculorum laudabunt te ! Il s’amusait au point qu’on croyait le voir en extase.
Un jeune Père lui dit : Père Grom. vous êtes vraiment heureux, vous voilà au bout de la carrière, vous allez jouri du repos tandis que nous nous aurons à combatre et à souffrir durant peut-être encore de longues années. - Mon cher ami, lui dit le malade, vous êtes aussi heureux que moi puisque vous faites la volonté de Dieu. N’est-ce pas glorieux de combattre et de souffrir pour un si bon maître? Et puis si vous persévérez d/ votre vocation, plus tard à v/mort vous aurez le même bonheur que moi. – Mais que dois-je fair pour persévérer ? – Ce qu’il faut faire ? Etre religieux, quand vous sortez du couvent, encore plus que quand vous vous trouvez à l’intérieur. Oh Sainte persévérance,que je suis heureux, que je remercie le Seigneur ! Cursum commavi, fidem servavi ... Oui, je suis heureux Grâce à Dieu j’ai conservé la faoi et j’ai travaillé à la conserver d/ les autres. Il est vrai que j’aieu mes défauts, j’ai commis des fautes nombreuses; mais il est une chose que Dieu sait, c’est que d/ tous mes travaux je n’ai jamais eu d’autre intention que la gloire de Dieu et le salut des âmes.
Une autre fois il disait : Mon Père, j’éprouve une certaine crainte de la mort, mourir, mourir qu’est-ce donc? Pourquoi la nature voudrait-elle s’y soustraire ? Et cependant j’y suis préparé, toujours j’ai pensé : Estote parate. C’est pour cela queje suis venu d/ la congrégation, c’est pour cela que j’y ai vécu et que j’y meurs. Oh Sainte Congrégation, que vos enfants sont heureux, comme ils feront du bien pour conserver la foi dans les âmes et qu’elle est grande la récompense que Dieu leur a préparé.
Un Père lui suggéra quelques bonnes pensées entre autres celle d’unir ses souffrances et sa mort à celle de J.C. Merci, mon Père, dit-il, mais j’aidéjà fait tout cela, maintenant je me repose, plein de confiance entre les bras de mon Cher Jésus. – Je le connais et il me connait. Je l’aime et il m’aime, on unique désir est de le voir au plus tôt : Veni Domine Jesus, Veni.
Il reçut la visite de M. le Doyen, du bourgmestre et du directeur de l’Ecole normale et de plusieurs autres personnages notables. Il s’en montra extrêmement reconnaissant. Ces braves gens, disait-il, me mortent beaucoup trop d’intérêt, je ne le mérite aucunement, mais ils veulent honorer Dieu d/ un de ses ministres. Les deuxisites qui lui firent peut-être le plus de plaisir, furent celles des étudiants et des novices. Les novices vinrent d’abord se prosterner devant lui et lui demander une dernière bénédiction. A cette vue le bon Père fut attendri, il voulut absolument se lever et demander qu’onle soutint pour se tenir debout, puis après avoir joint les mains il fit sur eux plusieurs signes de Croix en disant : Benedictio Dei omnipotentis, Patris et Filii et Spiritus Sancti, Beatae Mariae Virginis, Sancti Josephi, Sancti Alphonsi et omnium sanctorum paradisi descendat super nos et maneat semper Amen.
Il bénit de même les jeunes étudiants accourus à leur tour.
Après leur départ, il se mit à dire : Voyezcomme le bon Dieu aime notre congrégation, our remplir les vides que la port fait parmi nous. Il nous envoie ce grand nombre de braves jeunes gens, qui viennent occuper notre place et travailler au salut des âmes. Oui,Dieu aime notre congrégation. Il nous bénit et Il bénit nos travaux. Gloria Patri et Filio et Spiritui Sancto. Il ne cessait de faire avec la plus grande ferveur des prières jaculatoires telles que : Deux meus et omnia ! Mon Dieu, ne permettez pas que quelqu’un se perde à cause de moi. – Mon Jésus, Vous êtes tout mon amour – Marie, ma Mère, assistez-moi maintenant et à l’heure de la mort.
Cependant malgré la gravité de son état, il avait toujours son mot pour rire, il amusait ses confrères par des traits charmants et spécialement par l’histoire de son asperge, qu’il raconta d’une façon si baroque qu’un des Pères qui l’écoutaient dut s’enfuir pr ne pas crever de rire. - La nuit du 15 Mai au 16 fut très pénible, il se sentait suffoqué (sic), les forces l’abandonnaient, il se crut à la mort. Il pria le frère qui veillait à ses côtés d’avertir le P. Recteur, pr qu’il vint réciter les prières des agonisants. Il répondit à toutes ces prières avec une grande ferveur, il semblait rassembler ses dernières forces pour envoyer vers le ciel les aspirations ardentesded son coeur. Tout à coup les prières s’arrêtent, il se fait un grand silence. – Le P. Grommen en est tout surpris, continuez donc, dit-il, vousn’avez pas achevé. Nous ne pouvons pas achever car ce qui suit ne doit se dire qu’à l’extrémité, vous n’êtes pas encore là. – C’est bien, dit-il, dans ce cas donnez-moi un petit verre de bière de Louvain. On l’apporte et il le boit et aussitôt il s’écrie : Ca, ça, ça, comme cela me fait du bien ! J’en suis tout fortifié, allez vous coucher tous et moi aussi je vais un peu dormir. Il dormit jusqu’au matin quand le P. Recteur vint à l’infirmerie célébrer la Sainte Messe. Le malade y assista avec une piété angélique. A la communion du prêtre il voulut absolument se mettre à genaoux pour recevoir une dernière fois son bien aimé Jésus. Le Père qui l’assistait, l’engagea à demeurer assis vu sa grande faiblesse : Non, dit-il, à genoux; Jésus-Christ mérite bien cela. Il fallut donc le soutenir à grands efforts; après la communion on le plaça de nouveau dans son fauteil, il se tint recueilli en silence pour faire son action de grâces. Au bout de quelque temps ildemanda au frère demeuré près de lui – Mon frère, combien de temps ai-je prié ? Une bonnen vingtaine de minutes – C’est bien, je vous prie de me chercher une tasse de café et un morceau de tarte. – Il déjeuna selon sa coutume de bon appétit, puis il se couche à son aise dans son fauteuil, dit adieu au frère et à tout le monde et entre doucement en agonie. A cettevue le frère court à la sonnette pour appeler la communauté. Le P. Recteur et les autres pères accourent à l’infirmerie, tandis que le reste de la communauté se rend à la chapelle, on continue les pmrières des agonisants, le malade ôta pieusement sa calotte, fit un grand signe de croix, et vers la fin des prières on remarque que le bon Père Grommen s’était paisiblement éteint dans le Seigneur. C’était le mardi 16 Mai, fête de St Jean Népomucène, vers 6 ½ du matin. Il était mort comme il avait vécu, calme et tranquille, plein de confiance en Jésus et Marie et dans un abandon complet à la Sainte et adorable volonté de Dieu. Pretiosa in conspectu Domini mors sanctorum ejus.
XXXIII. Sa Memoire
Quelques heures après son décès sont (sic) corps fut exposé au grand parloir du couvent sur un lit de parade orné de draperies noires et de guirlandes de fleurs. Qu’il était beau dans son sommeil si calme, si paisible : il dormait avec cetair tranquille comme nous l’avions vu si souvent s’assoupir durant la récréation du midi, ildormait en souriant et ses lèvres entr’ouvertes semblaient encore prètes à lancer un de ces traits spirituels qui lui étaient si familiers, il dormait et tous ceux qui le voyaient se sentaient l’envie de le secouer pour obtenir de lui un regard ou une parole; mais le bon Père dormait du sommeil des justes et n’avait plus aucun désir d’interrompre un repos si justement mérité. In pace in edipsum domiare et requiescam.
Les obsèques furent fixés au jeudi 18 Mai fête de l’Ascension, à 4 ½ l’après-midi. Le doyen de la ville les fit annoncer dans toutes les églises et en même temps il prévint ses paroissiens que le salut se ferait ce jour-là à 2 ½ h, afin que tout le monde put assister à l’enterrement du P. Grommen. Les bons Pères Récollets firent aux membres du Tiers Ordre qu’il n’y aurait point de réunion pour le même motif. Le Bourgmestre de Saint-Trond mit sur pied toute la police pour maintenir le bon ordre, dans la prévision de la foule immense qui allait assister à ses obsèques. Le P. Grommen durant toute sa vie avait en horreur des cérémonies; il fuyait les hommes comme une peste, il en fut bien dédommangé après sa mort; ses funérailles furent dignes d’un monarque, on peut dire que la ille entière y assistait. Une demi-heure avant le service funèbre l’église du couvent était bourrée de monde,les rues adjacentes se remplissaient d’une foule compacte et l’on eut toutes les peines du monde à former le cortège. L’association de la Sainte Famille était au grand complet; ces braves gens tenaienet à donner un dernier témoignage d’amour et de reconnaissance à leur ancien directeur, ils avaient déposé sur le cercueil une énorme couronne d’immortelles, et ils portaient comme en triomphe sur leurs épaules le corps de leur Père bien aimé. Devant eux marchaient les jeunes gens de la congrégation avec leur billante fanfre qui exécutait des marches funèbres ou accompagnait le chat de psaumes. Le corps du défunt était précédé d’un clergé nombreux. On y voyait 76 membres de notre congrégation : novices, étudiants, frères, prêtres profès ensuite la plupart des prêtres de la ville avec les 2 doyens de Saint-Trond, un grand nombre de professeurs du Petit Séminaire, du collège et de l’Ecole normale, les Pères Récollets et les frères de Charité. Derrière le cercueil venait la famille du défunt, son frère Jérome avec ses enfants, puis le curé de Cortessem avec un certain nombre d’étrangers anciens amis du P. Grommen. Après eux marchaient les notables de la ville : le Bourgmestre avec ses échevins, plusieurs membres du Conseil communal, des avocats, notaires, médecins et enfin une foule immense d’hommes, de femmes, d’enfants dont on porte le nombre à plus de 6000. Tous priaient le chapelet à haute voix et marchaient en bon ordre vers le cimetière de (espace laissé libre).Après les dernières prières et lorsque le cercueil fut descendu dans la fosse il y eut une presse indescriptible, la foule se porta vers le tombeau comme une mer qui a rompu ses digues : tous voulaient jeter un dernier regard sur le cercueil , dire un dernier adieu à un Père et à un ami, il fallut un temps notable avant que le clergé put reprendre le chemin de l’Eglise. La foule s’y porta également, après un dernier “De Profundis” récité au pied de l’autel. Le R.P. Van Aertslaer monta en chaire, fit en peu de mots l’éloge du défunt et remercia vivement les habitants de Saint-Trond des témoignages d’estime et d’amour qu’ils venaient de donner à notre cher confrère.
Parmi les lettres de condoléances que reçut le Père Recteur citons seuelemtn ces lignes du R.P. Laus datées de Bishop Eton (?) –
C’est une grande perte pour la maison de Saint-Trond et la province Belge que la mort d’un tel religieux, d’untel missionnaire, d’un tel confrère; j’espère que le souvenir de ses vertus, de ses travau et surtout des traits charmants dont sa vie entière fut parsemée se conserveront dans la Province pour animer les autres à imiter cet aimable modèle. J’ai eu le bonheur d’habiter avec lui le couvent de Saint-Trond, sa grande simplicité, sa naïveté, sa bonne humeur ne servirent pas pmeu à me faire surmonter les premières difficultés de la vie religieuse et surtout à me donner les forces nécessaires pour faire le grand sacrifice que l’obéissance m’impose quand je fus envoyé en Angleterre pour y vivre et probablement pour y mourir...
Deo Gratias. †
“Vir simplex et rectus, regularum observantissimus, eximius et indefessus per 39. annos missionarius, placide obdormit in Domino.” T. R. P. Kockerols